C'est
une véritable hémorragie dans le secteur de la santé en Algérie, qui perd
chaque année au moins 50% des étudiants ayant achevé leurs études. Ce phénomène
du départ massif des médecins algériens vers d'autres pays, dont la France, le
Canada et maintenant les pays arabes du Golfe, est devenu inquiétant. Selon le
Dr Bekkat Berkani Mohamed,
président du Conseil national de l'ordre des médecins, ces départs de jeunes
médecins s'expliquent par ?'une espèce de désespérance des médecins algériens
dans le système de santé national, d'abord par rapport à la formation, ensuite
par rapport à la médecine en général''. En France, il y aurait, selon le
tableau de l'ordre des médecins à fin 2016, près de 5.401 médecins algériens en
exercice, soit 25% du total des médecins étrangers, qui est d'environ 20.000
praticiens.
Le
Dr Bekkat Berkani est
revenu, hier mardi, à la radio nationale sur certaines causes de ces départs
massifs de jeunes médecins algériens, dont le système de formation lui même à travers un enseignement des spécialités assez
anciennes. Cela fait que ce système de santé, selon le Dr Berkani,
forme ?'des cardiologues généralistes.'' ?'Il y a également le devenir de nos
collègues dans le système de santé publique ou parmi l'élite
hospitalo-universitaire, et la progression de carrière'', ajoute-t-il, avant de
relever qu'''il y a la position sociale du médecin, qui n'est pas
satisfaisante.'' Comme solution à ce problème, il préconise, sur le plan
pédagogique que l'on ?'forme moins de médecins et rendre plus rigoureux les
modes d'accès à la formation, et ainsi rendre meilleur l'enseignement'' de la
médecine. En outre, ?'les programmes doivent être revus et orientés vers des
spécialités nécessaires par rapport au développement de la population
algérienne, qui est plus âgée qu'avant, et avec de nouvelles pathologies comme
le cancer'', a-t-il suggéré, estimant qu'''il faudrait orienter les spécialités
vers cela.'' Annuellement, 50% des 800 médecins formés chaque année sortent du
pays, il s'agit donc, selon le président du Conseil de l'ordre des médecins, de
savoir ?'comment garder ces médecins en Algérie.'' Pour lui, il s'agit ?'d'un
véritable drame national, c'est une faille énorme sur le plan économique,
l'Algérie forme pour les autres pays.'' Selon le Dr Berkani,
?'il n'y a pas que le France, il y a les pays du Golfe'' qui accueillent les
jeunes praticiens algériens. En fait, estime-t-il, ?'il faudrait une réponse globale: quand on forme un médecin, il faudrait lui donner
l'assurance de travailler dans des conditions optimales.'' ?'La formation
postuniversitaire est au point mort. Or, le médecin a la charge de développer
ses connaissances, et ceux qui ont la charge de leur assurer cette formation,
ne sont pas à la hauteur de cette tâche'', affirme le Dr Berkani.
Pour lui, il faut donc ?'des décisions politiques à revoir, comme le
service-service, responsabiliser nos jeunes confrères en médecine générale et
chirurgie'', ?'et cela passe par un certain nombre de réformes.'' Plus grave,
il estime qu'''il y a une désespérance ambiante dans le système de santé
nationale. Il y a les conditions de travail des résidents, qui sont
déplorables, il y a des difficultés énormes pour les médecins'', et il faut
?'absolument que le système de santé soit revu. Il n'y a pas que la loi, mais
aussi l'état des esprits également.'' Le président du Conseil de l'ordre des
médecins estime par ailleurs que pour remédier à cette situation, il faut
donner aux jeunes médecins ?'des espoirs de progression dans leur carrière''.
?'Nous pouvons optimiser avec l'ensemble des médecins, ils sont les meilleurs
au monde'', estime-t-il, avant de souligner qu'il faut ?'leur donner de
meilleures conditions sociales et de progression'' pour les garder en Algérie.
L'une des tares du système de santé national est le service civil, qui a
?'montré ses limites''. Et puis ?'les hôpitaux algériens sont dans un état
désastreux, et c'est une triste réalité.'' Selon une étude effectuée par un
chercheur de l'université de Bab Ezzouar, la fuite
des cerveaux entre 2006 et 2016 a coûté à l'Algérie 40 milliards de dollars. En
2014, près de 13.500 médecins auraient quitté définitivement le pays.