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C'est
visiblement très irritée qu'Alger a annoncé hier lundi la tenue d'une réunion
régionale la semaine prochaine sur la Libye, avec comme acteurs les ministres
des Affaires étrangères d'Egypte et de Tunisie, autour du chef de la diplomatie
algérienne.
Dans un communiqué très explicite, le ministère algérien des Affaires étrangères avait indiqué que les chefs de la diplomatie d'Egypte, d'Algérie et de Tunisie doivent se rencontrer les 5 et 6 juin prochains dans la capitale algérienne autour du dossier libyen. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Abdelaziz Benali Chérif a précisé que «dans le cadre de la poursuite de la concertation entre l'Algérie, l'Egypte et la Tunisie, les ministres des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, Samah Choukri et Khmaies Djihnaoui, se réuniront à Alger les 5 et 6 juin 2017 pour procéder à une évaluation de la situation en Libye à la lumière des récents développements sur le double plan politique et sécuritaire», a-t-il précisé dans une déclaration à l'APS. Lors de cette rencontre, les trois ministres «feront le point sur les efforts entrepris par les Libyens eux-mêmes, par les pays voisins de la Libye, les autres membres de la communauté internationale ainsi que ceux déployés dans le cadre de cette concertation tripartite visant à accompagner les parties libyennes sur la voie du règlement définitif de la crise qui affecte ce pays frère et voisin», a jouté le porte-parole du MAE. La tenue de cette réunion, la première du genre entre les trois pays voisins de la Libye, dans un temps aussi rapproché que les frappes aériennes de l'aviation égyptienne contre la ville de Derna, sonne comme une sorte de désapprobation de l'Algérie de cette attaque. D'autant que l'Egypte est soupçonnée d'avoir déjà planifié cette action, au moment où l'Algérie concentrait ses efforts sur la mise en place d'un dialogue de réconciliation nationale où toutes les tendances libyennes, y compris les islamistes qui rejettent le recours aux armes et à la violence, doivent être associées. En fait, c'est le bombardement de vendredi, décidé par le président égyptien Al Sissi après l'attentat contre des coptes, qui a amené l'Algérie à convoquer cette réunion, selon des sources proches du dossier. Vendredi dernier, l'aviation égyptienne a frappé un camp d'entraînement d'islamistes en réponse à une attaque contre un bus transportant des coptes, revendiquée par le groupe État islamique (EI) qui a fait au moins 29 morts. Dans une réaction à cet attentat, le président Egyptien a déclaré que «l'Égypte n'hésitera pas à frapper les camps d'entraînement terroristes partout, sur son sol comme à l'étranger.» L'aviation égyptienne a mené vendredi six frappes contre des «camps d'entraînement terroristes» en Libye en représailles à l'attaque contre la minorité chrétienne copte, a annoncé la télévision égyptienne, selon laquelle des camps d'entraînement jihadistes ont été frappés dans la ville de Derna, dans l'est de la Libye. Mais, à Alger, cela a plutôt irrité, car il est connu que le président égyptien joue plutôt la carte du gouvernement de Tobrouk, allié au maréchal Haftar, à la tête de l'armée libyenne, et farouche opposant à Fayez Al Sarraj, à la tête du gouvernement d'union nationale basé à Tripoli. Tout de suite après l'annonce des bombardements égyptiens sur Derna, l'Algérie a appelé le président égyptien à stopper les bombardements en Libye. «Les attaques sur la Libye ne régleront pas les problèmes sécuritaires que connaît l'Égypte», indique la présidence algérienne, au nom du président Bouteflika, dans une lettre transmise au chef de l'Etat égyptien, et lui a demandé d'arrêter de frapper la Libye. Selon Middle East Eye, «dans la même journée, à une heure tardive, le Gouvernement d'union nationale, via son Premier ministre Fayez al-Sarraj, a téléphoné à Ahmed Ouyahia pour demander à Alger d'intervenir». Citant une source sécuritaire algérienne, «MEE», indique que Le Caire allait de toute façon frapper la Libye, et que l'attentat contre les Coptes n'était que le prétexte qu'Al Sissi attendait. «Nous pensons que même s'il n'y avait pas eu cette attaque contre les coptes, l'Égypte se préparait à frapper. L'attentat de vendredi n'était qu'un prétexte», indique la même source, qui a évoqué la récente visite en mai du chef d'état-major des forces égyptiennes, Mahmoud Hijazi, dans l'Est libyen où il s'est entretenu avec Khalifa Haftar. Outre une «guerre en préparation» en Libye que l'Algérie voudrait éviter, il y a également la brusque détérioration de la situation interne, avec la reprise de combats entre milices armées. Vendredi dernier, des affrontements avaient éclaté entre les forces loyales du GNA et des milices rivales à Tripoli. Selon Hachem Bichr, un responsable de la sécurité, les combats auraient fait 52 morts dans les rangs pro-GNA. Deux semaines plutôt, des milices du GNA avaient attaqué des casernes de troupes du maréchal Haftar, compliquant davantage la donne en Libye, où le pays se dirige doucement vers un chaos militaire catastrophique pour la sécurité d'abord des Libyens, ensuite pour les pays voisins, dont l'Algérie. Or, depuis plusieurs semaines, Alger déploie des efforts intenses pour faire prévaloir sa stratégie de sortie de crise libyenne, dont la mise en place d'un dialogue entre toutes les parties libyennes, qu'elles soient des tribus ou des milices, qui rejettent la violence et le terrorisme. Un dialogue qui ouvrirait la voie à une réconciliation nationale, et la fin du dualisme entre les gouvernements de Tobrouk et de Tripoli. M. Abdelkader Messahel, ministre des Affaires étrangères, avait fait il y a deux semaines, un long périple en Libye où il a rencontré les principales forces politiques et militaires du pays. L'Algérie, pays voisin de la Libye où elle a déployé aux frontières sud-est un important dispositif militaire et de sécurité, ne voudrait visiblement pas que ses efforts, menés de concert avec l'ONU, soient anéantis. C'est en gros dans ce contexte que se tiendra la réunion d'Alger, programmée les 5 et 6 juin prochain, qui était cependant à l'agenda de la diplomatie algérienne, mais pas avec cette urgence. Ni cette intensité. |
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