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Santé: Le tabac fait 15.000 morts par an en Algérie

par Yazid Alilat

Le tabagisme est devenu un véritable «fléau social» en Algérie, et la cause du décès de 15.000 personnes par an. C'est le constat inquiétant du Pr Djamel Eddine Nibouche, chef de service de Cardiologie à l'hôpital Nefissa Hamoud (ex-Parnet) d'Hussein Dey. Il a souligné hier lundi à la radio nationale que le tabagisme est «une préoccupation de santé publique», qui doit être bien pris en charge par le projet de loi sur la santé, qui est revenu au niveau du gouvernement, après avoir été retiré en juin de l'agenda du Parlement. Les chiffres qu'il a cités préoccupent: 47% de la population algérienne fument, 20% sont des jeunes. «J'ai assisté récemment à une enquête réalisée à Aïn Defla: sur 16 lycées, on a constaté que 78% des garçons fument.» Le Pr Nibouche cite également une enquête réalisée en 2015 par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM), selon laquelle «8% des filles et 39% des garçons fument du tabac au quotidien?. Selon cette étude de la FOREM, le cancer du poumon représente 15% de tous les cancers qui affectent l'homme, et a doublé en 25 ans (1986-2010), passant de 11% à 20% pour 100.000 habitants, alors que le cancer du larynx touche 2,5% de sujets. Plus grave, à cause du tabagisme, «il y a en Algérie 15.000 décès par an», révèle encore le Pr Nibouche, selon lequel «la législation doit de diminuer la consommation du tabac, qui provoque 37% des cas de cancer» en Algérie. Le plan de lutte du ministère de la Santé, portant sur les maladies non transmissibles, cible quatre objectifs: renforcer la législation antitabac, participer à sa pratique, réduire la consommation de tabac et élaborer un système de surveillance du tabagisme, souligne le Pr Nibouche.

«Les lois existent et l'Algérie a signé la loi cadre sur la lutte contre le tabagisme dans le monde», insiste-t-il, rappelant qu»'il y a un décret de mars 2006'' pour lutter contre le tabagisme. En fait, selon lui, «il y a beaucoup de textes, mais la loi n'est pas appliquée sur le terrain», et le tabagisme «est un véritable fléau social.» L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le tabac sera la principale cause de décès et d'incapacité, d'ici 2020, avec plus de 10 millions de victimes par an. Le tabagisme entraînera plus de décès que la tuberculose, le sida, les accidents de voitures ou les suicides et les homicides combinés, selon l'OMS.

Par ailleurs, sur l'état actuel de la santé en Algérie, décriée par plusieurs experts et professionnels, qui estiment que le système de santé algérien est «malade», le Pr Nibouche relativise. «Beaucoup de choses ont été faites depuis l'indépendance: on a éradiqué les maladies de la misère, les maladies honteuses, comme le choléra, le paludisme. Il y a eu un effort colossal sur le plan étatique, mais il est évident qu'il y a des difficultés, et les résultats actuels ne sont pas à la mesure des efforts faits, car notre population a évolué, et la médecine a évolué, et est devenue très coûteuse». Pour le Pr Nibouche, «le citoyen est devenu très exigeant, il veut une qualité de soins optimum. L'état d'esprit a changé, et donc notre société a changé», avant de souligner qu»'il faut donc s'adapter aux changements, et si on ne change pas, on ira vers l'échec total». Selon lui, «la gestion de la santé est complexe. C'est très difficile de gérer la santé d'un pays, et cela doit faire l'objet d'un plan sanitaire en fonction des besoins de la population», ajoutant que «dans ce registre, il faut savoir intégrer le secteur privé dans notre système de soins». Par ailleurs, le Pr Nibouche estime que «la nouvelle loi sur la santé doit se projeter sur un avenir d'au moins 20 années, et prendre en considération le développement de la population et les nouvelles exigences des maladies, ainsi que les développements de la médecine à l'échelle mondiale».

Mieux, «la nouvelle loi doit être réaliste et s'adapter aux réalités sociales et économiques du pays», car, estime-t-il, «il faut redéfinir le concept de la médecine gratuite, à différencier du système de la gratuité des soins». «Il faut donc une révision de la gestion de la médecine gratuite», a-t-il souligné, avant de s'interroger «où sont les textes de la réforme hospitalière. Moi, je n'ai jamais vu les textes de cette réforme».