Ce qui s'est passé dimanche dernier devant le siège de
l'Institut français d'Alger (IFA) est en train de virer à l'affaire d'Etat. Ce
qui n'était au départ qu'un fort engouement estudiantin des inscriptions au
Test de connaissance du français (TCF) qui a débordé, offrant des images
désolantes d'un pays aux abois et rappelant douloureusement les heures sombres
des années de braise où des chaînes humaines se formaient devant les consulats
français pour un hypothétique visa de sortie. Pourtant, il s'est trouvé des
voix qui ont osé jeter l'opprobre sur ces jeunes désireux de s'inscrire dans
les universités françaises en ne comptant que sur leurs compétences à défaut
d'un patronyme de garantie et de passe-droits pour des bourses à l'étranger.
Ces étudiants et ces étudiantes n'ont commis d'autres crimes que de vouloir
s'inscrire à ce test d'aptitude et ils ne sont en rien responsables du timing.
On leur reproche la proximité de la date anniversaire du déclenchement du 1er
Novembre y voyant une offense et une trahison à la Révolution. Rien que cela.
Les Français ont donné une explication rationnelle à ce qui vient de se passer,
précisant que le nombre des Algériens désireux de s'inscrire dans une des
universités de l'Hexagone est en nette augmentation. En 2016, l'IF a fait
passer 20.332 examens TCF à Alger et ce nombre est appelé à dépasser les 30.000
à la fin de l'année 2017, à titre d'illustration. Faut-il alors accabler ces
jeunes qui ne demandent rien, ni favoritisme ni piston pour s'inscrire ailleurs
? Au lieu de se poser en donneurs de leçons, il faut d'abord s'interroger sur
les raisons qui les poussent à être plus nombreux, année après année, à vouloir
poursuivre leurs études dans les universités françaises. Le diagnostic d'un
pays malade de tout et surtout de ses responsables, le niveau de l'enseignement
supérieur, les scandales d'étudiants, fils de, qui possèdent tous les
privilèges et obtiennent bourses et concours au détriment des fils de pauvres
et de la classe ouvrière, la mal-vie et la recherche d'un lendemain meilleur
poussent les Algériens à fuir leur pays. Si ce n'est à travers une inscription
universitaire, c'est en s'entassant dans des barques de pêcheurs et de
semi-rigides pour tenter la traversée maudite. Les réseaux sociaux se font
l'écho dernièrement d'images insoutenables de cadavres de harraga
algériens, dévorés à moitié par les poissons et rejetés par la mer. Au lieu de
se pencher sur ces cas et essayer de rétablir la justice sociale, on trouve
encore le moyen de tirer sur les plus démunis. Si ces étudiants et étudiantes
ont fait le pied de grue devant les portes de l'IFA, ce n'est pas de gaieté de
cœur mais parce qu'ils n'ont pas d'autres choix. Leurs parents ne squattent pas
dans les hautes sphères du pouvoir ou à sa périphérie et mourir en mer n'étant
vraiment pas une option envisageable. A moins que !