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Un vrai « fellah » n'est-il pas celui qui
croit en l'amour de la terre et à ce qu'elle produit en y investissant tout ce
qu'il a appris de père en fils, c'est-à-dire : de savoir-faire, d'ardeur au
travail, de respect presque religieux à l'héritage d'une terre indivise léguée
par les ancêtres, avec une bonne dose de risque pris et de patience manifestée malgré
tous les aléas ?
N'est-ce pas qu'il est cet esprit vaillant et obstiné, réduit à la condition d'un besogneux gagne-petit souvent raillé pour son look d'homme négligeant son paraître, image passéiste des années de braise ancrées dans notre mémoire collective et portées en 1975 sur le grand écran par notre talentueux réalisateur, Lakhdar Hamina ? Le « fellah » est de ce fait à ne pas en douter, l'élément clé qui a pleinement contribué à la révolution menée pour restaurer toute la dignité d'un peuple et pour se réapproprier le patrimoine en sol et sous-sol spolié par la colonisation, ses suppôts et alliés féodaux, grands propriétaires fonciers ? Et c'est bien pour cela qu'il paraît aux yeux de ceux qui savent considérer l'effort à sa juste valeur comme le prototype d'homme d'honneur digne ; aux mains calleuses, droit dans ses bottes, les pieds bien ancrés sur terre et la tête constamment tournée vers le ciel. Il est souvent là, après avoir labouré, bêché et amendé la terre nourricière à regarder et à évaluer la densité des nuages qui feront venir, la pluie bienfaitrice chaque fois attendue et désirée telle une félicité, un don, un cadeau venu du ciel. Car il s'agit toujours, davantage et avec vaillance de produire sans discontinuité dans la limite d'une force vieillissante en déclin pour donner lait, pain, fruits et légumes à un peuple déboussolé parce que réduit outrageusement et ostensiblement à un « estomac » et « tube digestif » à remplir, à défaut de n'avoir pas été encouragé, éveillé, accompagné et éduqué aux bienfaits de la culture du travail productif bien accompli individuellement et collectivement. Apprendre un véritable métier n'a jamais été considéré par nos dirigeants, comme la priorité vitale et absolue avant les diplômes sans épaisseur et à valeur insignifiante, gracieusement distribués par crainte d'une « intifada » en pétard mouillé de cancres, de tire aux flancs et de tricheurs. Le compter-sur-soi n'est pas aussi leur tasse de thé, alors que cherchant plutôt à endormir et à anesthésier leur peuple et plus particulièrement sa jeunesse, de même qu'ils ne respectent aucunement la chose et le patrimoine publics. Ces derniers de plus en plus convoités, sont squattés et détournés de leur vocation première dans l'indifférence totale si ce n'est dans la complicité éhontée des uns et des autres, par une faune de prédateurs et pilleurs aux appétits gargantuesques qui amassent fortune dont la plus grosse partie est transférée à l'étranger ! Mais qui s'en émeut ? Qui s'en offusque ? Normal, réplique la vox populi médusée mais adepte du tout social et des indemnités gracieusement distribuées ! Le laisser-faire depuis le sommet de la pyramide Algérie et à tous les niveaux, est devenu en cascade la culture la mieux partagée, la mieux prisée et recherchée dans notre pays dépecé, livré à la prédation et au gaspillage sans honte ! C'est pourquoi, le rêve d'un avenir radieux et florissant que nos valeureux martyrs, nos vrais combattants civils et militaires ont porté génération après génération n'a pas pu se réaliser totalement 55 ans après l'indépendance chèrement acquise de notre pays, malgré les faramineux investissements consentis, soit l'équivalent de 5 fois le « Plan Marshall ». S'il en est ainsi, c'est que le génie créateur et la vitalité de tout un peuple et de sa jeunesse ont été brimés et étouffés par tous ceux qui l'ont gouverné depuis près de quatre décennies sans génie et, sans vision stratégique à long terme se contentant seulement de l'entretenir tel un oisillon dans son nid. Coupé du monde productif environnant et enfoncé par facilité, pour ne pas dire par mépris, dans une dépendance à l'État providence favorable au statu quo dans lequel ils veulent le laisser en le plongeant par la force des choses et de la mauvaise gouvernance, dans une situation de dormance et d'immobilisme. Aussi, a-t-il perdu son dynamisme, ses rêves, sa fougue et son élan constructif en ne sachant plus rien faire en dehors de sa « nichée nationale » qui vit tout entière sur des nappes de gaz et de pétrole coulant à flot jusqu'à épuisement de ces ressources maléfiques, génératrices de paresse et, dont la valeur est continuellement dépréciée. Malgré ce nouvel état d'esprit qui s'est installé durablement dans cette Algérie qui a entamé depuis les années 80, le processus de régression qui lui fait manger son pain blanc dans l'insouciance la plus totale des lendemains et dans la somnolence sans être inquiété pour autant, un des rares acteurs économique et social digne de ce nom, le « fellah » est resté encore conscient de son rôle dans la société. Bien qu'en hirondelle esseulée, ce producteur modeste, non frimeur alors que véritable créateur de richesses sans tapage médiatique ni cliquetis des flashs d'instants mémorisés, continue patiemment à accomplir son labeur sans rechigner à la tâche pour avoir pris conscience du rôle qu'il se doit de jouer à contre-courant de la tendance générale du laisser-aller de « bled asiba », cette déclinaison de « bled el beylick » qui mène à l'impasse de la voie sans issue dans laquelle nous sommes engagés. Il s'inscrit à ce titre, dans la continuité du serment fait, mais non tenu par tous, à nos valeureux « Chouhada » qui ont libérés l'Algérie qui avait pourtant plus d'un atout pour réussir son émergence parmi les pays qui comptent, alors que devenu aujourd'hui, cette planète de gens avachis « assis en tailleur » à voir passer le temps sur les placettes publiques de nos villes et villages à longueur de journées ou au voisinage des très nombreuses mosquées, comme pour se dédouaner de cette paresse qui les envahit en cherchant à se faire pardonner par le Tout Puissant ! Mais malgré cela, ce « fellah » qui aurait pu choisir lui aussi, la voie facile du commerce informel du « yadjouz » de Dubaï ou d'Ankara sans impôts payés, est « zappé » et délaissé par les pouvoirs publics qui ne se rappellent de son existence qu'en cas de pénurie de biens agricoles essentiels comme la pomme de terre quand les mercuriales s'affolent par la faute exclusive de ces « parasites », intermédiaires sans scrupule. Ils activent librement sur les marchés du fait de l'absence criarde d'un l'État peu soucieux de ses prérogatives régaliennes. Ils pratiquent la vente en seconde, troisième et parfois en quatrième main dans la sphère spéculative du commerce des fruits et légumes mais aussi de la viande en lui volant sa sueur, car sa marge bénéficiaire est la plus réduite de toute la chaîne de vente et de revente de ces produits. Mais qu'adviendra-t-il de nous si sa corporation venait à se rebiffer et à lâcher prise entamant une véritable « grève du zèle » par abandon du travail de la terre ? Il a été aussi éclipsé par ces nombreux arrivistes venus sans aucun métier ni grand mérite à l'accaparement de la terre de la collectivité nationale avec leur progéniture et proches, tels des vautours aux serres bien acérées, rêvant de recycler l'argent qu'ils ont facilement réussi à accumuler hors de tout encadrement fiscal, grâce à la bénédiction sinon la complicité d'un État absent ou pour le moins défaillant. Ils veulent l'injecter en partie, dans ce qui pourrait ressembler à des haciendas et des ranchs qu'on trouve en grand nombre dans les pays d'Amérique latine, particulièrement en Argentine et au Brésil leur nouvelle sources d'inspiration et leurs modèles. Aussi impensable que cela puisse paraître, ce tour de force n'a été possible que par le fait d'une proximité de ces « heureux » bénéficiaires avec les centres de décisions qui dispensent leurs bonnes grâces sans ce soucier de ce que pensera le peuple sans voix qu'il faut juste nourrir à satiété croient-t-ils par cynisme, mais ô combien négligé et humilité, parce-que considéré comme étant leur vassal, et donc, nul besoin de l'informer et encore moins, de lui demander son avis ou le faire participer pleinement à la prise de décision et au développement du pays ... Ces « vampires », suceurs du sang du peuple, squatteurs et collectionneurs de biens publics (entreprises dissoutes cédées au dinar symbolique, foncier industriel et touristique sans projets achevés, carrières d'agrégats, marchés juteux et constamment surévalués, équipes de « foot » et transferts lucratifs de joueurs par centaines de millions alors que nos stades sont devenus de véritables arènes pour gladiateurs et où la sportivité a disparu ?) ont volé la vedette aux authentiques producteurs et « fellahs » de notre agriculture familiale sans lesquels la production de nos biens alimentaires et agricoles serait en régression constante. Ils les ont relégués au rang de personnages sans intérêt dont on ne parle presque jamais, et encore moins dans les médias et les chaînes satellitaires spécialistes de l'abrutissement des consciences qu'ils contrôlent pour asservir davantage une populace crédule, ignorante, grande consommatrice d'images malsaines et débilitantes, distillées par des esprits affairistes et moyenâgeux, sans aucune retenue et, sans morale ni éducation ! Oui ! Le « fellah » ce malaimé, est présent dans les différents écosystèmes de notre riche pays. Il peut-être ce ksourien qui passe pourtant le plus clair de son temps dans sa palmeraie sous la canicule des extrêmes en été sans « clim » et sous le froid en hiver sans chauffage, en être désespéré voyant mourir à petit feu, sa foggara millénaire qu'il peine à réhabiliter par ses propres mais modestes moyens. Il est aussi impuissant, face à cette salinisation rampante qui rogne l'espace nourricier des palmeraies non drainées et de surcroît largement bayoudées. Ces espaces de vie auxquels s'adossent des « ksour » sont devenus par abandon, des réserves foncières très convoitées dans ce mythique Touat-Gourara de la complainte du déraciné « d'Ahl Allil », rappelant Marrakech mais sans ses vices et ses frasques de gens de divers horizons, se croyant tout permis. Dans cet espace magnifique et sur la route du chapelet de « ksour », des gens nantis arrogants et conquérants venus d'ailleurs, ont pris option pour la construction de résidences secondaires. Dans tout cela, le chômage et la malvie ont fait fuir les plus jeunes qui se sont « recyclés » dans le métier improvisé de vendeur de thé à la menthe et de « moukasirettes » dans les grandes villes du Nord, eux dont le statut social est à peine un peu plus reluisant que celui de leurs voisins et frères sub-sahariens venant du Sahel africain, avec cette différence qu'à l'inverse de ces derniers, ils ne s'adonnent pas en gens dignes, à la mendicité ! Attention vous dis-je ! Il y a là un véritable danger si nous continuons à trop mépriser ces braves ! La réaction du Gouvernement se doit donc d'être à hauteur des séquelles et traumatismes profonds laissés dans les consciences de ces citoyens pleins de sobriété et de réactivité face à la dureté du climat dans ces terroirs où ils s'adonnent sans compter au travail productif, par la faute de gouvernants qui n'ont pas voulu voir venir leur misère, alors que vivant pour la plupart sous le seuil de pauvreté. Ces commis de l'État ont fait en carriéristes, le choix de tourner leur regard vers les nouveaux riches, faux pionniers et faux investisseurs devenus des hommes influents, désormais fréquentables au grand jour et de solides protecteurs de ceux qui leur permettent de faire fructifier leurs affaires ! Oui ! Le « fellah » est aussi, le petit paysan des montagnes et des piedmonts accroché aux maigres arpents de terre déclive labourée à l'araire dans le sens de la pente en favorisant l'érosion. Il vit en compagnie de sa famille, de son maigre troupeau de chèvres, de moutons ou de vaches, de son oliveraie menacée par les incendies de forêts beaucoup plus criminels que spontanés, comme ceux que nous avons connus de façon particulière cet été. Cette catastrophe semble être, l'œuvre d'une « mafia » qui fait commerce florissant du charbon de bois, non seulement à l'approche de la fête de l'Aïd, mais aussi, toute l'année avec le foisonnement des marchands de brochettes. Ces vendeurs et générateurs de mauvais cholestérol et de surpoids qui, à l'instar des rois de la malbouffe de «McDonald» ont modifié la silhouette de nos jeunes de plus en plus prédisposés aux maladies cardio-vasculaires ! Il y a aussi nous dit-on, ceux qui en « tama'ine » incorrigibles brulent leurs vergers pour bénéficier de l'indemnisation rapidement annoncée sans évaluation précise des dégâts causés par les feux de forêts et la détermination de leurs origines ! Toute cette magouille a épuisé le courage, la compétence de nos valeureux pompiers, toujours disponibles et qui ne savent plus où donner de la tête, non pas parce qu'ils ne mettent pas assez de cœur à la besogne, mais plutôt par manque flagrant de moyens adéquats ! Honneur à vous mes braves qui êtes sur tous les fronts et à votre chef, le Colonel et Moudjahid Mustapha H'biri ! Courage ! L'Algérie finira enfin par reconnaître les siens ! Le « fellah » est également, ce pasteur en perpétuel pérégrination et transhumance en quête de maigres pâturages sur les terres labourées de la Steppe en toute impunité et sans aucun respect des équilibres écologiques dans cet espace fragilisé et guetté par la désertification qui l'a déjà atteint sur plus de 16 millions d'hectares, au point que les vents de sable peuvent ramener leurs nuages de poussière, parfois jusqu'au pied de la tour Eiffel à Paris. Cette situation préjudiciable et source d'exode et de migration climatiques, est le fait d'esprits tapis dans les institutions de l'État, favorables au lucre et à l'accumulation de richesses faciles. Si cette infraction est permise ou tolérée, c'est que l'État populiste fragilisé est constamment préoccupé par la paix sociale à n'importe quel prix, et de plus, ses serviteurs ont les yeux rivés sur les échéances politiques de 2019 dans cette Algérie sans horizon, sans arc-en-ciel même par intermittence ni éclaircie pour un peuple sans perspective et démoralisé au plus haut point. Déconnecté du jeu des échéances et des intrigues politiciennes, le « fellah » gardien des terroirs et de l'équilibre écologique reste là, égal à lui même, à trimer de l'aube naissante au crépuscule finissant sans jamais se plaindre, sinon à prier Dieu pour que son travail soit béni dans l'intérêt de sa communauté en attendant des jours meilleurs qui tardent indéfiniment à venir, pour ce peuple de pestiférés que nous sommes devenus malgré nous, comme s'il s'agissait là d'une malédiction parce que nous sommes réellement menacés de famine. Non ! Il ne faut pas se faire d'illusions ! L'agriculture n'est pas et ne peut pas être l'affaire d'oligarques jouisseurs qui font dans le mimétisme de mauvais aloi ! Elle est plutôt et avant tout, une activité de gens passionnés, proches de la nature. Elle ne saurait se pratiquer correctement et à hauteur du défi d'une nation qui n'a pour seul choix, que le travail de la terre comme alternative durable. Ce défi ne peut-être relevé que par cette authentique paysannerie qui a su établir depuis des siècles, le lien charnel indispensable qui l'ancre à la terre de ses aïeux sans « s'kata » et qui ne cherche nullement à transférer ses bénéfices outre-mer, combien même elle pourrait devenir riche ! Elle est l'affaire de ces valeureux agriculteurs enturbannés de la « tamara » et du labeur véritable qui n'hésitent pas à migrer à travers les wilayas comme l'ont fait ceux de la plaine d'Eghris près de Mascara pour louer les terres laissées en jachère au sein des EAI et EAC créées de façon irraisonnée à partir du potentiel productif des domaines autogérés en 1987, alors que leurs supposés exploitants auraient dus être déchus comme le prévoit la loi ! C'est grâce à ces « gros bras » du lève-tôt qui ont mis en valeur les terres d'Ain-Skhouna, de Rechaiga, d'Ain-Defla, d'Ain El Bel, d'El-Ghrouss, d'El-Oued et de bien d'autres contrées, que des milliers d'hectares livrés auparavant à la jachère et aux mauvaises herbes ont pu être récupérés, fructifiés et que la voie a été ouverte à l'exportation de certains produits maraîchers, même si ce n'est qu'en petites quantités pour l'instant. Ils introduisirent et développèrent la culture de la pomme de terre, de l'oignon, de la carotte, de la pastèque et firent des émules à la faveur de leur savoir-faire et de leurs techniques de vrais paysans. Mais alors ! Ne peut-on pas dire sans risque de se tromper, qu'ils sont les précurseurs de ce qu'il convient d'appeler : la « démocratisation » de la culture des produits agricoles de première nécessité, que nous retrouvons aujourd'hui à travers toutes les wilayas du pays ? À moins d'ingratitude, c'est ce que devraient retenir, la mémoire collective et l'histoire contemporaine de cette Algérie agricole productive qui n'a jamais voulu courir derrière les soutiens inconsidérés et les facilités de l'État ! Ici, c'est le transfert d'un savoir-faire de paysan à paysan qui a agi en déclic salvateur générateur de richesses, en l'absence de celui défaillant des structures de « recherche » et de « vulgarisation » cantonnées dans leur quasi-totalité dans la région algéroise et dont le potentiel scientifique, technique et humain a été dilapidé par une politique de restructuration pour ne pas dire, de destruction initié dès la décennie 80, sous l'injonction du FMI. N'est-ce pas aussi, que c'est à ces gens là et à leurs émules que devrait revenir la terre en toute logique, et non à la faune des prédateurs, d'affairistes et d'entrepreneurs autoproclamés et promus grâce aux dépenses budgétaires publiques qui cherchent à s'associer à des multinationales, si l'on songe réellement à améliorer et à garantir notre sécurité alimentaire ? Cette expérience réussie, est relatée tel un hommage à cette paysannerie du mérite qui n'attend rien du « dâam errifi », pour dire, que l'effort et le travail bien accomplis par ceux dont c'est le métier, sont chaque fois couronnés de succès et qu'effectivement, un trésor est bien caché dans les profondeurs des sillons de cette terre bénie, baignée par le soleil qui imprime un goût exceptionnel à nos produits pour peu qu'on veuille la travailler et l'entretenir. Moralité, c'est cette expérience qui doit faire tâche d'huile et essaimer par tout, et non, celle de « l'entreprenariat » artificiellement créé, celui du bluff, de l'arnaque et de l'impunité morale et pénale, cette aventure qui n'augure rien de bon parce que ces nouveaux riches n'ont ni le métier, ni le savoir-faire, ni la technique des véritables producteurs agricoles. Ils n'ont même pas la passion pour la terre, comme l'avait le célèbre et grand écrivain russe, le comte Tolstoï qui en reprenant personnellement et directement la gestion de ses domaines, s'est intéressé à ses cultures, à ses élevages et au bon déroulement de toutes les activités agricoles de ses propriétés. Il est bien évident que Tolstoï n'a pas fait de l'agriculture seulement pour la frime, par effet de mode ! Il a travaillé la terre avec ses « moujiks » dans le but de se rapprocher davantage d'eux, de mieux les connaître et d'apprendre à leur contact la vie simple de la nature et ainsi pénétrer leur façon de vivre tout en mettant la main à la pâte. Il voyait dans ce travail physique un nouvel équilibre après sa vie de célibataire, et surtout justice rendue aux « moujiks » du fait de sa position privilégiée par rapport à la leur faite de servage, d'ignorance et de soumission. Il pensait également que les paysans sur ses terres étaient des acteurs incontournables et qu'il fallait les respecter, les orienter et les accompagner afin qu'ils puissent mieux travailler et du coup, qu'ils produisent davantage d'abord pour son propre profit bien sûr, mais aussi, pour qu'ils accèdent à une dignité tout en augmentant leurs revenus et, in finie leur situation économique et sociale. On peut dire que Tolstoï a retiré des travaux agricoles une très grande joie et un réel bonheur, sans chercher comme nos nouveaux riches « baggara » de surcroît, à courir investir « leurs » bénéfices à l'étranger selon les reflexes bien connus des voleurs de choses et de biens pris à celui qui est censé être leur peuple. Voilà un exemple éclairant qui permet de souligner la différence abyssale qui existe entre un homme cultivé, riche, non arrogant et aimant son pays, et ceux qui chez-nous pratiquent des « métiers » sans détenir aucune culture ou qualification, sans respect pour autrui et qui in fine, ont acquis leur statut de riches et de détenteurs de biens matériels par infraction tolérée par leurs mentors politiques ? Alors oui ! L'État n'a pas à leur faire encore des cadeaux en leur cédant les fermes pilotes ! En cette phase difficile marquée par la parcimonie dans l'utilisation des deniers publics et la préservation des richesses, son aide devrait concerner en premier lieu, les ksouriens qui triment pour leur survie et pour le maintien de l'habitat traditionnel voué à la disparition s'ils venaient à migrer, et les montagnards qui ont eux-aussi, besoin d'activités complémentaires pour rester accrochés aux arpents de leurs terres alors que vivant dans des conditions de précarité difficilement soutenables ! C'est cette agriculture familiale de subsistance et dans le même temps de veille territoriale qui a le plus besoin de ses aides et soutiens puisqu'étant à caractère d'utilité publique et s'insérant dans le processus de développement durable. Pour tout le reste, c'est le système coopératif, comme c'est le cas dans les économies agricoles et alimentaires développées et florissantes, comme les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie, la France ou le Royaume Uni qui doit-être développé pour tout à la fois absorber les dizaines de milliers d'agronomes, de vétérinaires, de biologistes, d'économistes, de machinistes, d'informaticiens, de financiers et de techniciens formés à prix fort et accompagner et soutenir la paysannerie. Sans cela, ellene pourra ni accéder à la nécessaire amélioration de ses itinéraires techniques, ni à l'amélioration de ses systèmes de production pour mettre sur le marché, une ration alimentaire en quantité suffisante, de bonne qualité, issue de l'appareil de production nationale et au moindre coût ! Pour s'en convaincre, il faut rappeler qu'en 2015 et pour le seul continent européen, les entreprises coopératives au nombre de 180.000 reposaient sur plus de 140 millions de membres, employaient plus de 4,5 millions de salariés et généraient près de 1.000 milliards d'euros de chiffre d'affaires, chiffre qui correspond au PIB de la dixième économie mondial - le Canada - et atteint presque la taille de l'économie d'un pays comme l'Espagne. Dans le monde, ce sont 100 millions d'emplois qui sont créés, soit 20% de plus que les entreprises et groupes multinationaux qui dominent l'agriculture mondiale. Au Kenya, 924.000 agriculteurs tirent un revenu de leur adhésion à une coopérative agricole et la part de marché des coopératives est de 70% pour le café, 76% pour les produits laitiers, et 95% pour le coton. Ils sont quelques 900.000 en Éthiopie et environ 4 millions en Égypte. Aux États-Unis, les coopératives laitières contrôlent environ 80% de la production laitière et, en Californie, la plupart des producteurs de cultures spécifiques sont regroupés au sein de coopératives. En Colombie, la Fédération nationale des planteurs de café fournit un appui à la production et à la commercialisation à environ 500.000 exploitants. En 2005, la Coopérative laitière indienne, qui compte 12,3 millions de membres, représentait 22% de la production laitière de l'Inde. Soixante pour cent de ses membres ne possèdent pas de terres, ou seulement de très petites parcelles, et 25% sont des femmes. Au Brésil, les coopératives comptent pour 40% du PIB agricole. Oui ! C'est bien précisément dans cette situation difficile que traverse notre pays, que nous avons le plus grand besoin de réhabiliter nos coopératives de production et de services dissoutes prématurément dans les années 80 sous la pression du FMI, sans qu'aucun bilan n'ait été établi et sans qu'aucune réflexion et stratégie à long terme n'aient été élaborées pour bâtir une politique pour développer et intensifier notre agriculture? *Professeur |
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