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Libye: Ballet diplomatique pour sortir le dossier de l'impasse

par Yazid Alilat

La marche difficile de la Libye vers la stabilité politique, qui doit ouvrir la voie pour l'élection d'institutions démocratiques et la fin de la guerre civile, est une nouvelle fois mise à l'épreuve. Avec la fin de la période de l'accord de 2015 conclu à Skhirat, dans la banlieue sud de Rabat, les appétits politiques des uns et des autres se réveillent, en particulier dans l'est du pays, fief du maréchal Khalifa Haftar, qui n'a jamais reconnu la légitimité du gouvernement d'union nationale, décidé lors des négociations de Skhirat sous supervision de l'ONU. Entre le maréchal Khalifa Haftar et Fayez Es-Serraj, qui dirige le GNA, et soutenu par la communauté internationale, de profondes divergences politiques existent, et qui ont hypothéqué jusque-là tout retour à la paix civile dans le pays. A la veille de la fin du mandat du GNA, hier dimanche 17 décembre, le maréchal Haftar n'a pas fait grand mystère de sa volonté de prendre le pouvoir en Libye, unilatéralement s'il le faut, s'il n'a pas l'aval de l'ONU ou de la communauté internationale. Hier dimanche, il a clairement affiché ses intentions en déclarant que l'accord politique libyen signé le 17 décembre 2015 au Maroc a expiré, et avec lui le mandat du GNA. L'accord signé il y a deux ans à Skhirat sous l'égide de l'ONU, prévoyait la formation du GNA pour un mandat d'un an renouvelable une seule fois, un gouvernement que Haftar n'a jamais reconnu. Pour éviter tout remous politique susceptible de replonger le pays dans le chaos, le Conseil de sécurité de l'ONU avait prévenu jeudi que l'accord de Skhirat «demeure le seul cadre viable pour mettre fin à la crise politique en Libye», en attendant la tenue d'élections prévues en 2018. Mais, pour Haftar, la date du 17 décembre marquait «un tournant historique et dangereux» avec «l'expiration de l'accord politique libyen». «Tous les corps issus de cet accord perdent automatiquement leur légitimité contestée (déjà) dès le premier jour de leur prise de fonction», a-t-il dit dans un discours télévisé. Mais, il a tenté de calmer ses opposants en déclarant avoir été «menacé de mesures internationales fermes» s'il osait prendre des initiatives en dehors du cadre mis en place par la communauté internationale et la mission de l'ONU en Libye. «Nous annonçons sans équivoque notre obéissance totale au peuple libyen, maître (...) de son destin», a-t-il conclu. La fin de l'accord du 17 décembre 2015 de Skhirat a, pour autant, mis en branle un ballet diplomatique entre Alger et Tunis, avec comme principal acteur le chef du GNA, Fayez Es-Serraj, arrivé hier à Alger où il s'est entretenu notamment avec le Premier ministre Ahmed Ouyahia. Les discussions ont porté sur la situation actuelle en Libye et les perspectives de stabilité politique dans le pays, prélude à l'organisation d'élections en 2018. A l'issue de l'entretien entre MM. Ahmed Ouyahia et Fayez Es-Serraj, celui-ci a déclaré que «cette visite s'inscrit dans le cadre de la consultation permanente entre les deux pays», soulignant «la convergence de vues entre les deux parties». Il a salué «le soutien de l'Algérie dès le début à la stabilité de la Libye et à l'accord politique», signé le 17 décembre 2015 sous l'égide de l'ONU. Par ailleurs, MM. Ouyahia et Es-Serradj ont évoqué la coopération politique bilatérale en prévision de la tenue de la haute commission mixte algéro-libyenne au début de l'année prochaine.

A Tunis, par ailleurs, s'est tenue hier dimanche la 4e réunion de coordination des ministres des Affaires étrangères de Tunisie, d'Algérie et d'Egypte. Cette rencontre se tient dans le cadre de l'initiative tunisienne pour un règlement global de la crise en Libye, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères de Tunisie. M. Abdelkader Messahel, indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères, dirige la délégation algérienne à cette réunion de coordination sur la Libye, qui sera consacrée à l'examen des derniers développements du dossier libyen et aux perspectives d'une solution politique globale en Libye. Elle permettra, également, selon la partie tunisienne, ?'de discuter du suivi des principes adoptés par la Déclaration de Tunis pour un règlement politique global de la crise en Libye'', signé le 20 février 2017, et des réunions qui se sont tenues, ensuite, à Alger, New York et au Caire. ?'Un plan d'action au niveau trilatéral pour la prochaine période sera défini afin de soutenir le plan des Nations unies pour la Libye, avec la participation des parties libyennes concernées'', ajoute-t-on de même source. M. Messahel sera reçu, en marge de cette rencontre, par le président tunisien Beji Caid Essebsi, et s'entretiendra avec le représentant du secrétaire général des Nations unies pour la Libye, Ghassane Salamé. La dernière réunion entre les trois ministres des Affaires étrangères a eu lieu le 15 novembre dernier au Caire. Mais, la situation actuelle en Libye de ?'ni guerre ni paix'' est dénoncée par l'envoyé spécial de l'ONU en Libye, le libanais Ghassane Salamé, qui a indiqué dimanche que les Libyens en avaient «marre de la violence» et «considéraient le processus politique comme la seule voie vers la stabilité et l'unité de leur pays». «J'exhorte ainsi toutes les parties à écouter leurs voix et à s'abstenir de toute action qui pourrait menacer le processus politique», a-t-il dit. Dans un entretien au quotidien français Le Monde diffusé samedi, il a expliqué que son plan d'action pour la Libye ?'consiste à sortir de la phase transitoire actuelle pour sceller une solution politique bâtie autour d'une Constitution, d'élections (présidentielle et législatives) et d'une réconciliation.'' Seul problème, la révision de l'accord de Skhirat de 2015, dont il veut améliorer l'efficacité du gouvernement pour « ce qui reste de la phase transitoire ». ?'La gestion du provisoire ne doit pas nous détourner de l'essentiel'', car ?'avant d'organiser des élections, les Libyens doivent s'engager au préalable à en accepter le résultat'', a-t-il affirmé dans cet entretien.