Comme un
boxeur sur un ring, Ahmed Ouyahia a achevé, jeudi,
avec deux uppercuts ponctués d'un KO, l'ex-Premier ministre. Car beaucoup
d'observateurs s'interrogent si vraiment Ahmed Ouyahia
avait l'intention d'entamer la préparation de la prochaine tripartite, qu'il a
vite renvoyée aux ?'calendes grecques'', ou si cette réunion de jeudi avec les
partenaires sociaux n'était qu'un alibi pour mettre un terme définitif à la
parenthèse Tebboune, et reprendre la main sur les
affaires courantes du pays, rappelant au passage la feuille de route du
président. D'abord, Ouyahia, fort de la légitimité de
sa nomination et de sa proximité avec les centres de décisions, lance son
premier uppercut : ?' le gouvernement ne ménagera aucun effort pour améliorer
le cadre de l'investissement, et pour cultiver des relations sereines avec les
entreprises, dans le cadre de la loi.'' Il explique ainsi que la première de
ses priorités est que les opérateurs économiques, en particulier le secteur
privé, ne sont pas des ?'pestiférés'' et des ?'prédateurs'', et restent des
partenaires privilégiés, et que si différend il y a, le pays dispose de
?'lois'' pour régler tout conflit ou litige avec les entreprises. Et, surtout,
qu'il ne doit y avoir aucune interférence personnelle dans les relations entre
le gouvernement et ses partenaires économiques. Le précédent de Tebboune avec Ali Haddad est ainsi recadré par Ouyahia, qui montre à quel point la politique de son
prédécesseur était désavouée en haut lieu. Le second uppercut est venu sous la
forme d'un soutien sans faille du gouvernement aux entreprises, privées et
publiques. Et que pour le gouvernement, il n'y a aucune différence entre les
deux secteurs. Il clarifie ainsi sa vision : ?'le gouvernement cultive aussi de
la considération envers toutes les entreprises publiques, privées ou mixtes,
qui constituent le levier de la croissance, de la création d'emplois et de la
diversification de l'économie nationale''. Ouyahia,
comme à son habitude, cultive les paradoxes, et met le point là où cela fait
mal : son gouvernement ne fait aucune différence entre entreprise publique ou
privée, et a, en prime, de ?'la considération'' envers les acteurs économiques
du pays. Ce faisant, il désavoue la démarche de Tebboune.
Enfin, l'estocade et le ?'KO'' d'Ouyahia sont venus
sous la forme d'un cours sur ?'l'application des lois, y compris dans le
domaine économique, avec toute l'efficacité voulue, dans la sérénité et la
quiétude et non en semant le trouble et la confusion». C'est le coup de grâce.
Dans son message à l'issue de cette rencontre, Ouyahia
a rappelé à tous qu'il est dans son élément là où il est, à nouveau dans son
terrain fétiche, et qu'il n'est là, cependant, que pour mettre en application,
strictement, les orientations du chef de l'Etat, sa feuille de route. Ni plus,
ni moins. Sans état d'âme, s'il le faut. Ce sont les grandes leçons qu'Ouyahia a délivré à l'opinion publique, comme pour mettre
de l'ordre dans les affaires du pays, après un intermède malheureux, celui de
la confrontation et de la précipitation dans des secteurs stratégiques, dans
lesquelles s'était noyé l'ex-gouvernement. L'autre grand message d'Ahmed Ouyahia aux Algériens est que le gouvernement ne sortira
pas des orientations du président, avec comme priorité la préservation de la
justice sociale et le maintien de la solidarité nationale. Comprendre, pas
d'abandon de la politique sociale. Pour autant, Ouyahia
tiendra-t-il ce cap ? Sa vision du dialogue social en y incorporant ou pas les
syndicats indépendants sera la grande inconnue de cette démarche.