Le temps
coule lentement comme une rivière dans son lit, et depuis que le calendrier
existe, c'est toujours le même rituel qui revient comme une saison au même
temps pour célébrer et clôturer la fin des douze mois de l'année. On croise les
doigts et on touche du bois pour faire exaucer nos vœux durant les derniers
jours de l'année qui vont passer à la postérité. C'est le jour de l'an, et on
souhaite le bonheur, la santé et la joie à tous ceux qu'on aime. Partout dans
le monde, c'est la fête du temps. Comme des robots, à chaque événement annuel,
on reconduit les mêmes souhaits qui reviennent avec la routine et le temps
tenace. On récite machinalement, comme une punition, la vieille formule usée
par le temps lassant les vœux de bonheur pour les proches et les amis. Santé et
prospérité sont souhaitées durant cette fête de minuit, pleine d'embrassades.
Les jours et les ans défilent et ne sont plus doux comme avant. Seuls les
merveilleux souvenirs de l'histoire dédiée au temps passé sont évoqués du fond du
cœur. L'heure H est proche, une minute ou soixante secondes pour traverser le
pont du temps et embrasser le nouvel an. Les vœux annuels ne sont pas accomplis
pour les demandeurs qui ne sont pas sincères. Le bonheur des exclus n'est pas
au bout du tunnel. La vie est une sacrée poisseuse. Elle traîne derrière elle
la malchance. Le temps n'est pas employé à bon escient, il semble être figé
pour l'éternité. Il semble garder sa cadence morbide avec un présent vidé de
son bonheur. Les cartes de vœux choisies, en couleurs et parfumées, n'y sont
pour rien, elles sont inodores et frappées par le sceau de la mélancolie.
Alors, tant pis pour les souhaiteurs qui vont être déçus. Peine perdue. C'est
une dépense inutile pour le souvenir. C'est la faute au mauvais «bounani», qui s'obstine à nous gâcher le grand bonheur. La
bonne année a changé d'adresse. Elle n'habite plus au numéro indiqué. On ne
connaît plus son numéro de téléphone. Retour du pli à l'envoyeur, cher facteur
! Pour le bonheur, la considération, la joie et la dignité humaine, il faut
attendre la fin de l'éternité. Le territoire est fermé au calendrier universel.
L'époque s'est gourée de date, et d'histoire. L'heure est au ridicule, sans le
harakiri. Le temps qui court maintenant est un contretemps pour la chronologie
qui galope vers l'histoire. Notre calendrier est décalé. Il est vieux, et
ringard pour la nouvelle ère. Les années et les ans se plaignent du mauvais
traitement des jours sombres qui ferment le quotidien. Les jours sont exploités
par les vieux ans d'antan. Il n'y aura pas d'étrennes cette année pour les
salariés et les retraités. Serrage et essorage est la devise de la
semi-république. Pour ne pas déroger à la règle, souhaitons bonne année aux
charlatans, aux riens et aux escrocs en tous genres. Meilleurs vœux de bonheur
à la médiocrité qui ravage le fonctionnement du pays. Malgré tout, beaucoup de
succès à «s'hab el baroud wel
carabina» qui nous surveillent. On n'oublie pas «s'hab sh'kara» et la langue de bois
dans cette circonstance burlesque. Bonne continuité également à l'informel et
les magouilles qui nous mènent droit dans le précipice pour les prochains
jours. En vérité, le temps, avec ses jours, ses mois et ses ans, fait partie de
ces moments merveilleux à vivre sur cette terre. Ils sont naturels, pleins de
joie et de plaisir pour les vivants. C'est l'homme qui a perdu la raison avec
ses idées sataniques de domination. Ils ont dénaturé l'existence, en la
transformant en un enfer. Les plus puissants se sont accaparés du temps, et
l'ont pris en otage pour l'exploiter au fil du temps?