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Diplomatie: France-Maghreb: jeux de miroir

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Pourquoi faut-il constamment se comparer, sous la bienveillance de la France, à nos voisins maghrébins pour se rassurer soi-même sur son présent et surtout son avenir?

«Comparaison n'est pas raison» dit un ancien proverbe. A moins de vouloir s'auto-sublimer par pur besoin narcissique si ce n'est par un certain atavisme démagogique qui nie la réalité politique du pays et hypothèque sa capacité à relever les défis économiques qu'impose le monde d'aujourd'hui en proie à un véritable big-bang géostratégique. Du coup, continuer à compter sur les us et coutumes classiques de la diplomatie et de la coopération pour « sauver sa peau et sa place » dans le concert des nations ne suffit plus. Un nouveau monde est en train de naître. Et c'est dans ce contexte de complexité et de nouveaux défis du « nouveau monde » que notre pays, l'Algérie, s'auto-satisfait en se comparant à ses voisins immédiats, pour se rassurer sur sa santé politique et économique; « bombe le torse » lorsqu'elle a les faveurs d'une visite d'un chef d'Etat d'une puissance étrangère; « fait le paon » lorsqu'elle est sollicitée ou consulter dans des médiations, dans des conflits internationaux. La semaine dernière a été révélatrice de ce narcissisme national: le président français a réservé sa première visite hors d'Europe ( il a été en Allemagne, pour sa première sortie à l'étranger, à notre cher voisin marocain... Quelle déception chez nos analystes politiques et patriotes patentés! Ces mêmes patriotes patentés qui reprochent mille et une intentions machiavéliques à cette France, manifestent leur tristesse qu'elle ait choisi de visiter notre voisin marocain. Bizarre et ridicule tout de même. Qu'est ce que ça changerait dans le destin de notre pays que le président Emmanuel Macron aille au Maroc, en Tunisie, en Libye, au Mali, Niger et dans tous les pays qui nous sont frontaliers avant de nous rendre visite, ou pas d'ailleurs? Quelle misère politique à la lecture des nombreux articles de presse qui mettaient en relief le caractère personnel de cette visite au roi du Maroc, comme pour se consoler d'un affront imaginaire attribué au président français d'avoir préféré le Maroc à l'Algérie, pour sa première sortie hors d'Europe. Autre consolation diplomatique: la visite au même moment du ministre français des Affaires étrangères et qui s'empressait d'annoncer la prochaine et imminente visite du président Macron, à Alger. Une visite d'Etat et non une visite personnelle de courtoisie comme au Maroc. Nous voilà consolés et rassurés dans notre fierté nationale. Mais peut-on concevoir que M. Emmanuel Macron est libre de hiérarchiser ses amitiés, ses préférences et penser sa diplomatie en fonction des intérêts de son pays? Bien sûr, mais alors pourquoi se sentir touchés lorsqu'il va dîner avec son « ami » le roi du Maroc? L'efficacité d'une diplomatie ne se résume certainement pas, que par des « dîners de gala » ou des visites de courtoisie. Elle est surtout un exercice harassant, sueur, stratégie et calculs. La nôtre a pourtant été, cette même semaine active et honorable: réunion tripartite ( avec la Tunisie et l'Egypte, à Alger) sur la question libyenne; visite à Damas; réception du ministre de Doha (crise pays arabes du Golfe), etc. Toute cette effervescence diplomatique du pays a été minimisée pour ne pas dire effacée, dans l'opinion nationale par la visite du présidente français au Maroc. Terrible réalité qui cultive une surenchère politique qui s'apparente à une jalousie infantile entre nous et notre voisin immédiat, le Maroc, face à l'ancien colonisateur commun qu'est la France. N'est-il pas décevant de mesurer notre honorabilité, notre estime et notre place dans le concert des nations, à la seule appréciation diplomatique que la France nous attribue? A notre place dans échiquier diplomatique français? Et cela est valable, aussi pour nos voisins maghrébins, même si l'orgueil et la fierté algériens sont, semble-t-il, les plus intraitables jusqu'à l'exagération selon la légende. Le monde bouge, se transforme sous nos yeux; les alliances géostratégiques se redessinent; des pays émergent, d'autres s'écroulent, sous le nouvel ordre mondial.

Sortirons- nous ( et nos voisins) de la fascination française? Autrement dit, se libérer de la tutelle diplomatique française pour bâtir une diplomatie pro-active multilatérale qui prenne en compte la complexité du nouveau monde et des défis qu'il nous lance.