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C'est
l'effet Trump ! Inimaginable il y a quelques années,
l'Arabie saoudite vient de rompre ses relations diplomatiques avec Doha et
fermer ses frontières terrestres, aériennes et maritimes avec ce pays. A la
décision des autorités saoudiennes, ont suivi également Bahreïn, les Emirats
arabes unis, le Yémen et l'Egypte. La Libye leur a emboîté le pas hier lundi,
et tous ces pays accusent les autorités qataries de soutien au terrorisme.
Difficile de ne pas croire que la réunion du président américain Donald Trump le 24 mai dernier avec les pays arabes et islamiques
sur la lutte contre le terrorisme ne soit pas derrière cette décision.
Certes, Ryadh et Doha n'entretenaient pas d'excellentes relations politiques, mais aller à une telle extrémité n'était pas envisageable avant le ?'coup de pouce'' US. Pour autant, tous les spécialistes de la lutte antiterroriste savaient que Doha, si elle n'était pas un repère pour terroristes ailleurs recherchés, dont ceux de Daech ou d'Aqmi, les soutenait financièrement. L'accusation la plus franche est venue il y a quelques jours du maréchal Khalifa Haftar, à la tête de l'autoproclamée armée libyenne. Avant qu'il n'annonce la rupture des relations diplomatiques de la Libye avec le Qatar, le maréchal Haftar avait notamment accusé ce pays de financer les groupes terroristes, dont beaucoup originaires du Tchad, du Soudan et d'autres pays arabes et africains, qui ont pénétré en Libye du fait de la perte de contrôle de ses frontières. Est-ce que d'autres pays vont suivre le geste de Ryadh, qui a provoqué un effet boule de neige auprès de plusieurs capitales arabes, peut-être excédées autant des ?'facilités'' accordées par les dirigeants qataris aux groupes terroristes activant dans les pays arabes, dont la Syrie, que par la volonté d'un riche et peu peuplé petit Etat qui veut s'affranchir de la tutelle et de l'autorité de l'Arabie saoudite dans la région du Golfe ? Il était en fait inévitable que les choses en arrivent à cette extrémité après le passage de Trump. Ryadh, qui a supporté de longues années l'entrisme des Qataris dans les questions internes des pays arabes, le rapprochement entre Téhéran et Doha, son leadership auprès de leaders palestiniens, dont le Hamas, et les Frères musulmans, qui sont pourchassés en Egypte, a eu ainsi les coudées franches, sinon le feu vert des Américains pour faire le grand nettoyage dans la région du Golfe en matière de lutte contre le terrorisme. Et, surtout, que les Al Saoud ne doivent pas craindre la colère des Américains, dont les géants du gaz ont pignon sur rue au Qatar. Pour autant, l'isolement diplomatique du Qatar est une déclaration de guerre contre ce pays de la part de ses voisins. Excédés certes par le soutien notamment financier du Qatar aux groupes terroristes, les pays arabes auraient-ils pu faire l'économie d'une telle extrémité s'il n'y avait pas, au-delà de l'alibi du terrorisme, d'autres points de divergence ? Outre les antagonismes religieux entre chiites et sunnites qui déchirent la péninsule arabique, il y a surtout ce nouveau front que l'Arabie saoudite, l'Egypte et les Emirats arabes unis veulent créer pour, au nom de la lutte contre le terrorisme, isoler le Qatar et au-delà l'Iran, présenté d'ailleurs par le président américain comme l'adversaire absolu et la source du terrorisme. De là à ce que le Qatar soit sacrifié pour sa position médiane dans les conflits politiques et de leadership régionaux, dont celui entre Ryadh et Téhéran, il y a beaucoup qui ne le pensant pas. Doha a aussi beaucoup de choses à se reprocher. |
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