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pratiquement 2014, l'année de l'annexion de la presqu'île de Crimée par la
Russie, Vladimir Poutine a concentré tous ses efforts diplomatiques et
militaires pour mettre au premier plan la grandeur de son pays. Ainsi a-t-il
opposé dans un discours aux sonorités lyriques, tenu au cours de la même année
dans la station balnéaire de Sotchi, l'homme occidental pragmatique à l'homme
russe prêt à se sacrifier pour une juste cause ! De nombreux experts se sont
interrogés plus tard si l'intervention russe en Syrie en automne 2015 ne
s'inscrivait pas dans la droite ligne de cette optique-là. Bien entendu, si
l'on suivait l'argumentation du patron de Moscou, la réponse ne saurait être
qu'affirmative. Or, la réalité en dit autre chose. D'autant que sa
démonstration de force à l'extérieur, conjuguée à une critique acerbe de l'Occident
n'est, paraît-il, que le reflet de sa volonté de «réactualiser» l'épopée de
l'Empire russe impérial, fondé sur l'expansionnisme, l'autocratie et
l'orthodoxie. Et puis, les Russes voyaient mal depuis longtemps déjà l'Europe
et l'Occident en général qu'ils considèrent comme hostiles à leurs intérêts
stratégiques, gouvernés par des règles formelles et froidement rationnelles.
Ils leur préfèrent «la vulgate orthodoxe», inspirée dans son aspect politique
des principes de la philosophie marxiste ou de Ivan Iline (1883-1954) dont Poutine, lui-même, a fait une de ses
meilleures références. Celui-ci sacralise le mythe du guide suprême, capable
d'échapper aux pièges de la démocratie formelle (droits de l'hommiste dans son essence), en privilégiant la thèse romantique
du chef en contact direct avec son peuple. Toujours est-il vrai que, loin de
fragiliser le président russe, cette suspicion-là entretenue vis-à-vis de
l'Occident, la mondialisation, le libéralisme, etc., lui a attiré, en revanche,
un soutien populaire constant et surtout la sympathie de beaucoup de partis
d'extrême droite, un peu partout en Europe. En avril 2016, par exemple, ceux-ci
l'ont sollicité pour intervenir, grâce à une pétition ayant recueilli plus de
300.000 signatures, dans le référendum organisé aux Pays-Bas sur le partenariat
économique entre l'Union européenne et l'Ukraine. De plus, Poutine qui garde à
l'esprit, comme la plupart des Russes d'ailleurs, les séquelles des deux
terribles chocs provoqués par le retrait des troupes soviétiques de
l'Afghanistan en 1989 (une défaite encore ressentie jusqu'à nos jours comme une
humiliation dans toute la Russie) et de la désintégration du bloc soviétique au
tout début des années 1990, s'élance davantage dans sa démarche concurrentielle
avec les puissances occidentales. Les réformes de la Glasnost et de la
Perestroïka menées au milieu des années 1980 sous la direction de Mikhaïl
Gorbatchev n'étant, à ses yeux, que synonyme d'un désordre qui a permis au
libéralisme d'affaiblir l'économie russe. Enfin, si certains analystes ont cru,
quelque temps après la fin de la guerre froide, que le monde était entré dans
une logique de collaboration, prélude à l'avènement du règne libéral américain
(la thèse controversée de la fin de l'histoire soutenue par Francis Fukuyama),
Poutine nous apporte aujourd'hui la preuve que le monde évolue plutôt vers un
monde polycentrique.
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