Ahmed
Ouyahia, SG du RND et directeur de cabinet du
Président Bouteflika, a jeté un véritable brûlot, samedi, avec des déclarations
contre les Subsahariens, installés en Algérie et qualifiées de «racistes» et
«xénophobes» par des ONG de défense des droits de l'Homme. Dans une déclaration
«sur le vif» à ?Ennahar TV', au siège du parti, Ouyahia a, sans doute, franchi une étape de plus et
décisive dans son bras de fer avec le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, sur le chaud dossier de la prise en charge des
milliers de migrants et réfugiés susbahariens.
«Premièrement, ces gens-là sont venus en Algérie de manière illégale», a-t-il
dit, avant d'enchaîner, «secundo, la loi algérienne ne permet pas l'emploi de
la main- d'oeuvre étrangère.» Il s'explique:
«aujourd'hui, nous avons des travailleurs chinois qui exercent dans le cadre
des contrats conclus par l'Algérie avec des entreprises chinoises. Mais, ils
(travailleurs chinois) ont des contrats de travail renouvelables» Pire, le SG
du RND, affirme que «cette communauté étrangère, qui réside en Algérie de
manière illégale, est source de crimes, de trafics de drogue et plusieurs
autres fléaux.» Allant, tout à fait, à contre sens de la démarche du
gouvernement, qui a annoncé des mesures de prise en charge, dont une carte de
séjour, des migrants et réfugiés subsahariens, Ouyahia
ajoute: «nous ne disons pas aux autorités, jetez ces migrants à la mer ou
au-delà des déserts. Mais le séjour en Algérie doit obéir à des règles». Il est
clair que le discours pour le moins étonnant du SG du RND est encore soutenu
par cette affirmation qu' «on ne laissera pas le peuple algérien souffrir de
l'anarchie.» Et puis il ajoute: «quand on me parle de
droits de l'Homme, je dis, premièrement, que nous sommes souverains chez nous.»
«Regardez, a-t-il dit, il y a une grande nation dans le monde qui construit un
mur pour que les étrangers ne viennent pas», en référence au durcissement de la
politique migratoire du président américain Donald Trump.
Et pour dénoncer, également, la politique migratoire européenne, il a précisé: «regardez les Européens, ils veulent faire de
l'Algérie et des pays nord-africains des camps de réfugiés pour empêcher les
migrants d'aller en Europe.»
Dimanche,
une vive réaction a été enregistrée au sein des ONG humanitaires algériennes,
dont la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADHH), qui a
dénoncé une «campagne raciste» et «xénophobe» suscitée par les déclarations de Ahmed Ouyahia sur les migrants
subsahariens. Le président de la LADDH, Me Nourredine
Benissad, qui a appelé à «démystifier» le phénomène
des migrants, a affirmé que «le migrant n'est ni un délinquant, ni un criminel
ou porteur de maladies.» Dans un communiqué, le président de la LADDH estime
que «ces gens ont fui des guerres, des atrocités pour des raisons politiques,
conflits armés. Donc, il est de notre devoir de se solidariser avec eux, de les
accueillir.» Pour autant, il reconnaît que «parmi ces migrants on peut trouver
des délinquants, des criminels», mais «ils devront faire objet d'une procédure
régulière comme on le fait avec les criminels et les délinquants algériens.»
Sans citer nommément le RND, Me Benissad accuse: «certains partis , en Algérie, ont repris à la
lettre les discours politiques de quelques partis européens qui disaient que
les migrants constituaient un danger pour leur pays.» «Ces partis disent que
l'Algérie est envahie par des migrants porteurs de maladies. Ce qui est
totalement faux». Le président de la LADDH, qui récuse le fait que l'Algérie
soit assimilée aux « sous-traitants des pays européens», a appelé les
«autorités algériennes à mettre en place un statut juridique pour les réfugiés
et demandeurs d'asile.» Dans son intervention, fin juin, devant les députés et
en réponses à leurs inquiétudes, sur la prise en charge des milliers de
migrants et réfugiés subsahariens, le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune avait notamment, expliqué que «la présence de nos
frères africains dans notre pays, sera réglementée et le ministère de
l'Intérieur procède, actuellement, à travers les services de police et de la
gendarmerie, au recensement de tous les déplacés.» Il a ajouté qu'une carte de
séjour sera octroyée à «chaque réfugié dont la présence en Algérie est
acceptable, ce qui lui permettra de travailler». Quant à ceux qui ne seront pas
considérés comme réfugiés, le gouvernement prévoit de les reconduire vers leurs
pays d'origine, dans des conditions acceptables», comme cela avait été organisé,
en novembre dernier, pour des migrants nigériens et maliens. En fait, le
Premier ministre réagissait officiellement, à une campagne de dénigrement et
d'attaque, à travers les réseaux sociaux, contre la présence de Subsahariens en
Algérie. «Il ne faut pas noircir l'image de l'Algérie», a-t-il dit, accusant
certains milieux qui tentent de coller à l'Algérie l'étiquette de «pays
raciste». «Nous ne sommes pas racistes, mais africains, maghrébins et
méditerranéens», a rappelé le Premier ministre.