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Les
Espagnols respirent. L'Europe transpire et les territoires encore sous
domination coloniale désespèrent de la «neutralité», sinon de l'inefficacité de
l'ONU. Ce qui vient de se passer en Catalogne, une des régions les plus riches
et la plus rebelle d'Espagne, donne beaucoup de soucis à Bruxelles et du grain
à moudre pour les eurosceptiques. Mardi, le président de la région autonome de
Catalogne, Carles Puigdemont, fort du «oui» au
référendum organisé le 1er octobre, a annoncé que «la Catalogne sera un Etat
indépendant sous la forme d'une république». Pour aussitôt annoncer la
suspension de cette déclaration d'indépendance.
En l'espace d'une minute, la Catalogne était devenue une république, un Etat indépendant. Mais, la sagesse et la raison l'ont remporté sur un nationalisme qui risquait de diviser le pays en faisant remonter à la surface les vieilles idées nationalistes, en particulier avec les Basques. A Madrid, on tente d'en savoir un peu plus sur cette indépendance et à Bruxelles les réactions restent opposées à ce retour en force des nationalismes dans une Europe à deux vitesses. Car même en Catalogne, et parmi les plus fervents opposants à l'indépendance de la région, il y a ce sentiment exécrable, un mélange de racisme primaire, de xénophobie, de nationalisme féroce, bête et violent, avec un fort penchant pour la dictature et le mépris des peuples. Il est pour le moins étonnant, sidérant d'entendre un cadre du PSOE et ancien président du Parlement européen, Josep Borrell, déclarer, défendant dimanche dernier à Barcelone le maintien de la région dans le giron de Madrid, que «la Catalogne n'est ni le Kosovo, ni la Lituanie, ni l'Algérie. La Catalogne n'est ni une colonie ni un pays occupé militairement». Avant lui, le célèbre écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, naturalisé espagnol, avait dénoncé les indépendantistes catalans qui «veulent réduire la Catalogne à un pays du tiers-monde». On serait tenté de répondre qu'il est maladroit et blessant de comparer l'Algérie à la Catalogne. En faisant ces déclarations déplacées, les deux figures de proue des socialistes catalans, peut-être beaucoup plus Mario Vargas Llosa, chef de file des intellectuels de gauche de l'Espagne post-franquiste, qui doit s'expliquer sur son aversion pour les pays du tiers-monde puisqu'il en vient, ont quelque part donné raison au camp de Puigdemont. La déclaration de celui-ci, mardi soir, que «la Catalogne a gagné le droit d'être un Etat indépendant et a gagné le droit d'être entendue et respectée» et que «la Catalogne sera un Etat indépendant sous la forme d'une république» a pris la forme d'une épée de Damoclès avec laquelle Madrid doit composer à l'avenir. Mais, elle a surtout rappelé aux Européens et aux Nations unies, ainsi qu'aux nostalgiques des empires coloniaux, que des peuples luttent dans l'indifférence pour leur indépendance. Et, la gifle des Catalans vaut surtout pour l'ONU, qui dort sur une promesse pas encore tenue au peuple du Sahara occidental qui jusqu'ici a été dépossédé de son droit à un référendum d'autodétermination. Si l'ONU n'est pas intervenue pour déclarer illégal ce qui s'est passé le 1er octobre en Catalogne, pourquoi reste-t-elle les bras croisés dans des territoires où ce référendum bénéficie de la légalité internationale et selon ses propres textes ? L'exemple catalan vaut tout aussi bien pour les Européens, qui redoutent que n'apparaissent un jour un peu partout dans l'Europe des 27, déjà plus tellement grande pour contenir tout le monde, des «Catalogne» çà et là. |
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