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Le dinar écrasé par l'inflation: Il était une fois, la petite monnaie !

par Abdelkrim Zerzouri

  La monnaie étalon, le dinar frappé sur une petite pièce microscopique, n'est plus visible sur les marchés, dans les grandes surfaces et partout dans les caisses des services qui gèrent la monnaie. C'est peut-être un exemple unique à travers le monde en matière de gestion de la monnaie fiduciaire, qui a effacé totalement la valeur du dinar, devenu un zéro ou carrément inexistant en valeur absolue ! Tout autant que la pièce de 2 dinars, disparue également de la circulation presque en même temps avec le dinar.

Sans aucune note de la Banque Centrale, seule habilitée en matière d'annulation des pièces et des billets de banque, les pièces de 1 dinar et 2 dinars ne sont plus acceptées ni par les commerçants toutes catégories confondues, y compris les taxiphones où la petite monnaie est très prisée, ni lors des paiements de certaines factures où les deux pièces en question peuvent, pourtant, bien figurer sur la note à payer. Partout, les prix qui se concluent par un et deux dinars sont automatiquement arrondis à 5 dinars. Et, tout le monde semble trouver son compte dans cette opération, les clients qui n'ont plus de pièces de 1 et 2 dinars et les commerçants qui ne peuvent pas rendre cette monnaie retirée tacitement du marché.

«Bien sûr, les pièces d'un dinar et deux dinars sont toujours valables, mais si je les prend, je serais obligé de les rassembler pour aller ensuite les échanger à la Banque Centrale, chose pas du tout évidente eu égard aux sommes dérisoires qu'on peut échanger», diront un gérant de kiosque multiservices et un vendeur de cigarettes et de bonbons, non sans souligner que toute une journée est perdue par le fait de se déplacer à la banque afin d'échanger ces pièces de monnaie. «On évitait de le faire avec les billets usés de 100 et 200 dinars, que dire alors pour les petites pièces de 1 et 2 dinars ? On préfère les jeter plutôt que d'aller les échanger», lancent nos interlocuteurs.

Voilà le fin mot, on jette le dinar, la monnaie étalon, à la poubelle, et les autorités compétentes regardent faire sans broncher ! Partout, donc, chez les commerçants et autres prestataires de services, les petites pièces de monnaie de 1 et 2 dinars ne sont plus acceptées. L'inflation ayant écrasé le dinar, tout est facturé, désormais, à partir d'un seuil établi à hauteur de 5 dinars.

Même si le prix des bonbons suit la tendance pour se fixer automatiquement à 5 et 10 dinars, il en existe encore des qualités vendues au prix de 1 dinar, seulement là on les vend par lot de cinq pièces pour arrondir le compte. «Rien à faire, aucun commerçant n'acceptera de prendre des pièces de 1 et 2 dinars», affirme un gérant de kiosque.

Pareil chez le taxiphone du coin où la machine indexe les unités de communication en dinars. Si l'indicateur n'atteint pas 5 dinars lors d'une communication, ou qu'il affiche une somme qui comporte une partie qu'on doit régler en petites pièces de 1 et 2 dinars, le propriétaire vous suggérera de prendre quelques bonbons, histoire d'arrondir le chiffre à 5 ou 10 dinars. «Je ne peux pas accepter ces petites pièces de 1 et 2 dinars qui n'ont plus aucune valeur sur le marché», se désole un commerçant. Selon des banquiers, la dévaluation ou la dépréciation du dinar devrait impérativement s'accompagner d'une révision de la valeur de la monnaie étalon.

«Aujourd'hui, la réalité nous oblige de faire en sorte que la pièce de 10 dinars soit effectivement le dinar étalon, cela améliorerait considérablement la gestion de la monnaie fiduciaire», estime-t-on. D'autres considèrent que le e-paiement, lancé depuis peu de temps, devrait corriger ces dysfonctionnements et rendrait au dinar sa valeur ou sa place réelle. «Dans les paiements électroniques, les factures sont réglées, pas seulement au dinars près, mais au centime près, relèvent dans ce contexte des banquiers, d'où la possibilité d'une réévaluation de cette petite monnaie, soit le dinar et le 2 dinars».