Difficile
de trouver, hier, une baguette de pain dans les grandes villes du pays. Rares
étaient les boulangers à avoir travaillé, hier, vendredi, et cela sentait comme
un air d'annonce de grève des boulangers, après les appels de ces dernières
semaines des syndicats de boulangers, pour une augmentation des prix du pain.
D'autant que la corporation est très remontée contre le ministre du Commerce,
M. Mohamed Benmeradi, qui avait indiqué, ces derniers
jours, qu'une hausse du prix de la baguette de pain n'est pas « à l'ordre du
jour ». Une déclaration à mettre, sans doute, dans le souci du gouvernement de
prévenir une fronde sociale après le vote de la loi de Finances 2018, qui
comporte plusieurs hausses, dont les prix des carburants. Lors d'une réunion
avec les représentants des ministères du Commerce, des Finances, de
l'Agriculture, de l'OAIC et des autres syndicats des boulangers, le ministre
avait rejeté les revendications des boulangers, estimant que l'augmentation du
prix de la baguette de pain n'était pas « à l'ordre du jour ». Suffisant pour
provoquer une sourde colère, au sein des différents syndicats de boulangers.
Depuis le début du mois de novembre, les appels des syndicats de boulangers se
font, de plus en plus, insistants et menaçants. Des sources proches de la
Coordination nationale des boulangers indiquent qu'un ultimatum de 20 jours a
été donné au ministère du Commerce pour satisfaire les revendications des
boulangers, sinon une grève nationale de 3 jours sera déclenchée. Au devant des revendications des boulangers, il y a,
notamment, une révision du prix de la baguette du pain à 11,90 DA. Selon une
étude faite, en 2014, le coût réel de fabrication d'une baguette de pain
revient à 11,72 DA, sur la base d'un quintal de farine panifiable. « Le dossier
de la hausse du prix du pain est sur la table depuis plus de dix ans. Le
ministère du Commerce, a toujours, dans les négociations avec les
professionnels ou avec les syndicats, dont l'UGCAA, indiqué que le prix du pain
devait être revu à la hausse, mais une telle mesure n'a pas vu le jour jusqu'à
présent. Même M. Benmeradi reconnaît que
l'augmentation du prix du pain est « inévitable à l'avenir ». Dans une
déclaration faite à la presse, au mois d'octobre dernier, Youcef Kalafat, président de la Fédération nationale des
boulangers, explique d'abord, que « même si notre fédération compte revendiquer
une augmentation du prix du pain, ça ne sera pas 50%. Ça sera entre 20 et 25%.
» Il ajoute : « au niveau de notre fédération, les boulangers n'ont jamais
demandé une hausse du prix du pain, mais revendiquent l'augmentation de la
marge bénéficiaire ». « Nous sommes plus inquiets du moment que rien n'est
fait, dans ce sens, depuis plus de 3 ans. Notre revendication concernait une
révision de la marge bénéficiaire de 3% actuellement pour la porter à 20%. Nous
dirons que c'est la réglementation qui définit la marge bénéficiaire, selon les
secteurs d'activités ». Alors, hausse du prix du pain ou hausse de la marge
bénéficiaire, sachant que dans tous les cas, la farine panifiable est
subventionnée par l'Etat ? D'autre part, le président de la Fédération
nationale des boulangers, commentant une rencontre avec le ministre du
Commerce, début octobre dernier, indique qu' « il nous a promis de soumettre
nos doléances au Premier ministre car pour nous, le ministre du Commerce n'est
qu'un intermédiaire entre notre fédération et le Premier ministère ». Pour M. Kalafat, le problème, « c'est que ça traîne toujours et les
boulangers commencent à perdre patience. » Il reconnaît en outre que « le prix
de vente actuel, qui est de 10 DA (pour la baguette de pain) n'est pas
réglementaire, mais c'est la seule manière pour nous, boulangers, de compenser
nos pertes qui deviennent, de plus en plus, inquiétantes. » Globalement, selon
la Fédération nationale des boulangers, les revendications ciblent « des
subventions sur les matières premières comme la levure, les améliorants, le gaz
et l'électricité et que la farine subventionnée ne soit destinée qu'à la
fabrication du pain ». « Nous avons proposé, dans ce sens, un nouvel emballage
pour cette farine subventionnée sur lequel il sera mentionné, vente interdite
», ajoute M. Kalafat. Par ailleurs, Tahar Boulenouar, président de l'Association nationale des
commerçants algériens (ANCA), une association née d'une scission au sein de
l'UGCAA, a appelé, de son côté, les autorités à mettre en place une commission
regroupant les représentants des ministères du Commerce, des Finances et les
représentants des minoteries et aussi ceux des boulangers, pour déterminer le
coût réel de la baguette de pain pour pouvoir, ensuite, déterminer le coût de
vente du pain. Lors d'une conférence de presse organisée le 4 novembre dernier,
au siège de l'ANCA, Hadj Tahar Boulenouar, a rappelé
que l'augmentation du prix de la baguette est une ancienne revendication des
boulangers qui revient sur le devant de l'actualité, ces derniers temps. «
Actuellement, la baguette de pain ordinaire coûte 10 DA, mais les boulangers
comptent augmenter son prix à 15 DA », déclare M. Boulenouar.
Le prix officiel fixé par l'Etat est de 8,50 DA pour une baguette de pain.
Selon les différents syndicats de boulangers, la filière compte 21.000
boulangers, qui emploient près de 100.000 travailleurs. Plus de 3.000
boulangeries ont déjà déclaré faillite, « et si la situation persiste, l'année
prochaine verra la disparition de tous les boulangers », estime M. Kalafat.