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C'est un
véritable coup de force que veulent opérer les boulangers, imposer leur prix du
pain sans avoir le quitus de l'Etat, c'est-à-dire le ministère du Commerce. Et
au-delà le respect de l'autorité publique. Une situation extrêmement ambiguë et
dangereuse règne en réalité depuis quelques jours dans ce secteur, avec une
revendication d'une hausse du prix de la baguette de pain par les boulangers,
et que les pouvoirs publics veulent ignorer. Sinon à gérer à leur manière,
celle qui prend en compte la dimension sociale et, surtout, une possible
exacerbation du front social.
Pour autant, la donne n'est pas la même chez la corporation dont certains membres ont décidé dans plusieurs villes du pays à augmenter unilatéralement le prix de la baguette de pain. Cette décision donne en réalité l'ampleur du décalage du rapport de force entre les artisans boulangers à travers leurs syndicats et l'Etat. Dans aucun pays au monde des commerçants, et en particulier des boulangers, n'osent augmenter par eux-mêmes des prix ?'administrés''. Cela est impensable. En Algérie, c'est apparemment possible. En fait, la sédition de certains boulangers crée un sérieux doute sur la capacité des pouvoirs publics de gérer des situations conflictuelles, encore moins à imposer une discipline largement battue en brèche par ces mêmes boulangers en ayant décidé déjà, sans que l'Etat ne bronche, de vendre la baguette à 10 DA alors que son prix réel est de 8,50. Aujourd'hui, certains sont passés à l'acte en imposant un nouveau prix unilatéral de 15 DA la baguette. Ce bras de fer explique autrement que l'Etat ne veut pas trancher dans cette délicate question, celle d'augmenter le prix du pain. Un véritable pétrin où se mêlent intérêts corporatistes, fuite en avant des pouvoirs publics et prise en otage des millions de consommateurs. A-t-on peur comme cela s'est passé en 1982 au Maroc avec la révolte du pain et bien plus tard en Tunisie ? S'il n'y aura jamais des «chouhada el koumira» (nom donné à la baguette de pain au Maroc) en Algérie, il y a lieu en revanche de s'interroger sur cette frilosité des pouvoirs publics, à commencer par le ministre du Commerce, à trancher une fois pour toutes cette question avec équité. Sans qu'aucune partie ne soit lésée, autant le boulanger que le consommateur. Le pain, c'est une question sérieuse, des millions de pères de famille font vivre leurs enfants avec ce produit, d'ailleurs subventionné, à défaut d'acheter des produits alimentaires de plus en plus hors de portée de leurs bourses. Les tergiversations des pouvoirs publics à trancher cette question de l'augmentation du prix du pain, sur la table depuis plusieurs années et que tous les ministres du Commerce qui se sont succédé depuis 2010 évitent soigneusement de résoudre, sont condamnables. Car elles maintiennent en même temps toute une corporation, qui compte près de 100.000 employés, dans la précarité sociale. Un boulanger qui fait du pain à longueur de journée gagne moins qu'un ouvrier d'usine ou un fonctionnaire. Plus que jamais, et au-delà de ce coup de force des boulangers, les pouvoirs publics doivent trouver des solutions urgentes à des situations explosives, intolérables. Aujourd'hui, même la crise du pain s'invite dans le débat de l'incapacité de l'Etat à maîtriser les prix de l'ensemble de la filière alimentaire, en particulier l'anarchie dans les prix des produits agricoles, à défaut d'imposer une discipline des prix à tous. La petite révolution des fabricants de pain explique crûment l'absence de l'Etat dans de larges pans de la vie publique dans le pays. Jusqu'à quand ? |
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