La
ministre en charge de l'Education nationale a affirmé, il y a quelques jours,
que cette année, tout comme elle l'a affirmé une année auparavant, qu'il y aura
?'zéro'' fraude au baccalauréat. Tout a été prévu, a-t-elle assuré, des
brouilleurs et des équipements de vidéosurveillance seront installés dans les
centres d'impression des sujets du baccalauréat et les centres de conservation
des sujets. Un dispositif de surveillance mis en place par une commission mixte
va verrouiller toute tentative de fraude ou de fuite des sujets des examens.
Bref, à en croire Mme Benghebrit, le bac 2017 sera
entièrement sécurisé, et il y a eu tellement d'efforts pour prévenir toute
malheureuse tentative de fraude, aux TIC ou simplement par communication
visuelle, que le dispositif mis en place est digne du système de sécurisation
des coffres de la Réserve fédérale américaine. Pour la ministre de l'Education
nationale, le leitmotiv est unique et simple: ?'no pasaran'' pour les fraudeurs et les ?'tricheurs 2.0''. Sauf
que l'année dernière, elle avait également promis un bac sans triche, avec le
résultat que l'on sait. Annulation d'épreuves et seconde session avaient marqué
l'édition 2016 de l'examen le plus prestigieux de la vie d'un écolier. Il
semblerait, malheureusement, que cette ?'énième'' ministre de l'Education
nationale, qui passe et qui va laisser derrière elle, comme beaucoup de ses
prédécesseurs, de profondes fissures socio-pédagogiques, n'a pas compris ce
dont elle a été chargée: assurer une formation saine et la plus complète
possible aux centaines de milliers d'écoliers qui ont été confiés par leurs
parents au système scolaire national. Dire que cette année il n'y aura pas de
fraude, c'est, d'une part, reconnaître que la formation des élèves n'est pas
parfaite, ensuite, que l'école algérienne forme des fraudeurs, des tricheurs,
et cela est grave. C'est comme si, quelque part, on met en place, dans le
système éducatif national, un dispositif semblable à celui déployé dans les
systèmes carcéraux où tous les pensionnaires sont des ?'bandits'' ou des ?'criminels''
en puissance. Dans le fond, quand une ministre dépense sans compter l'argent
des écoliers pour mettre en place un dispositif draconien antifraude et
policier, et dire en même temps que le phénomène est marginal, il y a quelque
chose qui ne va pas. Qui ne tourne pas rond lorsque le gouvernement lui-même y
consacre des séances à un phénomène, qui accompagne depuis quelques années la
lente désintégration du système éducatif algérien. A une certaine époque, un
ministre de l'Education nationale s'inquiétait de ce que les sujets d'examen
étaient trop faciles, ou trop difficiles, des conditions pédagogiques offertes
aux candidats au bac, ou s'extasiait devant l'excellence du niveau
d'instruction des futurs bacheliers, de la réussite des examens de 6e et du
BEM, avec des moyennes nationales honorables. Pire, dans certains cas, devant
le peu de places pédagogiques aux universités algériennes et la hausse des
reçus au bac, des débats cornéliens avaient lieu au sein du gouvernement pour
?'caser'' les futurs bacheliers. Beaucoup de ces ?'bacheliers'' partaient
directement à l'étranger poursuivre leurs cursus dans de grandes écoles, après
avoir été directement orientés vers des filières techniques ou scientifiques.
C'était dans les années 1970, et bien après, jusqu'en 1980, à un moment où
l'école formait de futurs cadres, à défaut des hommes ?'instruits'' qui
allaient être mis dans le bain de la vie active très jeunes. Pas des
?'analphabètes'', des demi-écoliers qui font des cours de rattrapage ruineux
pour leurs parents à longueur d'année pour telle ou telle matière parce que le
système éducatif en place ne leur donne pas les moyens pédagogiques de
comprendre en classe leurs leçons. Au point que cela est devenu un système
éducatif parallèle, et qui n'a à aucun moment suscité une réaction de
l'actuelle ministre, ni des ministres qui passent. Triste est l'école
d'aujourd'hui. A moins de faire comme les autres, supprimer le bac. Les Anglais
ou les Américains ne s'en portent pas plus mal, au contraire.