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Le
dossier de la mémoire, même s'il n'est pas dans les priorités de la courte
visite d'aujourd'hui du président français à Alger, semble être au cœur d'un
rendez-vous attendu depuis l'élection d'Emmanuel Macron
à l'Elysée en mai dernier.
Si ce dernier s'était rendu à plusieurs reprises en Algérie alors qu'il était ministre de l'Economie, c'est sa première sortie officielle en tant que président de la République, lui qui a transgressé la règle générale de ses prédécesseurs qui avaient fait du tarmac de Houari Boumediene, leur première escale en Afrique. Plus que l'aspect économique, vu de Paris, le devoir de mémoire reste, pour les Algériens, l'un des baromètres de l'état des relations entre les deux capitales. Si la demande de repentance n'est plus aussi formelle qu'auparavant, il n'en demeure pas moins que la question passionne toujours les débats. Ainsi, le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, a affirmé, lundi dernier, que l'Algérie «attend beaucoup» d'une visite en soit «ordinaire», mais qui revêt un caractère particulier à travers le dossier de la mémoire «en suspens entre les deux pays». Cette attente est surtout dictée et encouragée par les propos tenus par Macron, candidat à la présidentielle, lors de sa tournée électorale à Alger. Lors de sa dernière visite à Alger, il avait notamment déclaré que la colonisation est un crime contre l'humanité. Des propos qualifiés par Zitouni des «les plus lourds qu'ait prononcé un président français». Pour rappel, en 1981, François Mitterrand affirme que «la France et l'Algérie sont capables de surmonter et de dépasser les déchirements du passé». En 2003, Jacques Chirac signe avec Abdelaziz Bouteflika la «Déclaration d'Alger» basée sur un «partenariat d'exception» pour dépasser un «passé encore douloureux» qu'on ne doit «ni oublier ni renier». Puis, en 2007, Nicolas Sarkozy dénonce le système colonial «injuste» en Algérie tout en précisant «qu'à l'intérieur de ce système, il y avait beaucoup d'hommes et de femmes qui ont aimé l'Algérie, avant de devoir la quitter». En 2012, la reconnaissance par François Hollande des «souffrances» infligées par la colonisation avait permis de réchauffer les relations. Pourtant, les intentions de Macron sur cette question ont été clairement affichées lors de sa tournée en Afrique de l'Ouest, lui qui a proclamé que face à la colonisation, il n'y a «ni déni, ni repentance» expliquant qu'«on ne peut pas rester piégé dans le passé». Reste maintenant les concessions. Si Paris n'a pas l'intention de se repentir, les autres dossiers liés à la colonisation demeurent toujours en suspens. Zitouni a souligné que «l'Algérie ne construira pas ses relations futures avec la France sur la base de déclarations mais sur du concret», évoquant justement ces dossiers relatifs aux archives et aux 2.200 disparus algériens durant la guerre de libération nationale. La récupération des crânes des chefs de la résistance algérienne et l'indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français effectués dans le Sud algérien font également partie de ces dossiers «complexes et sensibles». S'il reconnaît qu'ils «requièrent de la patience», le ministre des Moudjahidine certifie que l'Algérie «n'acceptera pas de marchander ni de tourner la page». Concernant les excuses que la France doit présenter à l'Algérie pour ses crimes coloniaux, Zitouni a précisé que cette démarche «est légitime» tout en écartant tout amalgame entre la France et son passé colonial. Il soulignera par contre que «les relations ne sauraient être bonnes sans le règlement des dossiers en suspens concernant la mémoire». Une déclaration lourde de sens qui pourrait pousser la France à faire des concessions sur certains dossiers en litige à l'instar du retour de crânes de résistants algériens tués dans les années 1850 qui sont conservés au Musée de l'Homme à Paris. Mais pour la partie française, l'une des priorités est de redynamiser les échanges économiques entre les deux pays surtout qu'elle a été détrônée par la Chine en tant que premier fournisseur de l'Algérie. L'automobile, la pharmacie et l'agroalimentaire sont des secteurs jugés stratégiques alors que la France continue d'être le premier investisseur hors hydrocarbures et le premier employeur étranger en Algérie, avec 40.000 emplois directs et 100.000 emplois indirects. |
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