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La dernière
rencontre des treize membres de l'OPEP au Koweït n'a eu que très peu
d'influence sur le prix du baril. Il avait gagné en fait à peine un dollar. Par
contre la frappe américaine en syrie l'a fait bondir
à prés de 56 dollars à l'heure où nous écrivons.
Tout porte à croire que les membres de l'OPEP continuent à rêver du temps où leurs réunions et leurs accords faisaient retenir leur souffle aux grands raffineurs, aux automobilistes, argentiers et industriels occidentaux. On se rappelle effectivement les années 70 et début 80, le moindre froncement de sourcils de son secrétaire général pouvait déclencher la foudre des marchés pétroliers. Aujourd'hui, les réunions de Vienne ? où siège ce club rassemblant les treize pays, de la très conservatrice Arabie saoudite au très révolutionnaire Venezuela en passant par la République islamique d'Iran ? ont perdu de leur fièvre d'antan. Pourquoi ? De nombreux analystes pensent que les ministres qui la composent n'ont pas de charisme comme l'étaient dans le temps Zaki Yamani, Belaid Abdeslalem etc. Cet effacement n'est certainement pas dû comme l'analysent certains experts à la seule poussée des producteurs hors OPEP ? comme les Etats-Unis et la Russie, le Mexique qui occupent aujourd'hui les premières places mondiales dans l'offre d'hydrocarbures. Car avec 40 % de part de marché (contre 55 % en 1973), l'OPEP devrait conserver son mot à dire. C'est en son sein qu'il faut trouver les raisons du renoncement à ce qui fut l'arme du pétrole. Tout d'abord depuis la révolution iranienne de 1979, une cassure profonde sépare les deux rives du golfe Arabo - Persique, et ses effets se font sentir jusque dans les couloirs feutrés du siège viennois de l'OPEP. Le basculement de l'Irak dans l'orbite de Téhéran après la chute de Saddam Hussein en 2003 l'a accentuée, au grand dam des membres du Conseil de coopération du Golfe (hors Oman). Mais c'est au cœur de la péninsule Arabique ? à Riyad plus précisément ? que se trouve la clef de cette évolution. Le cartel de naguère a disparu parce que l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial avec près de 10 millions de barils par jour, a choisi d'endosser les habits austères mais rassurants du régulateur et du producteur d'appoint (swing producer). Et non de faire du pétrole une arme. Aujourd'hui, le royaume est seul capable de soutenir l'offre lorsque le pétrole iranien est mis au ban ou que les frictions postrévolutionnaires libyennes paralysent la production. Le constat cette fois ci est terrible. Le redressement des prix annoncé en grandes pompes lors de la confirmation de l'accord d'Alger il y a quelques mois semble refroidir l'ardeur des pays dont l'économie reste fortement dépendante des recettes des hydrocarbures. L'Algérie a bouclé l'année 2016 avec le plus gros déficit post indépendance soit 17,84 milliards de dollars contre prés de 13,71 milliards de dollars en 2015. Ce qui n'est pas rien non plus. Pourquoi en est ?on arrivé là ? Quelle est la tendance du prix du baril aujourd'hui ? Quelle est l'incidence des prix du baril attendue pour 2017 ? Comment se redistribue la nouvelle carte géopolitique pétrolière ? Le comportement de l'Arabie Saoudite a affaibli la cohésion de l'OPEP Les tendances actuelles du marché de l'énergie ne sont pas bonnes pour l'Arabie Saoudite. Pour commencer, l'Agence internationale de l'Energie a publié récemment des projections qui indiquent que les Etats-Unis pourraient bien rafler au géant pétrolier du Golfe la première place de producteur de la première énergie mondiale à l'horizon 2020. Mi-mai 2016, cette même agence a révélé que l'Amérique du Nord, grâce au développement rapide de son industrie pétrolière de nouvelle génération, devrait dominer la production globale de pétrole dans les cinq années qui viennent. Ces développements imprévus ne représentent pas seulement un coup porté au prestige de l'Arabie saoudite, mais également une menace potentielle à l'encontre de la prospérité économique du pays sur le long terme et tout particulièrement dans le contexte actuel post-printemps arabe, qui voit une augmentation des dépenses gouvernementales. Mais si l'avenir du royaume apparaît décidément sombre, sa réponse apparaît des plus confuses. Il faut ajouter à cela la pression du Congrès américain sur la Maison Blanche pour créer une équipe rattachée au ministère de la justice dont les objectifs sont d'enquêter sur les mécanismes des prix et sur éventuellement, les manipulations des cours du pétrole même aux Etats ?Unis. Ce projet qui risque d'être validé avec l'arrivée de Trump, prévoit non seulement de se passer de l'Arabie Saoudite mais aussi la possibilité de poursuivre en justice les pays membres de l´OPEP au nom des lois antitrust. Que l'Arabie Saoudite le veuille ou non et elle ne le veut certainement pas, le marché global de l'énergie va s'ouvrir de plus en plus à la concurrence. Dans un marché concurrentiel, le pétrole doit être fourni par tous les producteurs en tenant compte à la fois de leurs réserves géologiques et de leurs marges. Il y a quelque chose de profondément malsain de voir les Etats-Unis, qui disposent d'environ 2% des réserves conventionnelles de pétrole produire plus de barils par jour que l'Arabie Saoudite. Une telle perspective géopolitique ne laisse aucune marge de manœuvre pour les pays comme l'Algérie, le Nigeria le Venezuela qui n'ont fait aucun effort pour sortir de cercle infernal de leur dépendance du pétrole. L'Arabie Saoudite quant à elle, en plus de son tourisme religieux, prépare un programme ambitieux pour l'après pétrole. L'avenir de l'OPEP se limitera à un rôle purement défensif Le prix du baril de Brent, qualité qui se rapproche du Sahara Blend algérien se maintient difficilement au dessus des 50 dollars L'augmentation de la production américaine de pétrole, une baisse saisonnière de la demande et l'entretien des raffineries n'ont pas permis de remédier à la baisse des prix causée par le surplus mondial depuis 2014. Une hausse trop rapide des cours ferait cependant courir à l'OPEP le risque de stimuler la production américaine du pétrole de schiste. Le comité ministériel, réuni au Koweït dimanche 26 mars, a demandé au secrétariat de l'OPEP de passer en revue le marché du pétrole et de faire des recommandations en avril sur l'extension de l'accord. Il est possible que les marchés soient déçus et aient attendu de la part du comité qu'il effectue une recommandation immédiate d'extension. Ce n'est selon toute vraisemblance pas le cas car cet accord se limite uniquement à faire barrage à un prix plancher de 50 dollars le baril. Pourquoi ? Parce que l'effort de réduction fait par chacun des membres n'a pas suffit d'éponger le surplus sur le marché. Ce dernier réalisent que si l'OPEP produit moins, les Etats-Unis augmentent leur production, ce qui fait que les prix vont baisser. Automatiquement, les membres vont se réunir pour examiner d'autres possibilités, les prix reprendront légèrement et ainsi de suite. De cette manière, les prix du baril resteront plombés dans une fourchette entre 50 et 55 dollars et le panier de l'OPEP dépassera difficilement le seuil des 50 dollars. Vers un nouveau modèle de détermination des prix du baril Cette oscillation des prix dans une fourchette ne dépassant pas les 60 dollars et ne descend pas moins des 50 semble agréer tous les acteurs à l'exception de ceux dont l'économie reste fortement dépendante des hydrocarbures comme l'Algérie. Cette règle dure dans le temps et impose un nouveau modèle qui distribue un rôle à chacun des acteurs. Les producteurs de gaz de schiste réguleront la partie haute c'est-à-dire le plafond des prix et les producteurs dont l'OPEP joueront le goal qui ne laissera pas passer le ballon au dessous des 50 dollars. A moins qu'il est un événement géopolitique qui chamboulera ce modèle ce qui est peu probable. Le cas de l'attaque américaine en Syrie est édifiant car les prix du Brent ont fait un saut de 4 dollars en une séance. Mais il faut pas s'en réjouir car il s'agit d'un simple avertissement. La problématique est que les premiers, les attaquants font des efforts de recherche immense pour adapter leur tactique : Aujourd'hui, on constate que les compagnies qui produisent le pétrole et le gaz de schiste ont développé des techniques qui leur permettent de produire d'une manière rentable pour un prix de 50 dollars. La défense quant à elle ne fait qu'accentuer sa dépendance des hydrocarbures et, partant mettre leur développement en péril. Ainsi l'OPEP passe la main aux Américains Tout le monde et ces experts qui défilent dans les médias lourds sont convaincus que les facteurs géopolitiques ont beaucoup plus d'influence que ceux économiques. La réalité des chiffres est édifiante : L'OPEP, qui produit environ un tiers du brut mondial, a pompé quelques 32,3 millions de barils par jour (mbj) au premier trimestre 2016, tandis que la production saoudienne a atteint à elle seule 10,13 mbj de janvier à avril (+3,5 % sur un an). Dans un cycle normal, lorsque le prix du baril augmente, les investissements en amont augmentent et traineront avec eux l'offre qui équilibrera le marché. La situation d'aujourd'hui est inquiétante parce qu'elle décourage les capitaux par sa chronicité. Selon l'Agence internationale de l'Énergie, les investissements dans l'exploration-production devraient chuter pour la deuxième année consécutive en 2016 : après un recul de 24 % l'an passé, ils devraient à nouveau diminuer de 17 % cette année, ce qui laisse plusieurs analystes penser que le marché pourrait même être confronté à un déficit d'offre dès les années à venir. C'est justement sur cette thèse que les membres de l'OPEP s'appuient pour soutenir que ce soit au sein de l'OPEP ou non, et les consommateurs sont convaincus qu'un prix juste est nécessaire pour tout le monde afin d'obtenir un retour sur investissement raisonnable et investir dans l'industrie. Ce qui est logique mais des considérations géopolitiques en veulent autrement. Les Etats Unis ont prévalu leur stratégie politique en supportant ses effets secondaire pour la simple raison que sa situation n'est guère rassurante. En partant de ces considérations, le rôle du swing producer n'est plus assuré par l'Arabie Saoudite mais les Etats Unis en fonction de sa stratégie géopolitique. *Consultant et Economiste Pétrolier |
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