Pour fixer
la date et le lieu où se tiendra la prochaine tripartite, le Premier ministre
n'était pas tenu de réunir autour de lui pour en décider les partenaires
sociaux du gouvernement, ses prédécesseurs à la primature ont été les « maîtres
du temps » et se contentaient de faire contacter par leurs services les organisations
patronales et le syndicat concernés pour leur faire connaître ce qu'ils ont
décidé en la matière. La rencontre triangulaire d'hier n'a eu de raison pour sa
tenue que celle de véhiculer médiatiquement le message que contrairement à ce
qui s'est dit et écrit suite à la passe d'armes entre Tebboune
et le duo Haddad-Sidi Saïd, il n'y a pas « clash » entre le gouvernement et ses
partenaires sociaux. La mise en scène à laquelle se sont prêtés les trois
personnages n'a probablement pas été au goût des autres participants qui ont
pris parti soit pour Tebboune soit pour Haddad et
Sidi Saïd. Quoiqu'il en soit, la tenue de la réunion d'hier
qui, il faut le répéter, ne s'imposait pas pour ce qui est censé avoir été
débattu entre le Premier ministre et les partenaires sociaux du gouvernement, a
été quasi unanimement décryptée comme étant une séquence du « rétropédalage »
imposé à Abdelmadjid Tebboune dans son attitude à
l'égard du patron de FCE, qu'il a présentée comme découlant de la volonté de
son gouvernement de mettre un terme à l'envahissement du pouvoir politique par
celui de l'argent. A tort ou à raison, l'opinion publique y voit
confirmation que le pouvoir de l'argent est en capacité de tenir tête au
politique. Autant Tebboune a suscité sympathie et préjugé
favorable en paraissant déterminé à remettre à sa place ce pouvoir de l'argent
et à faire rendre gorge aux indélicats qui s'en prévalent, autant il a déçu en
apparaissant mettre « de l'eau dans son vin » quant à sa position et contraint
à une mise en scène qui nuit à l'image qu'il veut donner de lui à l'opinion
citoyenne. La question n'est pas de savoir si Tebboune
pense sincèrement ce qu'il a promis d'entreprendre, à savoir nettoyer « les
écuries d'Augias » qu'est devenue la République, mais s'il a servi plutôt à
dérouler un scénario visant à duper une opinion que le serail
sait remontée contre la socialisation de la corruption et la captation à
échelle sidérante de l'argent public et de ce fait au bord de l'explosion
qu'aucune repression ne saurait prévenir ou contenir.
Un scénario tendant à faire croire qu'une opération « main propre » serait en
marche dans le pays, qui ne viserait pas que des « lampistes » et seconds
couteaux du monde de l'argent et de celui des politiques qui en a été son
complice dans la prédation et l'enrichissement sidérant. Si Tebboune
et son gouvernement ont dû faire du rétropédalage quelque temps après avoir
martialement annoncé que personne ne les déviera de leur intention de «
moraliser » le climat des affaires, il faut croire que ceux qu'ils ont visés
sont plus puissants qu'ils ne l'ont pensé et que le vrai pouvoir en Algérie
leur est désormais inféodé et réduit à les ménager. Ce dont Ali Haddad paraît
être certain au point d'avoir ni plus ni moins proféré l'exigence du départ du
Premier ministre qui lui aurait «manqué de respect» et s'en est pris au milieu
dont il est la figure de proue.