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Face aux critiques: Ouyahia tire sur l'opposition

par M. Aziza

Le Parlement a adopté, à la majorité, le Plan d'action du gouvernement. Le FLN, le RND, Taj, MPA, El Karama, et même les indépendants ont dit « oui » au Plan d'action issu des orientations du président de la République avec 341 voix. Le RCD, le FFS, l'Union pour le progrès, la justice et l'édification, le PT et le MSP ont dit « non » à la feuille de route du gouvernement. Le parti El Moustakbal s'est abstenu. Sur la défensive, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, a tenu à répondre aux critiques et à certaines déclarations qualifiées de « dures et virulentes » exprimées par des partis de l'opposition et par certaines personnalités politiques.

Les critiques les plus acerbes ont été adressées « à celui qui a appelé les citoyens pour une révolution pacifique et citoyenne». Sans le citer nommément, le Premier ministre accable Noureddine Boukrouh, l'auteur de l'appel, en affirmant, devant les parlementaires que «certains professionnels de l'opposition, qui sont en dehors de cette assemblée, attendaient impatiemment l'effondrement de l'Etat». Parmi eux, précise-t-il, « une personne qui apparaît en Algérie, comme une éclipse solaire, cette personne même a appelé les citoyens algériens, pour mener une révolution, alors qu'elle avait, dans un temps passé, qualifié le peuple algérien de populace ». Ahmed Ouyahia enfonce le clou en affirmant que « l'Etat n'entend pas parler de lui ». Et de préciser : « il cherche à ce qu'il soit puni par l'Etat, pour obtenir le titre de Zaim». Irrité, semble-t-il par les déclarations des députés du parti RCD, que ce soit, lors des débats ou jeudi encore, lors des réponses, où il a été interrompu par certains chahuts au sein de l'hémicycle, Ahmed Ouyahia n'a pas hésité à traiter le parti de Mohssen Bellabes de « radical». En leur signifiant : « Il suffit de voir comment vos militants vous quittent et quittent votre radicalisme incompréhensible». Contrairement à ses habitudes, le Premier ministre, à bout de nerfs, précisera, lors de sa conférence, tenue après l'adoption du Plan d'action, que «nous allons tenir compte des remarques, des craintes et des propositions de cette opposition civilisée ». Et de préciser en colère : «nous avons également écouter les professionnels de l'opposition qui ont usé d'un langage des plus durs. Ils nous ont qualifiés de voyous et de mafieux, ils nous ont même invité à quitter le pouvoir ». Et de s'interroger, en réponse aux questions des journalistes : « Je n'ai pas l'habitude, quand je prends une gifle sur ma joue droite, de tendre la joue gauche » en appelant l'opinion publique à faire la distinction entre «l'opposition civilisée » et « l'opposition radicale». Ahmed Ouyahia a précisé que cette opposition a été sollicitée par le passé, pour participer à un dialogue et « ils ont dit qu'ils ne participeraient pas et qu'ils ne s'assiéraient pas avec certains, et ils sont, aujourd'hui, devenus les alliés de ces derniers ! », dit Ahmed Ouyahia, en pointant du doigt le RCD. Et de les narguer, davantage, en leur faisant rappeler : « Vous étiez absents quand tamazight a été consacrée langue officielle». Le chef du gouvernement n'a pas hésité à répliquer, farouchement, contre les propos d'une députée du RCD qui lui a signifié « que vous êtes en retard». Cette dernière réagissait aux déclarations inquiétantes d'Ahmed Ouyahia, quand il avait dit, devant les parlementaires que « nous sommes dans une situation d'enfer ». Il avait précisé qu' « on a failli ne pas pouvoir honorer les salaires des fonctionnaires pour le prochain mois de novembre. Et que bien, heureusement, l'augmentation de la masse monétaire à la Banque centrale, au mois de septembre en cours, a permis de sauver la situation » . Le Premier ministre a affirmé que jusqu'au 31 août dernier, la masse monétaire, à la Banque centrale était de l'ordre de 50 milliards de DA, tandis qu'elle a atteint, le 14 septembre en cours, 360 milliards de DA, et ce, grâce aux fonds de la fiscalité recouvrée. Et de préciser que « nous avons besoin de 200 milliards de dinars pour faire fonctionner le pays, pendant un mois ». Ces vérités inquiétantes ont fait réagir les députés du RCD, qui ont interrompu le Premier ministre, en lui demandant, où sont passés les 1.000 milliards de dollars. Ahmed Ouyahia réplique : « Oui on est en retard, car quand il s'agit de demander des dépenses, vous êtes en tête ». Et de répondre du tac au tac : « on a dit au peuple où sont passés les 1.000 milliards de dollars, le peuple nous écoute mais vous non ! » Il ferme la parenthèse en signifiant que « l'ère de l'hypocrisie politique est révolue » Le Premier ministre s'est également attaqué au parti MSP, en signifiant que ce parti politique baigne dans le flou total depuis la disparition de son chef charismatique, Mahfoud Nahnah. Pour M. Ouyahia, ce parti ne sait plus ce qu'il veut : « la révolution ou le dialogue ».

L'opposition digère mal les propos «méprisants» d'Ouyahia

Nasser Hamdadouche, chef du groupe parlementaire du Mouvement de la société pour la paix (MSP), s'est insurgé contre les propos d'Ahmed Ouyahia, en affirmant « de quel droit, il qualifie l'opposition de classe politique radicale». Les députés du MSP n'ont pas aimé, également, que le défunt Mahfoud Nahnah soit cité par le Premier ministre, en accusant Ahmed Ouyahia d'avoir participé à la fraude électorale contre Mahfoud Nahnah, lui-même en 1995, et en 1997. Et d'aller plus loin en affirmant «qu'Ahmed Ouyahia avait participé pour empêcher Mahfoud Nahadah, de se porter candidats aux présidentiels en 1999 » Répondant aux propos d'Ouyahia qui avait affirmé que cette famille politique ne savait plus ce qu'elle voulait depuis la disparition de leur chef charismatique, Nacer Hamadouche affirme que «le MSP a une vision politique claire et précise, et une vision économique claire, nous sommes un parti qui fait des propositions et qui a des alternatives pour dépasser cette crise; nous sommes dans l'opposition franche, transparente, légale et pacifique». Mais pour hamdadouche «Ahmed Ouyahia, n'arrive toujours pas à comprendre» Pour le MSP, Ouyahia a ouvert le feu sur l'opposition, car il n'a pas pu reconnaître que le système en place n'a aucune alternative. «Sinon, comment peuvent-il, aujourd'hui dire, que nous sommes dans une situation d'enfer et on a failli ne pas honorer les salaires du mois de novembre !» Pour le parlementaire du MSP, «le chef du gouvernement devait dans ses réponses nous expliquer comment on en est arrivé à cette situation alors que notre pays jouissait d'une embellie financière.» Et de conclure: «personne ne lui a demandé ce qu'il pense de l'opposition et personne ne l'a invité à donner des leçons de morale à l'opposition». Mohcen Bellabes, chef du parti RCD a estimé, qu'on était en face d'un Premier ministre qui n'était pas capable d'apporter des arguments pour les citoyens et convaincre les parlementaires ce qui l'a contraint de prononcer «un discours de la rue» et à «utiliser un vocabulaire qui n'est pas digne d'un Premier ministre».

Il poursuit en affirmant: «On a senti qu'il voulait se déresponsabiliser du plan ou de la solution prônée qui est la planche à billets». Et de préciser: «Ahmed Ouyahia a, à plusieurs reprises, signifié que ce sont les orientations et le projet du président de la République». Pis, selon Mohcen Bellabès, le Premier ministre avoue qu'on est dans une situation d'enfer, une façon de reconnaître que «le chef de l'Etat nous a menés à cette situation!» Le député du FFS, Djamel Bahloul a estimé, pour sa part, qu'Ahmed Ouyahia a, tout le temps, prononcé des discours démagogiques et des propos provocateurs pour mépriser l'opposition. Pour le FFS, tout le monde a le droit de s'exprimer librement, mais les termes utilisés doivent au moins obéir aux règles du jeu: «lui en tant que Premier ministre doit être à la hauteur, normalement, il ne devrait pas aller dans ce genre de discours».

Pour le député du FFS, Ouyahia se contredit : « au moment où il appelle tous les Algériens à se mobiliser autour du Plan d'action du gouvernement, pour cerner la crise, il s'attaque frontalement à l'opposition avec des termes indécents», regrette-t-il. «Entre ce qui se dit, et ce qui s'écrit et ce qui se lit, il y a un fossé et un mépris, envers une certaine classe politique». Le même député s'est dit convaincu que la «méthodologie du gouvernement ne pourra pas rendre confiance aux Algériens et elle ne peut pas constituer une alternative».

Le député du FFS s'interroge: «comment peuvent-ils nous convaincre que ceux qui ont échoué au moment de l'embellie financière de développer l'Economie algérienne, puissent, dans cette crise qualifiée par le Premier ministre, d'enfer, réussir aujourd'hui ?» Serein, le parti des Travailleurs, a voté contre le Plan d'action du gouvernement, en précisant que ceux qui prétendent que l'ultime solution est «la planche à billets» et la poursuite de la même politique qui a mené le pays au désastre, se trompent. Le PT propose, comme solution, le gel de l'Accord d'association avec l'Union européenne, et la zone arabe de libre échange. Ce qui va permettre selon, le PT de récupérer 20 milliards de dollars de surfacturation et 20 milliards de dollars de déficit du Commerce extérieur. Il propose, le recouvrement des impôts et les taxes qui s'élèvent à 15.000 milliards de DA.

Les propositions de l'opposition battues en brèche par Ouyahia

Lors de ses réponses aux questions des députés, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, a répondu à ceux qui ont proposé le recouvrement fiscal, au lieu de la planche à billets, en signifiant que la vraie valeur de cette fiscalité non recouvrée est surestimée. Il argumente sur la base de chiffres en affirmant que la valeur de cette fiscalité non recouvrée était de 2.500 milliards de dinars. Et ce, contrairement, dit-il, au chiffre avancé de 12.000 milliards de dinars qui représente la valeur de la fiscalité qui devait être payée par les entreprises dissoutes, estimée à 1.900 milliards de dinars, et 7.000 milliards de dinars d'amendes prononcées par les tribunaux tout au long des années précédentes. Et pour ceux qui ont demandé au gouvernement d'obliger les investisseurs privés à rembourser leurs dettes, pour face à la crise financière, le Premier ministre dira, là encore, que les dettes du secteur privé sont infimes. Il argumente, en affirmant, que le total des crédits octroyés par les banques s'élève à 8.467 milliards de dinars dont 4.000 milliards aux entreprises publiques et 700 milliards aux petites entreprises, le reste chez le privé. Tandis que les crédits bancaires non recouvrés représentent 11% du montant total des crédits alloués par l'Etat soit 800 milliards de dinars dont 100 milliards de crédits Ansej. Concernant l'effacement des dettes de certaines micro-entreprises, le Premier ministre a déclaré que « le gouvernement est déterminé à aider les jeunes, ce sont nos enfants et on doit les aider», a-t-il souligné. Il a précisé dans ce sens que 27 milliards de DA de dettes ont été effacées récemment par les banques au profit d'entreprises de l'ANSEJ tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'un rééchelonnement de leurs dettes. Concernant la proposition portant absorption de l'argent qui circule dans l'informel, le Premier ministre précise que la valeur de cette masse monétaire n'est pas en mesure de faire face à la crise. Il s'est référé aux chiffres présentés par le gouverneur de la Banque centrale qui montrent que l'Algérie disposait, jusqu'à juillet 2017, de 14.500 milliards de dinars dont 2.700 milliards de dinars, en circulation sur le marché parallèle. Et d'annoncer que la Finance islamique sera de vigueur, à partir de l'année 2018. Pour ce qui est des réserves de change de l`Algérie, elles se sont établies, à 103 milliards de dollars, à fin août 2017, a rappelé le Premier ministre qui prévoit un recul des réserves de change à 102 milliards de dollars, en septembre en cours. En réponse à ceux qui ont affirmé que pour recourir au financement non conventionnel, il faut d'abord lutter contre la corruption, le Premier ministre fait rappeler que l'Algérie était parmi les premiers pays à signer la Convention internationale de lutte contre la corruption. Et de préciser que cette convention est appliquée, quotidiennement, à la Justice.

Le soutien d'Ouyahia à Benghebrit

Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n'a pas hésité à apporter son soutien à Mme la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit, notamment, par rapport au sujet de la «basmala» qui a suscité une vive polémique.

Pour le Premier ministre «la polémique née, suite la suppression de la basmala, de certains manuels scolaires est un faux débat».

Et d'affirmer, contrairement, aux déclarations de la ministre de l'Education qu'«il ne s'agit en fait que d'une erreur d'impression». Ahmed Ouyahia a dénoncé devant les parlementaires la campagne de dénigrement dont a fait l'objet la ministre de l'Education. Le chef du gouvernement dira, «en mon nom et au nom de tout le gouvernement, je dis «Bismillah» et je dis qu'il n'y a qu'un seul dieu». Nasser Hamdadouche du MSP a qualifié ce soutien «d'idéologique». Et de poursuivre que le chef du gouvernement doit assumer ses responsabilités quant à la destruction de l'Ecole algérienne, par des problèmes à l'infini et des scandales à répétition.