Est-il
possible de rendre des villes algériennes «intelligentes» ? C'est en tout cas le
thème d'une rencontre d'experts à Alger intitulé «Vision future des villes
algériennes». Et à croire ses initiateurs, la démarche est envisageable, du
domaine du possible puisque les premières fondations de la smart-city sont
d'ores et déjà posées dans quelques villes. Marketing oblige et marché à forte
plus-value, il est par contre permis de poser les questions justes et éviter
les sentiers tortueux qui risquent de grever davantage l'argent public et de
nous faire perdre notre temps. La priorité n'est pas tant de rendre nos villes
«intelligentes» mais simplement vivables, agréables, propres et sécurisées.
D'arrêter de clochardiser l'environnement urbain en distribuant des permis de
construire à des immondices en béton et à ériger des cités-dortoirs
pour y caser les mal-logés. L'intelligence n'est pas à chercher dans les villes
mais chez les responsables locaux et centraux qui, à force de permissivité, ont
dénaturé l'architecture même de nos cités. Elle est à chercher dans ces plans
de construction, genre prison de banlieue, qui ont singulièrement gâché l'image
des villes algériennes. Pour l'éternité. L'intelligence aurait été d'interdire
ces énormités architecturales avant même de sortir du sol et exiger un minimum
de constructibilité urbaine pour éviter de ?'douariser''
nos villes. Il est inconcevable de parler de smart-city alors que la majorité
des villes n'ont même pas érigé de tri sélectif de leurs déchets domestiques.
Que les espaces verts sont sacrifiés sur l'autel de la prédation foncière. Que
les dos-d'âne poussent comme des champignons vénéneux le long de nos routes.
Qu'on continue toujours d'étendre son linge sur les balcons et que les
paraboles ressemblent aux oreilles en aluminium des immeubles. Comment parler
décemment de cette vision futuriste de la ville alors que l'incivisme a dépassé
nos frontières, s'exportant mondialement ? Aux portes de ces villes qu'on veut
révolutionner, des bidonvilles, véritables phœnix des temps modernes, qui
renaissent après chaque rasage. Avant de (re)penser
la ville algérienne du futur, il faut déjà réfléchir à son présent, aux
solutions à apporter aux plans de circulation, à la récolte des ordures, aux
plaques de signalisation et à la compétence de ses gestionnaires. Le problème
n'étant pas dans le visage de la ville autant que dans le profil de celui qui
va piloter cette nouvelle chirurgie esthétique.