|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
L'université
algérienne va mal. Les enseignants universitaires avaient à plusieurs reprises
dénoncé la violence et la corruption qui gangrène l'université, et ce depuis
deux ans. Mais, là où le bât blesse, c'est que rien n'a été fait pour combattre
ces fléaux qui fragilisent davantage l'avenir de l'université algérienne. Pis,
selon le CNES, la tutelle banalise à chaque fois les actes de violence et
s'attaque à ceux qui dénoncent les actes de corruption au lieu d'enquêter et de
traduire les auteurs en justice. C'est d'ailleurs ce qu'a dénoncé énergiquement
le coordinateur du CNES, Abdelmalek Azzi, lors d'une conférence de presse tenue
jeudi à Alger.
La rentrée universitaire pourrait être chaude en cas d'absence de réaction effective des pouvoirs publics, menace le syndicat qui n'écarte aucune action de protestation «pour sauver l'université algérienne d'un effondrement certain». Ce qui a irrité le plus le syndicat ce sont les déclarations du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, qui s'est dit étonné de voir des enseignants protester contre l'assassinat de leur collègue Karaoui Serhane par deux de étudiants. Il avait souligné que «l'incident a eu lieu en dehors de l'enceinte universitaire» Pour le syndicat, «il ne s'agit pas d'un fait divers, jusqu'à l'aboutissement de l'enquête», et dans ce cas le premier responsable du secteur devait en principe réagir avant même les enseignants quand on sait que le professeur a été sauvagement assassiné par deux étudiants. « Peu importe les raisons», affirme-t-on. C'est la raison pour laquelle le CNES a voulu interpeller directement le président de la République et le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, afin de sauver l'université algérienne «d'un effondrement certain». Mieux vaut tard que jamais. Le ministre de l'Enseignement supérieur a justement appelé, jeudi à partir de Tipasa, toute la famille universitaire à se soutenir afin de faire face à la violence en milieu universitaire. Contrairement à l'avis du Cnes, le ministre a affirmé devant les cadres du centre universitaire Morsli Abdellah de Tipasa que «la violence à l'université n'a pas atteint le degré de virulence colporté un peu partout». « L'université est un espace réactif à son environnement (société) qui est le théâtre d'une prolifération terrifiante du phénomène de la violence, dans les rues et les stades notamment». Il a réitéré son appel pour que la famille universitaire fasse face à toutes les formes de violence (verbale et physique) au sein de l'université, eu égard au fait que cette dernière doit être considérée comme une pépinière de l'élite et un modèle pour la société. Les instructions de Hadjar Il a toutefois souligné l'impératif de faire prévaloir le dialogue et le débat scientifique et intellectuel sur la violence. Le ministre a mis l'accent sur le rôle des médias dans le façonnage de l'opinion, particulièrement quand il s'agit de questions d'opinion publique préoccupantes, citant le meurtre du professeur universitaire. encore une fois, il réitère le fait que le meurtre n'a aucune relation avec l'université, non sans exprimer son regret à l'égard de cet assassinat ignoble dont a été victime le professeur Bachir Karaoui Sarhane, dimanche dernier. Le ministre de l'Enseignement supérieur a annoncé l'introduction programmée du phénomène de la violence dans les prochains travaux du Conseil d'éthique et de déontologie de l'enseignement supérieur, qui sera consacré à différents points liés au secteur. Il a également instruit les recteurs des universités en vue d'user de toutes leurs prérogatives dans l'application de la loi et la consécration des conseils disciplinaires à l'encontre de tous ceux qui usent de la violence au sein de l'université, en plus de poursuites judiciaires. La violence gangrène l'université depuis deux ans Le CNES rappelle que l'université a connu ses deux dernières années, particulièrement ces derniers mois, une recrudescence de la violence. «Des enseignants sont agressés par des pseudo-étudiants et des étudiants qui sont agressés par d'autres étudiants». Il dénonce que «beaucoup de syndicalistes ont été agressés au niveau national dont des syndicalistes du CNES». Le coordinateur du CNES, Abdelmalek Azzi, a cité le cas de l'enseignant membre du bureau national du CNES qui a été agressé à l'université de Batna il y a quelques mois, et les syndicalistes de l'université 3 d'Alger qui ont été agressés par des «pseudo-étudiants et des agents de sécurité» lors de l'installation d'une section syndicale. Le conférencier accuse que «ce blocage prémédité n'est en fait qu'un acte pour empêcher les enseignants de contrôler la corruption qui gangrène l'université algérienne». Le conférencier a dénoncé en outre l'agression des enseignants à cause des résultats d'examens. Les auteurs, selon le syndicaliste, «sont souvent un petit groupe d'étudiants qui sont dans des pseudo-organisations estudiantines ; ce sont des étudiants médiocres, violents et souvent agissent impunément au vu et au su de l'administration... Parfois même, ils sont utilisés par certaines administrations?. Malheureusement se sont généralement les enseignants sérieux qui s'opposent à la tricherie qui subissent ces violences». Il cite l'exemple d'un enseignant syndicaliste d'El-Tarf qui a subi d'énormes pressions parce qu'il avait refusé de donner de bonnes notes aux fils de notables de la région. Pour cela, selon la version du CNES, il a été traduit en conseil de discipline pour être dégradé et a été poursuivi en justice pour diffamation. «Mais heureusement, il a été rétabli dans ses droits». Le CNES conclut que l'une des raisons qui ont amené l'université à cette situation est la mauvaise gestion. La situation est due également aux «désignations basées sur le clientélisme» de «certains recteurs d'universités», «loin de toute compétence». « Non seulement, ils désignent des non-compétents, mais parfois des voyous». L'affaire des enseignants envoyés en Arabie saoudite Le coordinateur du CNES est revenu lors de son intervention devant la presse sur l'affaire, ou plutôt le cas des enseignants de l'École normale supérieure (ENS) de Kouba, depuis quelques années qui ont été «envoyés» en Arabie saoudite, a priori par le biais de l'administration en continuant parallèlement à percevoir leur salaire en Algérie. Ces derniers, selon le CNES, sont «automatiquement» réintégrés dès leur retour quand ils ne sont pas carrément «promus». Ce sont en fait des professeurs de rang magistral des disciplines mathématiques et physique dont la réputation dépasse les frontières, connus dans le milieu universitaire pour avoir publié plusieurs ouvrages mathématiques traduits dans plusieurs pays. Le conférencier a affirmé que son syndicat avait rendu publique cette affaire par le biais de la presse et il avait même adressé un rapport-requête à l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal et au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, mais sans suite. Il regrette que «jusqu'à aujourd'hui, il n'y a rien eu, ni démenti, ni intervention du ministre sur cette question, ni enquête, ni des éclaircissements !». A noter enfin que des enseignants ont observé jeudi devant le ministère de l'Enseignement supérieur à Alger un sit-in pour protester contre la violence dans les universités et l'assassinat de l'enseignant Karaoui Sarhane. Les protestataires ont revendiqué le renforcement de la sécurité dans les enceintes universitaires pour mettre un terme à la violence et ont appelé le ministre à prendre des mesures «dissuasives et urgentes» pour lutter contre la violence. |
|