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Financement non conventionnel » ou « planche à billets » : ce simple choix de
mots révèle le souci du gouvernement de bien emballer ses actions, sans souci
du contenu.
Le gouvernement algérien réalise de véritables prouesses pour trouver de jolies formules destinées à occulter des échecs répétés, des décisions contestables ou des bilans indéfendables. Et comme la situation se dégrade rapidement, qu'elle devient ingérable, mettant l'exécutif au pied du mur, les communicateurs sont obligés de faire vite. Une formule chasse l'autre, dans un mouvement infini, qui met le gouvernement dans la situation d'un cycliste épuisé mais condamné à continuer de pédaler, car s'il s'arrête, il tombe. Le ministre des Finances, M. Abderrahmane Raouia, est brillamment entré dans ce jeu. Lundi dernier, il a affirmé que le gouvernement va mettre en place des moyens rigoureux pour lutter contre l'inflation que pourrait générer le « financement non conventionnel » de l'économie. « Nous allons établir un ensemble de paramètres pour éviter ces dérives », a déclaré M. Raouia, à l'APS. Le mot « paramètres » est rassurant car il renvoie à un souci de rigueur, de rationalité et de transparence des règles mises en place. Auparavant, M. Raouia avait annoncé qu'une commission serait installée au ministère des Finances pour contrôler le « financement non conventionnel de l'économie ». La même commission devait être installée, initialement, à la présidence de la République. Mais ce cafouillage est insignifiant par rapport aux enjeux. Belles formules Pourquoi M. Raouia et le Premier ministre Ahmed Ouyahia insistent-ils sur le rôle salutaire de cette commission ? Tout simplement parce qu'ils savent que leur argumentaire est fragile : ils viennent de dessaisir la Banque d'Algérie de ces prérogatives, et ils veulent convaincre qu'une petite commission qu'ils vont créer, composée de fonctionnaires qu'ils vont nommer, va empêcher les débordements ! En procédant comme il l'a fait, M. Ouyahia promet d'installer des digues pour contenir les flots charriés par une inondation qu'il a lui-même provoquée, en dynamitant le barrage qui se trouvait en amont ! Car malgré l'érosion continue de ses pouvoirs, la Banque centrale demeurait gardienne de certains dogmes et attributs, dont celui de lutter contre l'inflation. Dans l'intervalle, le gouvernement aura réussi à imposer, dans le jargon financier, la belle trouvaille que constitue le « financement non conventionnel », qui peut être tout aussi bien désigné par la formule « création monétaire », ou plus vulgairement par celle de « planche à billets ». L'élégance des mots ne peut occulter l'indigence de la décision, même quand M. Raouia promet que l'opération sera « rigoureusement encadrée et soumise à un suivi continu ». Le précédent Benkhalfa L'ancien ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa avait fait encore mieux en matière de mots. Il avait présenté une abdication gratuite face à l'argent sale comme une prouesse économique. Pour tenter de combler le gouffre du déficit budgétaire, il avait invité les détenteurs d'argent inavouable à le déposer auprès des banques en contrepartie du paiement d'une amende forfaitaire de sept pour cent. Il avait baptisé une vulgaire opération de blanchiment d'argent sous l'appellation pompeuse de retour à la « conformité fiscale ». Pour quel résultat ? Le gouvernement n'a pas établi de bilan précis. Les sommes récoltées sont, cependant, restées dérisoires par rapport à ce qui était attendu, et par rapport aux besoins de l'économie du pays. Le résultat est terrible : malgré une abdication morale, le gouvernement s'étant engagé à fermer les yeux face à la provenance d'un argent douteux, la récolte a été insignifiante. Abdication morale Dès lors, le signal émis est d'une extrême gravité. Le gouvernement signifie, clairement, aux détenteurs d'argent qu'il est prêt à toutes les compromissions pour éviter la banqueroute. Et s'il en fallait une preuve supplémentaire, M. Ouyahia l'a fournie aux Algériens, lors de la présentation de son plan d'action, devant le Parlement. Il a, en effet, déclaré qu'à défaut de recourir à la planche à billets, fonctionnaires et députés risquaient de ne pas percevoir leurs salaires et indemnités du mois de novembre. Comment tenir un discours pareil et prétendre, dans le même temps, attirer des investisseurs nationaux et étrangers ? Cela revient à proposer à la location une maison qui est en train de brûler. M. Ouyahia ne semble pas s'en rendre compte. Il est obsédé par autre chose. Il garde un œil sur le prix du baril, un autre sur le thermomètre social, seuls indicateurs significatifs à ses yeux. Dialogue et monologue Malgré ses choix, le gouvernement redoute une contestation qui remettrait en cause l'édifice précaire mis en place. Il cherche donc l'adhésion de nouvelles forces politiques et sociales à sa démarche. Il invite au dialogue. L'offre a été formulée, officiellement, par M. Ouyahia lors de ses interventions devant le Parlement. Mais pour M. Ouyahia, le dialogue a une signification bien précise. Il implique que le gouvernement parle et les autres écoutent, et approuvent. Au moment où il lançait son offre de dialogue, l'exécutif a déjà pris les décisions que lui impose son agenda politique, et en avait entamé l'application. Il demandait aux autres de prendre le train en marche, pour appuyer sa démarche. En ce sens, dialoguer se limite à « enrichir » la démarche du gouvernement, comme au bon vieux temps du parti unique, non à la remettre en cause, encore moins à proposer des alternatives. Du reste, M. Ouyahia déteste les alternatives. Pour lui, tout est là : le financement non conventionnel n'est pas « une option », mais « un impératif ». Là encore, un simple jeu de mots. |
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