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Livres
La
justice au Palais. Dossiers noirs d'une justice sous influence. Essai de Mokrane Ait-Larbi, Koukou
Editions, Alger 2016, 267 pages, 800 dinars.
Uniquement sur le plan humain et personnel, l'injustice a souvent suscité son indignation et parfois sa révolte... comme bien des citoyens. En tant qu'avocat, il a pu les exprimer dans des cas particulièrement pénibles de dérives judiciaires auxquels il a été confronté. Il est vrai que durant ses premiers pas de militant des droits de l'homme, en pleine période du pouvoir du parti unique, il a expérimenté la «chose» en tant qu' «accusé», après des arrestations parfois musclées et des condamnations assez dures. Il ne raconte pas sa vie, mais plutôt son métier... à travers les hauts et les bas rencontrés tout au long d'une déjà longue carrière. D'abord, au départ, ce qui a peut-être forgé son caractère, la participation à la création de la première Ligue des droits de l'homme. En temps de parti unique, le Fln en l'occurrence, et d'un régime plus qu'autoritaire, durant l'été 1984, c'était vraiment «tenter le diable dans son antre» .Cela finira, pour lui et pour bien d'autres, dont son frère Arezki, Mehenni Ferhat, Ouzegane Fettouma, Ali Yahia Abdenour, Said Sadi, Rebaine Ali-Fewzi... devant la Cour de sûreté de l'Etat (à Médéa, la prison de Berrouaghia étant si proche), en décembre 1985 avec une condamnation à 11 mois de prison ferme, certains ayant été condamnés jusqu'à 3 ans. Grâce (ou à cause) de cette formation sur le tas, venant compléter une formation académique sérieuse, l'auteur nous fait «voyager» à travers plusieurs «Affaires» (des sortes d'études de cas fort instructifs car riches en informations) qu'il a traitées ou étudiées, dont certaines sont fameuses et d'autres bien moins, mais pourtant importantes en matière d'application juste et équitable de la justice : L'affaire El Watan («des journalistes face à l'arbitraire»), Mellouk et les «Magistrats faussaires» («le combat solitaires d'un homme pour la vérité») , l'affaire Sider («une fonctionnaire-procureur»), l'affaire Cnan («Parodie de justice pour une tragédie»), l'affaire Bensaad («Présumé coupable»), l'affaire Arezki Ait Larbi («Une procédure clandestine»)... le Couscous de la sorcière («Deux femmes dans la tourmente»), le faux en écriture authentique («Une justice approximative»), procureurs ou victime («Nul n'est à l'abri de... la justice»)... l'affaire Khalifa («La justice de l'ombre fait de l'ombre à la justice»)... Il y a aussi des commentaires... sur le «Tribunal militaire», «la liberté d'expression», «les juridictions d'exception»... Ainsi que des Annexes : sur «les geôliers de Berrouaghia», sur «Lambèse, l'Alcatraz médiéval», «l'appel à l'opinion publique de Ali Bensaad», un texte de Benyoucef Mellouk... et des photos. L'Auteur : Fils de chahid, excellent trilingue (arabe, amazigh et français), avocat et militant de la démocratie, Ait-Larbi a été l'un des fondateurs de la première Ligue algérienne des droits de l'homme (juin 1985). Arrêté et incarcéré à Berouaghia (il y croisera les islamistes comme Ali Belhadj), il est condamné par la Cour de sûreté de l'Etat, avec 22 de ses camarades, à 11 mois de prison ferme pour «création d'association illégale». A sa libération, il sera assigné à résidence à Bordj Omar Driss (Illizi). Il a été membre fondateur du RCD qu'il a, par la suite, quitté. Membre un certain temps du Conseil de la nation, duquel il démissionnera. Un «droit de l'hommiste acharné» ! Extraits : «La justice attend une véritable réforme en profondeur qui nécessite une réelle volonté politique et non des slogans. Pour l'instant, les effets d'annonce ne peuvent occulter l'état de décomposition avancé d'un appareil judiciaire miné par le clientélisme et la corruption, et ses conséquences : l'impunité pour les délinquants du «1er collège» au mépris des droits du reste des justiciables. C'est-à-dire les citoyens » (Introduction, p 12), «Où se situent les responsabilités lorsque le Pouvoir se substitue à l'Etat, les groupes d'intérêts aux institutions, et la justice du pouvoir au pouvoir de la Justice ?... En Algérie, les ministres et les hommes du pouvoir en général ne sont «ni responsables, ni coupables» (p 149), «La «modernisation de la justice» se résume, pour l'instant, à des discours et des gadgets ; elle a vite trouvé ses limites pour montrer la véritable nature d'un système judiciaire sclérosé... Pour tendre vers les standards en vigueur dans les grandes démocraties, la modernisation de la justice passe par l'indépendance des juges qui en est le socle» (Conclusion, p 234). Avis : Ce n'est pas un manuel, mais c'est tout comme... peut-être même plus, car avec des exemples (cas pratiques) à l'appui. Une plaidoirie, sincère, mais peut-être trop sévère... Peut-être ? Citations : «On dit que «la justice est aveugle» ; parfois, c'est parce qu'elle refuse de voir» (p 149), «La justice algérienne est malade ; elle attend, loin des effets d'annonce, une vraie réforme qui passe par son indépendance» (p 233). Amar Ouzegane. Le révolutionnaire heureux. Recueil d'articles, préfacé par Mohamed Said. Editions Alem El Afkar, Alger 2016, 231 pages, 530 dinars. L'auteur n'y va pas par quatre chemins. Dès sa préface, il raconte qu'encore adolescent, lorsqu'il entendait parler, dans le milieu familial, de Amar Ouzegane, le nom était accompagné d'épithètes pas toujours sympathiques pour l'époque : communiste, athée, mécréant... C'était avant la guerre de libération. Plus tard, il apprendra, «incidemment», son engagement dans les rangs de la Révolution armée... Un homme mal compris, donc mal jugé ? aujourd'hui encore (de toute façon, c'est une manie bien de chez nous !)... par des gens qui restent agrippés à des périodes de vie spécifiques imposant bien souvent certains engagements. Amar Ouzegane, né en 1910 (et décédé à Alger en mars 1981), et dont le grand-père paternel est mort les armes à la main aux côtés de Hadj Mohamed Mokrani, est un des rares Algériens ayant eu, alors, la chance de fréquenter l'école coloniale et d'achever le cycle primaire (ce qui était pour l'époque une prouesse tant les difficultés étaient nombreuses). Il s'était engagé assez tôt dans le combat politique. Porteur de télégrammes à 13 ans, à 16 ans, il était déjà secrétaire des Jeunesses syndicalistes des Ptt, puis membre des Jeunesses communistes... fondant même un journal, «L'œil des Ptt» qui se vendait clandestinement. L'époque où l'Emir Khaled est exilé, sans retour, en Orient et où le Parti communiste (Pcf) «dénonçait tous les réformistes, qu'ils fussent musulmans ou européens, qui ne soutenaient pas la cause de l'indépendance» (M. Kadache, 2003). A partir de 1946, son franc-parler, ses désaccords avec les dirigeants communistes français et les Algériens «béni-oui-oui», ainsi que son attachement à la religion et sa défense de l'Islam («sa mère était membre d'une société secrète maraboutique ») l'amenèrent peu à peu à se retirer des responsabilités politiques... et à rejoindre, quelques années plus tard, la rédaction du «Jeune Musulman» (organe des jeunes de l'Association des Oulémas musulmans d'Algérie) fondé alors par le jeune Ahmed Taleb Ibrahimi. Ce sont donc ses chroniques, études et articles qui sont présentés... dont le contenu nous montre un «nationaliste authentique» (Gilbert Meynier). Une révélation (p 151. Extrait d'un long article sur «Abdelkader, le Chevalier de la foi», 30 janvier 1953) : «Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, son épopée avait inspiré le thème d'un film... L'auteur du scénario était américain, le réalisateur italien et l'acteur choisi algérien... le Gouvernement général a refusé de laisser tourner le film». L'Auteur : Un des premiers journalistes de la télévision nationale, ancien directeur d'Echaâb, ancien Dg de l'Aps, ancien directeur de la Communication aux Affaires étrangères, ancien ambassadeur, ancien ministre de la Communication, président d'un parti politique. Extrait : «Le lecteur est en présence d'un homme révolutionnaire, nationaliste, unioniste, serein dans sa foi, fier de ses origines, mais animé d'un puissant sentiment de révolte contre l'injustice et la discrimination» (p 16). Avis : Plus d'une soixantaine d'articles et d'échos dont une quinzaine de grands papiers (sur 36 numéros parus entre le 6 juin 1952 et le 30 juillet 1954). Un autre style, certes, de son temps, mais un engagement révolutionnaire décidé... sur bien des questions... d'actualité... comme le berbérisme par exemple... comme l'Islam libre et tolérant... Citations : «C'est la mission noble de nos historiens que de défricher le terrain, à la recherche des matériaux encore enfouis dans les cerveaux des survivants. Se taire, c'est accepter de léguer aux générations présentes et futures une histoire sans témoins, incomplète et falsifiée. C'est permettre à d'autres, sans rapport, de la faire à notre place et de transformer leurs affabulations en vérités officielles. L'histoire n'est pas un conte de fées» (Préface, p 32), «Le fait d'avoir été lucide en 1954 en rejoignant les rangs du Fln , en terminant mon activité révolutionnaire en beauté comme ministre dans l'Algérie indépendante, me suffit pour le jugement de l'Histoire... je suis vraiment un révolutionnaire heureux» (Amar Ouzegane, p 29, extrait de son unique ouvrage, «Le Meilleur combat»), «Un défaut essentiel dont ces jeunes doivent se débarrasser ; la culture trop excessive du passé, même le plus glorieux» (Amar Ouzegane, p 2019, extrait d'un article publié dans «Le Jeune Musulman» n° 9, 31 octobre 1952). La guerre d'Algérie dans le cinéma mondial. Mille et une fiches de films traitant de la guerre d'Algérie à travers le monde. Ouvrage documentaire de Ahmed Bedjaoui. Chihab Editions, Alger 2016, 397 pages, 1800 dinars. Il a déjà écrit un ouvrage sur le Cinéma algérien... Une étude approfondie (déjà présenté in «Mediatic») et complète sur le 7e art... durant et juste après la guerre de libération nationale. Ce second ouvrage, «né du précédent», une monographie relevant d'une recherche documentaire très poussée sur (presque, car il y a aussi les archives 45-54 conservées, en France, par le Service cinéma aux Armées : 157 700 clichés et 1 200 films) toutes les productions cinématographiques en liaison avec la guerre d'Algérie : avant, pendant et après ! La somme, bien que non exhaustive, est, à la grande surprise, é.n.o.r.m.e. 486 productions entièrement françaises, 366 totalement algériennes, 26 datant de l'époque coloniale, une soixantaine de productions dans lesquelles l'Algérie et la France sont impliquées à un moment ou à un autre, 7 co-productions, plusieurs productions réunissant plusieurs pays. La France n'est pas le seul pays concerné : il y a aussi la Suisse, l'Allemagne (ex-Rfa et ex-Rda), le Canada, l'Italie, la Grande-Bretagne, les USA (on a même trouvé un film réalisé par un anonyme pour le compte de la CIA), la Belgique, la Chine, l'Egypte, le Maroc, la Syrie..., la Bulgarie, la Russie (ex-Urss), la Yougoslavie... Pour la grande Histoire du cinéma national : le premier film vraiment algérien a été réalisé par Tahar Hanache, pionnier méconnu, en janvier-février 1953, «Les plongeurs du désert» avec pour assistant Djamel Chanderli et comme acteur Himoud Brahimi (Momo)... Le premier film documentaire qui parle seulement d'une «nation algérienne en voie de formation» a été filmé par Fontaine Henri, en 1939, le secrétaire/chauffeur du Sg du Pcf, Maurice Thorez, alors en tournée en Algérie... Le premier film français qui se proposait de dénoncer l'injustice infligée aux Algériens date de 1947 : de Sacha Vierney (futur célèbre chef opérateur d'Alain Resnais), «Algérie, liberté». Il sera saisi et son négatif détruit... Il a fallu attendre 1955 avec «Une nation, l'Algérie» de Henri Vauthier pour que le cinéma français «ose enfin revenir aux raisons profondes de l'embrasement général de novembre 54». L'Auteur : Ancien animateur d'une des plus fameuses émissions sur le cinéma à la Télévision algérienne, diplômé de l'Idhec (Paris), docteur es-littérature américaine, actuellement professeur d'Université et à l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information d'Alger/Ben Aknoun, directeur artistique du Festival du film engagé d'Alger, auteur de deux ouvrages (Chihab Editions), médaillé Frederico Fellini (Unesco, 2015). Extrait : «Si les guerres de Corée et d'Indochine se sont déroulées relativement à l'abri des caméras, la guerre d'Algérie a représenté, à partir de 1959, pour ces chaînes (de télévision), une source d'information-spectacle, pourvoyeuse de dramaturgie à bas prix et capable de concurrencer le grand écran. En ce sens, les stratèges du Gpra n'ont fait qu'inaugurer une ère nouvelle dans la relation complexe et parfois trouble entre les conflits armés et les journaux télévisés de vingt heures à travers le monde» (p 364). Avis : Un travail de recherche-inventaire colossal qui gagnerait à être traduit. Citations : «La guerre de libération n'est pas restée longtemps une affaire algéro-française. Par son internationalisation, elle a résonné bien au-delà, pour devenir un événement planétaire qui a contribué à la dislocation des empires coloniaux dans le monde » (p 9), «Le temps qui passe est le meilleur architecte de la relativité» (p 10). PS.: Ce sont les femmes qui font (encore) l'actualité culturelle maghrébine. Ainsi, on apprend qu'Ahlam Mostaghenemi la romancière (et ambassadrice de l'Unesco) est la personnalité algérienne la plus populaire sur le réseau social Facebook... avec plus de 11 millions de fans à la mi-janvier de l'année en cours (source : Interface Médias)... Un exemple ! Elle est (toujours) belle, notre Ahlem Mosteghanemi nationale, elle écrit beaucoup, elle écrit bien et elle est célèbre. De plus, elle va se rendre très utile... Nommée récemment «Artiste de l'Unesco pour la paix», elle consacre une bonne partie de sa vie à la cause de «l'éducation des enfants victimes des guerres, de la pauvreté et de l'injustice». Un grand bravo à Leïla Slimani, la belle franco (- marocaine), ancienne journaliste dont le second roman «Chanson douce» (Goncourt 2016), un livre «sombre mais délicieux» réalise les meilleurs ventes en France. Le livre consacré aux cinq années d'entretiens privés avec le président Hollande par Gérard Davet et Fabrice Lhomme n'arrivant qu'à la 8e place. |
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