«Trop
d'intérêts, tue l'intérêt». Cet adage semble avoir guidé la Banque centrale
d'Algérie qui, à travers une note datée de septembre 2016 aux banques de la
place, les a appelées à rationnaliser et, surtout, à
mettre un terme à l'anarchie des taux d'intérêt excessifs pratiqués sur
plusieurs produits, dont le crédit à la consommation. L'intervention de la
banque d'Algérie serait-elle venue trop tôt ou trop tard pour réguler les
loyers souvent exorbitants pratiqués par les banques primaires sur leurs produits? En fait, elles ont été instruites par la Banque
centrale de revoir leurs taux d'intérêt, qu'elle juge ?'excessifs''. Selon le
président de l'Association des banques et établissements financiers (ABEF), M. Boualem Djebbar, les banques de
la place sont sur le point de finaliser la mise en application de cette
instruction de la Banque d'Algérie, qui ?'vise à mettre fin aux taux d'intérêt
excessifs'', a-t-il affirmé. L'instruction de la Banque d'Algérie (BA), datée
du 1er septembre dernier, a défini comme étant un taux d'intérêt «excessif»
tout taux effectif global, qui excède de plus de 20% le taux effectif moyen
pratiqué par les banques et établissements financiers au cours du semestre
précédent pour des opérations de même nature. Le plafonnement concerne les
découverts bancaires, les crédits à la consommation, les crédits à court, à
moyen et à long termes, les crédits de financement de l'habitat ainsi que le
leasing. M. Djebbar, cité par l'APS, a ajouté que
«nous (les banques) sommes en train de finaliser les modalités pratiques pour
l'application effective de cette instruction avant la fin du trimestre en
cours. Cela va protéger les emprunteurs mais surtout les consommateurs
(bénéficiaires des crédits à la consommation) des taux d'intérêt abusifs». Pour
lui, «il est tout à fait normal que la Banque d'Algérie joue son rôle préventif
en direction des emprunteurs». En fait, explique t-il,
l'objectif de la Banque d'Algérie à travers cette instruction adressée aux
banques ?'n'est pas de fixer les taux d'intérêt bancaires mais d'offrir des
crédits avec des marges fondées sur des taux acceptables, calculées selon les
coûts des ressources, du refinancement et de la gestion du risque». Dés lors, et sur la base de cette instruction, les banques
et établissements financiers doivent adresser à la Banque d'Algérie, cinq jours
au plus tard après l'expiration des cinq premiers mois du premier et du
deuxième semestre de chaque année, une déclaration du taux effectif global
appliqué durant les cinq premiers mois du semestre considéré. A son tour, la
Banque centrale procèdera, quant à elle, au cours du dernier mois de chaque
semestre au calcul et à la publication des taux d'intérêt excessifs. Une mesure
qui devrait soulager autant les ménages à travers les différents types de
crédits ou loyers contractés auprès des banques, notamment pour l'accès au
logement, pour financer une activité professionnelle, ou l'achat de produits
électroménagers dans le cadre du crédit à la consommation, dont le taux varie
de 7 à 10%. C'est énorme selon des experts financiers et des entrepreneurs, qui
ont déjà pointé du doigt les taux d'intérêt exorbitants pratiqués par les
banques. Beaucoup de chefs d'entreprise qualifient le taux d'intérêt (loyer)
des financements par exemple en leasing appliqué par les banques de ?'trop
élevé'', ce qui bride les investissements. Le calcul pour le leasing, qui reste
très cher, est simple: il est de 9% hors taxe, et avec
la TVA, il monte à 12%. ?'C'est trop cher pour les PME'', avait commenté
Mouloud Kheloufi, de l'Association générale des
entrepreneurs algériens (Agea). La Banque d'Algérie
aurait-elle perçue cette angoisse des chefs d'entreprises ? Peut-être que
?'oui'', si l'on se fie à cette instruction, qui précise que ?'le trop perçu''
des taux d'intérêts soit restitué à l'emprunteur. Ainsi, dans le cas où des
taux supérieurs aux taux excessifs sont appliqués, ?'l'emprunteur est en droit
de réclamer à la banque concernée, selon cette nouvelle instruction de la
Banque d'Algérie, les sommes indûment perçues, majorées des intérêts calculés
aux taux d'intérêt effectif moyen de la catégorie de prêt concernée.'' Et,
?'toute infraction à ces dispositions expose les contrevenants aux sanctions de
la Commission bancaire'', explique la BA. Les taux seront communiqués, selon
une autre notre de la banque centrale datée de décembre 2016, ?'le 10ème jour
du 6ème mois de chaque semestre, par voie de note aux banques et aux
établissements financiers.'' ?'Les taux d'intérêt effectifs moyens ainsi que
les seuils des taux d'intérêt excessifs seront «également diffusés sur le site
web de la BA.'' Une mesure qui devrait mettre, par ailleurs, de l'ordre dans la
détermination des taux d'intérêts pratiqués aussi bien par les banques privées
que publiques. En fait, en Algérie, la différence entre les taux d'intérêt
pratiqués sur les crédits et la rémunération des dépôts est énorme. La
situation est encore grave dans le cas des banques privées, où l'écart entre
les taux d'intérêt créditeurs et débiteurs peut atteindre jusqu'à 7%, alors que
cet écart est encore accentué par le fait que la plus grande partie des
ressources, collectées à vue (dépôts, salaires, virements) par les banques
publiques, n'est pas rémunérée du tout. Mieux, elles y prélèvent leurs
commissions comme les agios, sans pour autant rémunérer ces dépôts. D'où la
grande aisance des liquidités dégagées par les banques publiques notamment. Si
les taux débiteurs sont octroyés entre 3% et 4%, les taux d'intérêt créditeurs
des banques privées atteignent couramment des niveaux oscillant entre 9% et 11,5%.
C'est énorme, excessif, selon cette instruction de la BA. Question:
les banques vont-elles rembourser les emprunteurs dans les cas avérés de taux
excessifs ? Comment ?