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L'insistance
du Premier ministre sur la décision du gouvernement d'exploiter le gaz de
schiste et la révision de la loi sur les hydrocarbures viennent consolider un
puzzle dont la première pièce a été la nomination de Ould Kaddour comme PDG du
groupe Sonatrach.
C'est avec une suffisance qui frôle l'arrogance parfois la haine que le 1er ministre multiplie les interventions directes et indirectes (en ligne) pour défendre une décision qui semble avoir bien mûrie au niveau de la présidence de la République. Il faut quand même rappeler que Abdelmalek Sellal, alors 1er ministre, avait démenti l'idée de l'exploitation du gaz de schiste que les habitants de In Salah mettaient en avant pour justifier leur contestation. Par contre, il n'avait jamais renié le fait que les études et les explorations avaient déjà été lancées et ce pour en peser le potentiel et comprendre les techniques de son extraction. Sellal disait qu'on ne sait pas si l'Algérie est véritablement classée 3ème réserve du monde en la matière comme le soutiennent des estimations internationales. Un peu moins ou un peu plus cotée, l'Algérie ne pourrait ignorer indéfiniment un tel «substitut» au pétrole. Comme l'on sait que pour chaque conjoncture son homme, son rôle et ses missions, Sellal avait reconnu que l'idée était bien retenue par les hautes instances du pays, Ouyahia est, lui, venu pour annoncer son exécution en affirmant assumer toutes les charges qu'elle pourrait produire à tous les niveaux. Il est donc bien dans son rôle. Il a quand même pris la précaution de noter que «rien ne sera entrepris au détriment de la santé des Algériens». Il est évident qu'il en sera ainsi. Le pouvoir n'a nullement besoin de se mettre à dos les populations d'une région aussi sensible que le sud du pays, ni de remettre en cause des équilibres écologiques aussi précieux dans une conjoncture aussi incertaine pour sa survie. Tout réside donc dans le choix de la technique avec laquelle l'Algérie parviendra à extraire son gaz des roches. François Hollande alors président de la république française avait avancé lors de sa visite à Alger en juin 2015 que Total négociait avec Sonatrach l'exploitation du gaz de schiste. Il ne l'a pas dit aussi clairement mais il avait répondu à la question «Total ne compte-t-il pas négocier l'exploitation du gaz de schiste avec l'Algérie ?» par «pas seulement le gaz de schiste(?)» Sonatrach, enjeux nationaux et internationaux Avec les embrouilles provoquées par Total (et Repsol) avec l'Algérie lorsqu'ils avaient tous deux décidés d'aller vers la Cour internationale d'arbitrage pour l'accuser de non respect de leurs contrats, les choses ont quelque peu été bousculées. Ceci, même si Total a signé en avril dernier à Alger avec Sonatrach «un accord cadre» pour de nouveaux projets de partenariat dont deux pour un montant de plus de 900 millions d'euros. Ce qui a fait dire à son PDG, Patrick Pouyanné «on met de côté nos différends, on tourne la page et on avance». Il faut croire en effet qu'aujourd'hui, les choses évoluent autrement, un peu loin des ambitions et visées de la France et de Total. «La France nous boude parce qu'on se rapproche davantage des Etats-Unis dans plusieurs dossiers», nous dit un responsable. Premier indice soi-disant, la toute récente signature de Sonatrach avec l'américaine Kellogg-Brown&Roots (KBR) d'un contrat de services d'engineering dans le domaine des hydrocarbures. «C'est une firme qui est éclaboussée par des affaires de corruption, le contrat n'a d'ailleurs pas été du goût de la Banque Mondiale», nous fait-il savoir encore. Il estime alors que c'est pour que la BM ferme les yeux que l'Algérie vient d'accorder à une de ses filiales 25 millions de dollars pour le financement «sur 11 ans» de projets au profit de pays en voie de développement. Drôle de décision quand on entend le 1er ministre répéter que rien ne va plus en matière de finances et qu'il faille passer à la planche à billets pour pouvoir réaliser des investissements productifs nationaux. Il faut surtout croire qu'en politique, il n'y a pas de morale et que les choses doivent s'imbriquer les unes dans les autres pour en sortir une stratégie qui doit se garder de piétiner les intérêts de tous gabarits dans les milieux des affaires. Quand Bouteflika se rappelle de Ould Kaddour La décision algérienne de passer au gaz de schiste oblige à d'autres recoupements pour pouvoir avancer. La personne de l'actuel PDG du groupe Sonatrach sur lequel Ouyahia affirme «compter beaucoup» semble avoir été choisie à la juste mesure des ambitions et des projections du pouvoir. Sonatrach ne peut rester entre les mains de responsables dont on ne connaît ou on ne maîtrise pas «les attachements». Abdelmoumène Ould Kaddour -Abdou pour les intimes- est, comme tout le monde sait, diplômé du Massachusetts Institute of Technology, le fameux MTI, une école d'excellence. A la fin des années 70, il reviendra au pays pour diriger, nous dit-on, un institut de recherche affilié au Commissariat des études nucléaires dont le siège est aux Tagarins d'Alger. Dès les années 90, il créa avec «une équipe de chercheurs algériens» une société de travaux d'engineering dans les hydrocarbures sous le nom de Condor. Il aura d'importants contrats avec Sonatrach dont certains de gré à gré. Quelques temps plus tard, tout le monde sait que Condor s'est associée à KBR l'américaine pour créer Brown&Roots Condor Algérie, la fameuse BRC. La nouvelle société avait raflé en son temps un grand nombre de contrats militaires. Elle réalisera ainsi les hôpitaux militaires de Constantine, d'Oran et le service des grands brûlés de Aïn Naadja à Alger. Le business était excellemment fructueux jusqu'à ce qu'en 2006 l'affaire du matériel américain contenant des puces d'écoute fourni aux militaires algériens ait éclaté. Affaire qui avait fait toutes les unes de la presse. Ould Kaddour a été le premier accusé -à tort est-il soutenu- d'avoir introduit un matériel «miné». Il écopera de 31 mois de prison ferme. Ould Kaddour avait alors perdu tout espoir d'être PDG de Sonatrach ou même ministre de l'Energie puisqu'on dit qu'il avait tout fait pour, mais en vain, «certains clans (à l'époque) au pouvoir étaient foncièrement contre», est-il avancé. L'on nous rappelle qu'avant ses déboires, entre autres occupations, Ould Kaddour avait fréquenté -comme de nombreux cadres- la Fondation Boudiaf située sur l'avenue Bachir Ibrahimi (Alger). «C'est là-bas où il avait rencontré Bouteflika», nous indique-t-on. A défaut d'avoir un poste, ce natif de Tlemcen ira à Doha vers la fin des années 2000 où il passera trois ans comme consultant dans le domaine des hydrocarbures. A vrai dire, connu pour faire gérer son pétrole par les spécialistes américains, le Qatar n'avait pas vraiment besoin de son expertise. «Il passera son temps à flâner bien que gracieusement rémunéré», disent ceux qui le connaissent. En mars dernier, il sera appelé pour être PDG de Sonatrach. Il l'a été quand Bouterfa était ministre de l'Energie. De la Sonelgaz, deuxième grande société du pays, Bouterfa devait «descendre» au ministre de l'Energie pour, est-il noté, être facilement éjecté. C'est ce qui a été fait. L'ombre de Chakib Khelil Le nouveau PDG de Sonatrach devait comprendre qu'il devait exécuter «sans les contredire» les décisions de la présidence de la République dont la plus importante est l'exploitation du gaz de schiste. Pas seulement. La révision de la loi sur les hydrocarbures est cet autre tournant que l'Algérie a décidé de prendre pour lever toutes les contraintes qui feraient reculer les investisseurs étrangers. «Plus de 49/51, plus de taxes encombrantes, les étrangers pourront explorer des gisements à eux tous seuls sans la participation de Sonatrach?», avancent nos sources. L'ombre de Chakib Khelil plane désormais sur le secteur. La loi à venir sera certainement la sienne, celle qu'il avait présentée au début des années 2000 en Conseil des ministres et qui a été adoptée. Elle sera cependant tout de suite amendée «pour que l'Algérie ne devienne pas un terrain de jeu (d'intérêts) des grandes puissances», nous dit-on. A l'époque, Nouredine Yazid Zerhouni, alors ministre de l'Intérieur, avait été le seul responsable à dire à Bouteflika qu'il rejetait cette loi. «On n'a pas trop le choix», lui aurait répondu le président. Il lui aurait exigé de ne pas publier le texte qu'il avait préparé pour dénoncer les dérives de la loi en question. Zerhouni aurait demandé que son rejet doive figurer dans le procès-verbal du Conseil des ministres. Pour que l'histoire retienne? Pour l'heure, Ould Kaddour doit certainement se rapprocher davantage de Chakib Khelil pour pouvoir provoquer les nouveaux bouleversements que le secteur des hydrocarbures devrait connaître dans peu de temps. En attendant que l'ex-ministre de l'Energie ne prenne des pouvoirs officiels en main, Ouyahia se prépare, semble-t-il, à être débarrassé de certains de ses ministres. Il en aura besoin pour aller vite en besogne. |
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