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La réforme tarde à venir: Les subventions, un véritable casse-tête

par Yazid Alilat

La question devient de plus en plus évidente : le système des subventions en direction des couches sociales défavorisées à atteint ses limites.

L'Algérie, face à la baisse inexorable de ses recettes pétrolières, doit revoir ce système social de protection des couches défavorisées, qui représente annuellement près de 30% du PIB national. C'est là en fait un des grands chantiers de l'économie algérienne, et que compte mener le gouvernement d'Ahmed Ouyahia. Le resserrement monétaire, la hausse des déficits et un prix du brut qui n'assure plus une sécurité économique, ni politique, conduisent inexorablement vers une réforme du système des subventions, dont les prix des produits énergétiques (électricité et carburants), tels qu'ils sont actuellement pratiqués. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia n'a pas fait grand mystère qu'il compte mener en priorité ce chantier, l'un des plus importants des réformes préconisées pour surmonter la difficile conjoncture économique actuelle, née de la baisse des recettes pétrolières. Ouyahia, lors de la nomination du précédent gouvernement en mai dernier, avait notamment prévenu, en tant que SG du RND, contre les politiques populistes et démagogiques. Il a, surtout, montré sa farouche opposition à la politique de subventions, qui ne profite pas qu'aux démunis, et a préconisé son abandon. «Notre système de subvention est trop généreux. Il profite à tout le monde. Il ne profite pas aux nécessiteux», avait-il expliqué, avant d'ajouter que «l'aide de l'État doit aller à ceux qui la méritent, alors qu'aujourd'hui tout le monde peut acheter un sachet de lait à 25 dinars», avait-il fait remarquer en septembre 2016. Bien plus, Ahmed Ouyahia estime que les subventions de l'Etat sur les produits de consommation de base (sucre, farine, semoule) alimentent la contrebande aux frontières et les trafics en tout genre. Une perte sèche de plus de deux milliards de dollars par an pour l'Algérie, selon lui. Pour autant, le désormais Premier ministre ne ferme pas la porte au soutien financier de l'Etat aux couches sociales défavorisées, mais juste mettre de l'ordre dans un système fort coûteux pour les caisses de l'Etat. Il s'explique: ?'les acquis sociaux de l'Algérie pendant plus d'une décennie sont autant de preuves de tout ce que l'Algérie est capable de poursuivre en dépit de la crise financière», et «même en cette période de crise financière, l'Algérie maintient une politique sociale quasi unique dans le monde, une politique qui a besoin d'être davantage mise en valeur». Plus explicite, il précisera que sur des recettes pétrolières de seulement 37 milliards de dollars en 2016, l'Algérie a maintenu pour 2017 les transferts sociaux dont le montant équivaut à la moitié de ces recettes pétrolières, soit 18 milliards de dollars. Mais, dans le fond, l'abandon du système de subventions tel qu'il est aujourd'hui, notamment dans le secteur énergétique, a déjà débuté avec la loi de finances 2016, qui a été marquée par une hausse des tarifs de l'électricité, du gaz et des carburants. Il s'agit là des premières hausses des produits les plus consommés, en particulier l'énergie électrique et le gaz de ville, dont les tarifs ont été revus à la hausse en 2016, et qui devraient être augmentés dans les années prochaines. Le ministre de l'Energie Mustapha Guitouni estime que l'impérieuse nécessité de la hausse des prix de l'énergie vient d'abord pour rationaliser une consommation boulimique, et lutter contre le gaspillage, ensuite pour soutenir les investissements consentis pour augmenter la production nationale d'électricité. Le montant de la subvention à l'énergie est de 1 500 milliards de dinars en 2016 (environ 15 milliards de dollars), soit 630 mds de DA de différentiel entre les prix réels des carburants, y compris les quantités importées, et le prix de leur cession, et de plus de 750 mds de DA de différentiel entre le prix réel du gaz naturel et son prix de consommation, ainsi que de 154 mds de DA qui représentent le montant de la subvention d'équilibre attribuée à Sonelgaz. Selon la banque mondiale, les subventions à l'énergie en Algérie absorbent 30% du budget de l'Etat et 11% de son PIB. Elles s'élèvent à environ 1 500 à 2 400 milliards de dinars (soit environ 10 à 20 milliards de dollars). Le gouvernement Ouyahia ne sera pas insensible à ces arguments dans une conjoncture marquée par une érosion des recettes du Trésor et la hausse de la demande sociale. En fait, selon l'ancien ministre des Finances Abderahmane Benkhalfa, l'Etat prévoyait en 2016 d'accélérer la réforme du système des subventions des produits de base alimentaires, les produits énergétiques (électricité, carburants) et certains services, comme les Transports. Selon donc l'ex-ministre des Finances, la démarche a commencé par la mise en place d'une sorte de carte des ménages défavorisés. L'objectif étant de substituer le système de subventions généralisées à celui de subventions ciblées. L'idée, selon des experts, est de subventionner les ménages les plus défavorisés, avec des cartes, plutôt que de subventionner des produits sensibles, comme les carburants, objets de la contrebande aux frontières, ou des blés subventionnés, utilisés par des entreprises pour les transformer en semoule ou pâtes alimentaires. La subvention directe du blé importé coûte en moyenne près de deux milliards de dollars par an au budget de l'Etat sur une facture d'importation globale de 4 milliards de dollars. Avant le retour d'Ahmed Ouyahia, l'ex Premier ministre Abdelmadjid Tebboune voulait lui aussi s'attaquer au système de subventions, mais après une consultation nationale la plus large possible. Il avait annoncé en juin dernier que ?'le gouvernement lancera un débat national large et approfondi visant le ciblage des personnes ouvrant droit au soutien de l'Etat». Les conclusions de cette commission devaient être présentées sous formes de projets de loi aux députés. Bref, quel que soit le gouvernement du moment, l'objectif est de revoir le système des subventions, en particulier dans le secteur énergétique, car selon des experts, avec le niveau actuel et à venir de la consommation (électricité, gaz, pétrole), ?'la production totale d'énergie risque d'être égale à la consommation interne d'énergie à l'horizon 2030. Et donc plus rien à exporter.