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Selon un spécialiste algérien: L'Algérie détiendrait les plus grandes réserves de gaz de schiste au monde

par Abed Charef

M. Ali Kefaïfi, un spécialiste du pétrole connu pour sa pondération, a lancé une véritable bombe dans le monde de l'énergie. Dans une tribune publiée par El-Watan, et curieusement passée inaperçue, M. Kefaïfi affirme que les réserves algériennes de gaz de schiste seraient les plus importantes au monde, contrairement à ce que donnent les estimations américaines qui restent la référence en la matière.

Selon M. Kefaïfi, «en termes de ressources», l'Algérie «possède les plus grandes réserves mondiales de gaz de schiste, soit 700.000 milliards de mètres cubes, et non 700.000 milliards de pieds cubes (soit 30 fois moins) comme annoncé en 2013», par une agence américaine spécialisée. «Ces ressources techniques correspondraient à un potentiel économiquement exploitable de 70.000 milliards de mètres cubes, soit 35 fois plus que le gisement de Hassi Rmel», ajoute M. Kefaïfi, précisant que ce potentiel constitue «beaucoup plus que les ressources en gaz de schiste américaines, canadiennes, chinoises ou d'Argentine». Les estimations les plus connues jusque-là sont essentiellement publiées par l'agence américaine US EIA (Energy Information Administration). Elles placent traditionnellement l'Algérie en troisième ou quatrième position pour les réserves, derrière les Etats-Unis, l'Argentine et la Chine.

M. Kefaïfi ne précise pas les données sur lesquelles il se base pour publier ses propres estimations, qui surviennent alors que le gouvernement de M. Ahmed Ouyahia a affirmé son projet de se lancer dans l'exploration du gaz de schiste, une option qui rencontre encore une forte hostilité. Des forages entamés par Sonatrach il y a trois ans, menés «avec succès», avaient provoqué une série de protestations, notamment dans la région de In Salah, en raison des inquiétudes que soulève l'exploitation du gaz de schiste concernant les nappes d'eau et l'environnement. La rentabilité de gisements de gaz de schiste, au moment où le prix du baril s'effondrait, avait été également mise en cause dans un Sahara algérien où la configuration des champs à exploiter est totalement différente de celle des Etats-Unis. Si les estimations de M. Kefaïfi devaient se confirmer, elles bouleverseraient la donne énergétique dans le pays. Les appétits risquent en effet de décupler pour exploiter ce «trésor», particulièrement en ces temps de crise. Il est en effet difficile d'imaginer qu'un gouvernement, quel qu'il soit, ne sera pas tenté par l'aventure. Malgré l'importance de ces gisements potentiels, M. Kefaïfi n'est pas partisan de l'exploitation du gaz de schiste. Il estime que les coûts seraient prohibitifs, autour de 12 dollars le million de BTU, contre seulement trois dollars aux Etats-Unis. De plus, l'Algérie dispose, selon lui, de 60 années de réserve de gaz conventionnel, dont 2.000 milliards de mètres cubes, un peu moins de la moitié, pour le seul Hassi Rmel. Il préconise de mettre le gaz de schiste «au placard», du moins dans l'attente de «nouvelles technologies à la place de la fracturation hydraulique, et d'envisager d'autres formules».

Selon lui, l'Algérie se devrait, avant de s'y engager, «d'analyser toutes les options, telles la récupération tertiaire du pétrole de Hassi Messaoud et de Rhourde El Baghel, éviter le gâchis des 90 milliards de mètres cubes de gaz associés réinjectés dans les gisements pétroliers», et lancer en parallèle «l'exploration des gisements pétroliers dans le Nord». Mais ce que redoute par-dessus tout M. Kefaïfi, ce sont les décisions des «bureaucrates pétroliers incompétents» qui risquent de forcer la décision. Dans ce cas, il leur recommande au moins de «tenir compte d'un coût environnemental réaliste» et «de choisir des sites minimisant les contraintes et les dégâts».