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Désormais, les
maires devront faire face, seuls, à toutes les dépenses budgétaires et doivent
trouver comment innover et gérer leur budget, loin des subventions d'équilibre
octroyées jusque-là très généreusement par les pouvoirs publics.
Il faudrait pour cela, crise oblige, rogner sur les budgets, reporter des projets non prioritaires et surtout chercher de l'argent pour investir et créer de l'emploi localement : un défi pour des responsables locaux habitués aux ordres du pouvoir central et, surtout, à dépenser sans compter ! À leur décharge, faut-il le rappeler, les pouvoirs publics n'ont pas économisé leurs efforts pour renforcer les financements propres des communes, en peine perdue sommes-nous tentés de le dire dès lors que ces dernières restent excessivement dépendantes du budget de l'État. Plus de la moitié d'entre-elles, soit 62%, sont déficitaires, alors que les communes les plus riches ne représentent que 7% de l'ensemble des APC. Quant au reste, elles « vivotent » comme elles peuvent et le service public s'en ressent bien sûr ! Du côté de l'administration de Noureddine Bedoui, on le répète à l'envi, les communes vont souffrir pour cause de crise, et et aussi à cause de la baisse du taux de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP), ce qui va impacter gravement leur trésorerie. En valeur absolue, c'est une perte de près de 80 milliards de dinars pour l'ensemble des communes ! Pour la précision, rappelons que 58% des recettes communales proviennent de la TAP, 35% de la TVA et que les autres impôts ne représentent que 4% de la fiscalité locale. Toutefois, il faut rappeler cette vérité : les communes ne disposent pas, contrairement à ce qu'on pense, du pouvoir fiscal. Il faudrait une loi pour cela. Elles sont tributaires de la redistribution de la fiscalité ordinaire par le biais du Fonds commun des collectivités locales qui s'est transformé entre temps en Caisse des garantie des collectivités locales, tout en gardant ses vieilles habitudes et sa frilosité légendaire ! Il y a aussi ces inadéquations entre cette redistribution et les missions attribuées aux communes, dont la plupart trouvent d'énormes difficultés pour financer des projets, et surtout à prendre en charge l'entretien des établissements scolaires et autres centres de santé. Du côté du ministère de l'Intérieur, on avait, par le passé, évoqué la mise en place de nouvelles mesures visant à faciliter le recouvrement des impôts comme la taxe foncière, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ; on s'était même promis d'engager des huissiers de justice ou de mettre en place des équipes spécialisées pour assurer ces recouvrements qui sont dus aux impôts ! On a parlé aussi de négociations à venir avec le ministère des Finances pour voir dans quelle mesure on pourrait élargir l'assiette fiscale pour que des cimenteries et autres carrières d'agrégats implantées, par exemple, à Meftah ou à Tissemsilt puissent profiter aux communes où elles sont implantées ? En peine perdue ! Et pourtant, l'ancien ministre d'État, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Zerhouni, se plaisait à le rappeler « la véritable réforme à faire dans les collectivités locales, disait-il, réside dans la réforme des finances et de la fiscalité locales ». Si Yazid estimait par ailleurs « qu'il ne servait à rien de confier à une commune trop d'attributions si elle ne disposait pas de ressources ou n'en n'était pas capable d'en mobiliser ; des APC, a-t-il ajouté, disposent, pour certaines, de ressources patrimoniales très importantes, mais peu d'entre-elles font l'effort de les récupérer ou de les valoriser » ! Un chiffre pour illustrer ce propos : le rendement des biens immobiliers des communes ne dépasse pas les 7% des ressources locales ! Une vérité aussi : il faut arrêter de croire que la commune, en Algérie, a des vertus « créatrices de valeurs » tout comme une entreprise, dès lors que ce ne sont pas les mêmes règles commerciales, comptables et juridiques qui la régissent ! Elle ne dispose également ni de l'expertise ni du professionnalisme de l'entreprise et de son gestionnaire. Les communes vont mal. Leur budget de fonctionnement explose, tout comme leur masse salariale et pourtant certaines d'entre elles, Constantine par exemple, sont dotées de mannes financières de près de 7 milliards de dinars ; cette commune n'arrive pourtant pas à mettre à profit cet argent ainsi que celui qu'elle tire des 3200 biens lui appartenant et dont les loyers sont estimés à 15 milliards de dinars ; seuls 2,8 milliards sont recouvrés, selon le wali ! Le bilan est lourd et les maires ont leur part de responsabilité : certains ont été accusés « d'inertie », d'autres de « passivité », et même de « manœuvrer » pour obtenir des subventions ! Et avec tout cela, ils revendiquent des prérogatives plus larges ! Sinon que faut-il faire pour améliorer le développement des collectivités locales ? A ce jour on ne voit pas ce qui a réellement changé dans nos territoires ! Certains s'interrogent aussi sur l'opportunité de l'invitation des maires à la grande messe du week-end dernier ? La similitude du timing est effectivement troublante dès lors que ce sont toujours les représentants du «pays réel» que l'on invite pour un briefing à quelques mois de la prochaine présidentielle ! Quand bien même l'on peut arguer avec justesse que l'initiative actuelle ne relève que du ministère de l'Intérieur et qu'elle s'inscrit en droite ligne dans une démarche strictement technique entamée après la réunion «gouvernement-walis» (2016), l'on peut tout de même s'interroger sur la fiabilité d'un tel rassemblement alors que le nouveau code communal demeure au stade de la cogitation bureaucratique. C'est dire que ce n'est pas une question de «détail» que cette urgence à programmer une grandiose mise en scène avec pour seul temps fort un message présidentiel lu à la tribune. (*) On s'attendait à plus : un projet de code communal sensé élargir leurs prérogatives ou plus encore une ébauche de réforme des finances et de la fiscalité locales ! Il n'en fut rien, ce qui a permis à certains édiles de monter « gaillardement » au créneau qui, pour demander une augmentation de salaire ou tel autre, pour revendiquer une « immunité » ! Ce qui a certainement influé sur ce panel des 100 personnes questionnées par Ennahar on ligne qui ont répondu non à 66% à la question « êtes-vous pour l'élargissement des prérogatives des maires ? » Les organisateurs du ministère de l'intérieur ont bien évidemment soutenu que la rencontre a permis, aux uns et aux autres responsables, d'avoir des échanges et de formuler quelques suggestions et de repartir rassurés : 100 milliards de dinars seront consacrés en 2018 au soutien des programmes communaux de développement (PCD) a annoncé Noureddine Bedoui et comme autre cadeau l'institution d' « une journée nationale de la commune » ! Vous êtes la clef de voûte de notre dispositif économique et c'est un surpassement de soi que l'on attend de vous, a dit le ministre aux maires ! Mais nonobstant une rente importante, certains maires continuent à gérer le quotidien par des méthodes qui se caractérisent par un sérieux déficit de communication, malgré les exhortations du ministre de l'intérieur, qui aimerait les voir investir le terrain en managers du développement, en médiateurs de la République et, surtout, se rapprocher de la population tout le temps et non pas le temps d'une visite officielle ou d'une élection ou réélection ! En définitive, les citoyens n'étant consultés ni sur leur compétence ni sur leur éviction, sont dispensés de la tâche d'évaluer ou de contrôler leur gouvernance même si une disposition du code communal le prévoit. Les maires le savent, mais ce n'est pas demain la veille qu'ils vont sacrifier à la transparence ! En attendant, politique oblige, le curseur est mis sur 2019 et il n'y a presque pas de place pour le développement local, à moins que le pétrole n'atteigne des sommets ! (*) Boubekeur Hamidechi Maires en conclave : la saison des vœux pieux ! |
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