L'allocution
de Donald trump annonçant son ordre de frapper une
base aérienne, en Syrie, a ce quelque-chose qui ressemble fortement aux
déclarations de guerre de ses prédécesseurs Obama, Bush ou encore Clinton. A se
demander si cette attaque aux ?Tomahawk' n'est pas le prélude à une
intervention militaire américaine contre le régime de Damas comme le demande
l'opposition syrienne, même si les responsables américains n'ont pas donné
d'indications sur la suite et d'éventuelles nouvelles frappes. Trois jours
après l'attaque chimique contre la localité de Khan Cheikhoun,
qui a fait au moins 86 morts, dont 27 enfants, un raid imputé à l'armée
syrienne, les bateaux de guerre américains USS Porter et USS Ross, ont reçu
l'ordre, jeudi matin, de lancer 59 missiles de croisière, depuis la
Méditerranée orientale, sur la base aérienne syrienne d'al-Chaayrate,
au sud de Homs. Les services de renseignement américains affirment avoir établi
que les avions responsable du raids au sarin avaient
décollé de cette base aérienne, connue comme un lieu de stockage d'armes
chimiques, avant 2013, selon le Pentagone. Une riposte «associée au programme
d'arme chimique» et «directement liée» aux évènements de mardi, a indiqué un
responsable de la Maison Blanche. Les frappes ont visé «de multiples cibles,
[...] avions, piste», ou pompes à carburant, a précisé un autre porte-parole de
la présidence américaine. L'armée syrienne, et dans une première réaction, a
affirmé que cette «agression flagrante» a fait «six morts, des blessés et
d'importants dégâts matériels». L'agence officielle ?Sana' a annoncé la mort de
neuf civils dont quatre enfants et sept blessés dans les villages environnants.
Quant à l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), proche de
l'opposition, il a indiqué que sept soldats avaient été tués et que l'aéroport
«a été presque, totalement, détruit» précisant que «les avions, le tarmac, le
dépôt de fuel et le bâtiment de la défense aérienne ont été pulvérisés». Neuf
avions ont été détruits, a avancé, pour sa part, la télévision russe, en
diffusant des images de hangars et d'une piste d'atterrissage, modérément
endommagés. Pour les nombreux spécialistes du conflit syrien, restés prudents,
à cause des incertitudes sur la stratégie de l'administration Trump, dans la région, l'attaque aux ?Tomahawks' ne devra
pas changer la donne sur le terrain des opérations militaires ni bouleverser
l'équilibre des forces dans le conflit. «Le régime garde l'avantage mais il n'a
pas les moyens humains pour avancer sur plusieurs fronts, à la fois», estime
Tim Eaton, du ?Think tank
Chatham House, à Londres. Reed Foster, de l'institut Jane's,
est moins nuancé puisqu'il pense que les frappes américaines peuvent constituer
une tête de pont pour une plus grande intervention combinée destinée à
«affaiblir les capacités militaires syriennes à un moment où la dynamique est
du côté des forces syriennes soutenues par la Russie». Comme attendu les
réactions dans le monde ont été plutôt favorables à l'action de Trump, alors que la Russie, l'Iran et le régime d'El Assad
l'ont condamnée. Moscou a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité
de l'ONU. Juste avant l'opération, les Russes avaient prévenu Washington de
l'impact «négatif» d'une action militaire contre Damas. Vladimir Poutine a
réagi, estimant qu'il s'agissait d'une «agression contre un Etat souverain»,
alors que le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, indiquait que «cette action de Washington cause un
préjudice considérable aux relations russo-américaines, qui sont déjà dans un
état lamentable». La télévision d'Etat syrienne a qualifié d' «agression» les
frappes américaines. Par ailleurs, Moscou a annoncé, hier, que les défenses
antiaériennes de l'armée syrienne seront «renforcées» à la suite des frappes
américaines de jeudi. Seuls 23 missiles américains ont atteint la base d'al-Chaayrate, a-t-on, par ailleurs, affirmé alors que le
Pentagone a annoncé que 59 missiles, avaient été tirés. Ces tirs ont été
préparés «bien avant les événements d'aujourd'hui», a encore dénoncé Moscou qui
a, également, confirmé la suspension de l'accord avec les Américains, sur la
prévention des incidents aériens en Syrie. Quant aux adversaires du régime d'El
Assad, ils ont réagi comme attendu. Paris et Berlin estiment que le président
syrien «porte l'entière responsabilité de ce développement» l'accusant de
recourir «aux armes chimiques et aux crimes de masse». La France appellera,
même à la poursuite de l'action militaire. Le secrétaire général de l'Otan,
Jens Stoltenberg, a abondé dans le même sens et, dans un communiqué, engagé
l'entière réaction du régime syrien dans ce qui vient de se passer. De son
côté, le président du Conseil européen, Donald Tusk,
a déclaré, sur Twitter, que «l'UE travaillera avec
les Etats-Unis pour mettre fin à la brutalité, en Syrie». Parmi les premiers
pays à réagir, Israël, informée par Washington des frappes, a déclaré «soutenir
totalement» l'initiative américaine, la qualifiant de «message fort».
L'opposition syrienne a demandé à ce que «les opérations continuent pour mettre
fin aux frappes du régime». L'Arabie Saoudite a salué la «décision courageuse»
de Trump alors qu'Ankara a affirmé que le
gouvernement de Bachar al Assad doit être puni sur la
scène internationale. La Grande-Bretagne soutient, elle aussi, l'initiative
américaine, estimant qu'elle est une «réponse appropriée à l'attaque barbare, à
l'arme chimique, lancée par le régime syrien».