A l'approche du mois de Ramadhan, ils arrivent de
toutes les régions du pays. Des familles pour qui la fameuse soupe du mois
sacré, de même que les plats préparés, ne peuvent se passer d'épices provenant
de Lalla Maghnia.
La ruée sur les épices a déjà commencé voilà 2
semaines durant lesquelles des dizaines de bus et des centaines de véhicules
bondés viennent quotidiennement gonfler le parc déjà saturé et prendre d'assaut
le marché local. Tôt le matin, des masses compactes s'agglutinent devant les
portes de certains artisans épiciers qui se sont fait une réputation qui a
dépassé les frontières de la wilaya par la qualité de leurs épices, notamment
ceux de la rue Tindouf. Le marché couvert où les étals sont achalandés d'épices
et dont les propriétaires ont acquis l'art d'en construire d'imposants cônes
les transformant ainsi en un tableau artistique à fort attrait, est pris
également d'assaut dès son ouverture. «Voilà plus de 10 ans, à l'approche du
mois de ramadhan, nous venons régulièrement à Maghnia,
en famille, faire le plein d'épices pour nous et pour les proches», confie ce
père de famille d'Alger. A la question de savoir les raisons de cet engouement
pour les épices de Maghnia, lesquelles,
soulignons-le, mis à part quelques ingrédients introduits à faible quantité à
partir du Maroc, proviennent de l'importation à partir d'horizons divers, notre
interlocuteur déclare que le savoir-faire acquis par les artisans épiciers maghnaouis des voisins marocains qui excellent dans la
préparation des épices, est le secret de la bonne qualité de ces épices
locales. Il ajoute que celles-ci se singularisent par leur texture et leurs
forts arômes et senteurs qu'elles dégagent, tant recherchés par les ménagères.
En effet, le brassage en cette région frontalière d'une forte communauté
marocaine et également le retour au lendemain de l'indépendance de la
communauté algérienne refugiée au Maroc ont permis l'héritage d'un savoir-faire
marocain en la matière. «Chacun a sa méthode de préparation des épices. Il y a
ceux qui procèdent à la mouture des graines en l'état avec leurs lots de
poussières et d'impuretés, ceux qui les lavent, les sèchent avant de les moudre
et enfin ceux qui font dans la revente directement des produits importés de divers
horizons, moulus. Ces derniers, avec la fermeture de la frontière, sont devenus
malheureusement les plus nombreux», dira le plus ancien de la place des
marchands d'épices, lequel ajoute qu'ils se comptent sur les doigts d'une main
ceux qui proposent un produit de qualité, propre, odorant et possédant les
saveurs et les senteurs qui les caractérisent de celles produites à l'intérieur
du pays. Derrière ce produit, un savoir-faire qui nécessite plus de temps,
d'effort et des dépenses supplémentaires. Ceci évidemment se paie par une
différence de prix par rapport aux épices de préparation dite ordinaire. A
titre indicatif, le poivre noir de qualité est proposé à 1 800 DA/kg contre 1
200 DA «l'ordinaire». Plusieurs nouveaux mélanges d'épices qui semblent prisés
eux aussi s'imposent actuellement sur les étals comme ceux spéciaux pour
l'assaisonnement des Hrira, poisson, pizza, sauce,
sardine, couscous, voire spécial café? Malgré la conjoncture économique
actuelle, les prix se maintiennent relativement. Mis à part les prix très
élevés de quelques épices rares tel celui du safran qui provient principalement
du Maroc et dont le prix au kg tourne autour de 60 millions (0.75 gramme pour
450 DA), les prix des épices demeurent relativement abordables. Ils tournent entre
600 DA et 1 200 DA le kg. Si l'appellation «Ras el Hanout»
pour épices est la plus commune au niveau national, il y en a d'autres comme «kraiss et âtria» chez les
frontaliers extrêmes ou encore «lebzar» à l'intérieur
du pays. Ainsi les épices, dont l'appellation «Tfaouah»
est le propre de cette ville, grâce à un savoir-faire populaire, elle en a fait
un patrimoine.