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Privatisation: Bouteflika veut éviter des dérapages

par Ghania Oukazi

Le groupe de travail mixte, Gouvernement-UGTA-Patronat, s'active à mettre au point «un canevas» de dénombrement de l'ensemble des entreprises publiques économiques.

«Le tout se fait sous la supervision du président de la République qui tient à placer les garde-fous nécessaires pour encadrer tout le processus du partenariat public-privé», affirme Sidi Saïd.

«Canevas» est le terme utilisé par le secrétaire général de l'UGTA pour faire savoir que le groupe de travail mixte institué au lendemain de la réunion tripartite du 23 décembre dernier tenue pour le paraphe de la Charte de partenariats sociétaires, travaille sur l'inventaire des entreprises économiques affiliées au secteur public. «Ce canevas va être prêt dans une semaine ; on aura sous les yeux l'ensemble des situations financières et de gestion des EPE (entreprises publiques économiques); c'est une opération la plus normale du monde, nous la menons avec l'accord du président de la République», a-t-il souligné. C'est en fait «la première démarche que nous entreprenons en prévision de la faisabilité de la Charte de partenariats de sociétés, le processus d'exécution du partenariat public-privé n'est même pas encore lancé», nous explique-t-il. «C'est maintenant que le PPP est en train de naître», a renchéri hier un patron privé, membre du FCE. Abdelmadjid Sidi Saïd sortait hier en fin de matinée de la salle où se tenait le congrès de l'Union de wilaya de Souk-Ahras. Le patron de l'UGTA a noté qu'il présidait le 10e congrès d'union de wilaya et que de Souk-Ahras il allait se diriger vers Batna pour en tenir le 11e du genre. «On tient deux à trois congrès d'union de wilayas par mois, c'est selon l'agenda de la centrale syndicale et la disponibilité des secrétaires nationaux et des staffs syndicaux ; on doit en tout cas boucler les congrès des 48 existantes», nous a-t-il indiqué. Cela, en prévision, bien sûr, du 13e congrès de l'UGTA prévu en 2020 pour reconstituer les instances dirigeantes avec à leur tête celle du poste du secrétaire général de l'Organisation.

Le droit de regard de Bouteflika

Entre un congrès et un autre, le SG de la centrale syndicale se penche sur le travail du groupe mixte pour connaître l'avancement de l'élaboration du canevas du secteur public. Pour l'heure, seule la règle 66/34 consacrée par l'article 62 de la loi de finances de 2016 figure comme fondement au PPP. Sidi Saïd nous rappelle encore une fois que «les 34% que détiendront les entreprises publiques à l'ouverture de leur capital aux privés sont véritablement ce tiers bloquant qui empêchera toute dérive du privé.» L'ouverture du capital des EPE deviendra alors, selon lui, synonyme de collaboration publique-privée «où le management privé devra prouver ses compétences pour sortir le secteur public de sa léthargie.» Pour cela, le chef de l'Etat semble exiger un droit de regard aussi large que possible sur les listes des entreprises devant être soumises à l'ouverture de leur capital au privé national sur la base de la règle 66/34% et étranger sur celle des 51/49%. Le patron de l'UGTA en explique la proportion. «En plus du respect inconditionnel des lois sociales et de l'avis de la représentation syndicale de l'entreprise appelée à céder des parts de son capital aux entreprises privées, le président de la République insiste pour que toute liste d'entreprises économiques publiques concernées par ce procédé doit lui être transmise pour qu'il décide de son maintien en entier, à moitié ou alors carrément de son rejet, il est le seul juge de la mise en œuvre effective du PPP», affirme-t-il. D'ailleurs, il rappelle que «si la charte des partenariats des sociétés oblige l'entreprise publique à associer sa représentation syndicale dans tout processus d'ouverture de capital, c'est que nous avons tenu à mettre des garde-fous contre tout dérapage» (Voir le Quotidien d'Oran du 3 janvier 2018). La charte est, selon lui, «un ancrage conventionnel et une démarche politique pour le PPP et son préambule en est la feuille de route.» Il précise alors que «personne ne peut sortir de ce préambule qui est le véritable cadrage à toute ouverture de capital entre résidents, préambule qui repose sur l'esprit du contenu du programme du président de la République, il le rapporte d'ailleurs clairement.»

L'instruction «du verrou de précaution»

Sidi Saïd évoque dans cet ordre d'idée la récente instruction adressée au 1er ministre et par laquelle le président de la République (ré)affirme sa supervision du processus d'ouverture de capital des EPE. «Le président de la République tient absolument à ce que l'avis d'appel d'offres ou l'adjudication à l'attention des privés doivent être lancés dans la transparence la plus totale», précise-t-il. «Dès que le canevas sera prêt, l'UGTA doit en sortir les premières entreprises éligibles à l'ouverture de capital, une fois la liste établie, et avant qu'elle ne soit examinée par le Conseil des participations de l'Etat (CPE), elle doit être transmise au président de la République», note-il. Sidi Saïd estime que «le président veut ainsi mettre un verrou de précaution pour qu'il n'y ait pas de dérapage ; il doit donner son aval pour toute opération d'ouverture de capital. L'expérience des premières privatisations menées il y a quelques années l'ont échaudé ; il en a pris donc acte et refuse aujourd'hui que l'expérience ne se répète ou que le copinage (entre autres), rentre en jeu.» Le patron de l'UGTA a précisé que «depuis, le président de la République a toujours tenu à avoir un droit de regard sur la chose économique». Pour lui, «le PPP commence à prendre ses premiers contours. Je rappelle que c'est le président de la République qui a demandé à ce que la charte soit paraphée par les signataires du pacte économique et social de croissance au siège de la centrale syndicale ; il a voulu en faire un symbole du dialogue social qu'il a toujours encouragé et auquel il tient tant.» L'on rappelle que le FLN a été instruit par les soins de Bouteflika pour soutenir et endosser la charte de partenariats des sociétés. Les polémiques sur les objectifs du PPP et la dernière instruction de Bouteflika semblent avoir découragé quelque peu de nombreux patrons du FCE qui affichaient pourtant de grandes velléités pour une reprise légalisée des EPE. «On n'a pas du tout envie de créer des zizanies au sein du monde du travail, encore moins d'être accusés de la destruction ou du bradage du secteur public, on craint que les travailleurs ne soient montés contre nous», nous disent certains d'entre eux. Invité aujourd'hui par le FCE à une rencontre à la Safex, Ahmed Ouyahia sera certainement interpellé sur les directives du chef de l'Etat relatives au PPP. Il est attendu en tout cas que des clarifications en soient fournies et des messages transmis.