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Il était grand
temps que l'Algérie se secoue pour défendre ses intérêts d'abord ensuite se
solidariser avec les corporations dans lesquelles elle active depuis le début
de son indépendance.
Sa première offensive est sans doute l'accord des 14 membres de l'OPEP sur le gel de production arraché en marge du Forum International de l'Energie qui s'est tenu du 26 au 28 septembre à Alger. La seconde est la signature d'un accord entre Sonatrach et l'ENI Italienne pour découpler le prix du gaz du pétrole que certains analystes occidentaux considèrent comme un nouveau mode de calcul de prix au profit des pays consommateurs mais cela ne complexe aucunement Sonatrach et, partant l'Algérie qui vise à reconquérir son marché traditionnel européen pour trouver un débouché pour son gaz. Il faut rappeler par ailleurs que l'Algérie vise un avenir gazier de part ses importantes réserves qui se situent autour de 4,5 trillons de m3 en conventionnel seulement et exporte en volume plus de gaz que de pétrole. Il n'est pas dit que le marché à terme qui a été lancé depuis l'été 2015 sur ce qu'on pourrait interpréter le Point Virtuel d'échange PSV (Punto di Scambio Virtuale) ne serait pas plus profitable sinon plus sûr dans les transactions gazière traditionnelles. Tout le monde aura compris que les concurrents de gaz sur le marché européen veulent tuer leur chien alors, ils l'accusent d'être enragé. En effet, lorsque l'Algérie appelait les producteurs de gaz à s'unir pour trouver un prix directeur qui serait consensuel pour tous les acteurs, chacun se confinait autour de ses intérêts la laissant seule face à ses partenaires européens et spécialement italiens qui la menaçaient de mettre fin aux contrats si elle ne consentait pas à diminuer ses prix. Certains à commencer par le Qatar, l'Iran, la Russie et la Norvège se permettaient même de chasser sur son terrain. Maintenant qu'elle négocie un compromis avec ses partenaires de proximité, des experts à la solde de ses concurrents l'accuse de faire profiter les consommateurs! Pour cela et il faut le reconnaitre, l'Algérie a mobilisé toute sa diplomatie et son secteur de l'énergie pour surmonter l'insurmontable. D'abord, trouver un terrain d'entente entre deux belligérants d'un conflit millénaire : l'Arabie Saoudite et l'Iran. Le royaume voulait une diminution de la production et non un simple gel et le second a exigé de revenir sur les quotas d'avant les sanctions qui l'ont frappé soit 13% de la production ou rien. Les autres membres comme le Nigeria, l'Iraq, le Venezuela voire même l'Algérie ne pouvaient se permettre une réduction qui affecterait leurs recettes pétrolières déjà en difficulté. Finalement à travers une démarche de petits pas, on est arrivé le 30 novembre à un accord qui a fait d'une pierre deux coups : geler et diminuer la production non seulement de ses membres mais aussi à associer la Russie et d'autres pays producteurs hors OPEP. Cet accord sera effectif à compter du 1er janvier 2017 et va certainement aider à rééquilibrer le marché et à réduire la surabondance des stocks de pétrole. La réduction de production de l'OPEP sera de 1,2 million de barils par jour, pour porter son plafond à 32,5 millions de barils par jour (mbj) contre une production ayant atteint 33,64 mbj en octobre. Les non OPEP quant à eux vont contribuer à réduire leur production de 600 000 barils par jour et la Russie a déjà donné l'accord pour prendre en charge la moitié. Il ya eu de la casse mais il n'existe pas de décisions parfaites. Durant la conférence à Vienne, l'Indonésie qui a réintégré l'organisation des pays exportateurs de pétrole depuis à peine 11 mois après prés de huit années d'absence vient d'être exclue pour refus de diminuer le quota qui lui est dévolu. Sur le site de l'OPEC, ce pays ne figure plus sur la liste des « member coutries », ils ne sont plus que 13. Après cet accord les prix du baril ce sont quelques peu redressés au dessus des 50 dollars, niveau des prix qui semble agréer tout le monde. Mais voilà que l'Iraq, sort comme un cheveu sur la soupe pour laisser entendre qu'il ne compte pas réduire les 210 000 barils qui lui sont fixés pour janvier mais qu'il le ferait plus tard. Une telle indiscipline pourrait renverser la tendance du marché qui reste très nerveux. Pourquoi ? D'abord les raffineurs achètent tant que le brut est bon marché car ils sont traumatisés par son envolée au dessus de 120 dollars. L'accord a donc crée un effet psychologique sur l'offre. Cet effet disparaitra à la moindre rumeur. D'ailleurs le Brent a perdu prés de 1% de sa valeur au lendemain de cette nouvelle pour ne gagner que 0,07% seulement quelques jours après. Pourquoi l'Iraq spécialement ne doit pas dévier de la ligne tracée par le comité technique de l'OPEP présidée par l'Algérie ? Dans cet accord l'Arabie Saoudite a-t-elle atteint ses objectifs de la reconquête de ses parts de marché ? En supposant qu'à partir de janvier cet accord sera effectivement respecté, comment évolueront les cours des barils ? L'Iraq pourrait entrainer dans son indiscipline l'Iran Le soutien de l'Iran au gouvernement de Baghdad est d'abord politique. L'objectif de ce pays est de tenir les milices Chiites Irakiennes loin de Mossoul et ne veut en aucun cas attiser les tensions confessionnelles. Les deux pays considèrent que l'Arabie saoudite est le principal acteur à la source des crises politiques et des violences en Iraq. Cependant, elle n'est pas la seule : la Turquie a affirmé récemment que Mossoul lui appartenait historiquement. Sans concertation avec le gouvernement irakien, elle maintient ses troupes dans la province : c'est l'exemple même d'une ingérence, au mépris du droit international. Et cela ne peut que créer de l'instabilité. Depuis la levée des sanctions économiques et financières multilatérales et nationales liées au programme nucléaire iranien, ce deal entre l'Iran et l'Iraq s'est élargi au domaine économique et notamment pétrolier. En effet, les dernières brouilles de l'Iran avec la famille des Ibn Saoud devaient réorienter la stratégie de L'Iran vis à vie de ce royaume. Ainsi, profitant de cette légère ouverture économique du monde occidental envers les Iraniens, ils se sont rapprochés des Irakiens pour une alliance afin qu'à long terme ils prendraient le contrôle de l'OPEP et donc écarteraient le veto Saoudien sur les prix. L'Iraq a encore de nombreux défis à relever pour devenir le géant pétrolier qu'il ambitionne d'être d'ici quelques années. Le potentiel pétrolier de l'Iraq est très important : au coude à coude avec l'Iran pour la position de deuxième producteur de brut de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le pays possède 9% des réserves mondiales d'or noir, selon la BP Statistical Review of World Energy. L'Iraq est au pétrole conventionnel ce que les États-Unis sont au pétrole non conventionnel. Il est probable que cet entêtement irakien n'est donc pas fortuit mais certainement requiert l'appui des Iraniens. Le baril au dessous de la barre des 50 dollars n'arrange plus les affaires des Saoudis En arrosant les producteurs américains de gaz de schiste, l'Arabie saoudite s'est mouillée. En effet les chiffres montrent que l'objectif de reconquérir ses parts de marché par une guerre des prix qu'elle a lancée a été largement atteint. Les Etats Unis ont annulé leurs investissements pour plus de 1000 milliards de dollars avec des faillites en cascade. Elle a prévalu sa stratégie politique en supportant ses effets secondaires pour la simple raison que sa situation n'est guère rassurante. Il est pratiquement certain que les producteurs américains sont aux abois. Il y a eu beaucoup de faillites et les dernières nouvelles montrent que le nombre d'appareils de forage a été divisé par 3. On est passé de 1900 appareils à près de 500 appareils. De plus, la production américaine contrairement à ce que dit la presse, a chuté. La courbe de production américaine, après avoir atteint le niveau record de 9,61 millions de barils jour en juin, a finalement commencé à baisser Cependant, les Etats-Unis ont commencé à augmenter leur niveau de stock au-delà de sa valeur moyenne dès le mois de janvier 2016. Les stocks américains sont passés de 380 millions à 490 millions de barils. Plus de 25% d'augmentation, 100 millions de barils sur environ 100 jours ouvrables. Les pays industrialisés qui ont des capacités de stockage ont fait pareil avec un pétrole bradé. Un pays comme la France a gagné 25 milliards de dollars du fait de la chute des prix. L'arrivée des gaz de schiste et des pétroles de schiste a fait long feu. Le secteur du schiste est maintenant financièrement sous stress-tests. Cela fonctionnait bien dans un environnement caractérisé par des prix du pétrole brut relativement élevés et une politique monétaire ultra-accommodante. Ce n'est plus le cas avec les nouvelles décisions de la FED. Les faillites s'envolent dans le secteur pétrolier américain. Au moins 67 compagnies pétrolières et gazières américaines ont fait faillite entre 2015 et 2016, selon le cabinet de conseil Gavin/Solmonese. Cela représente une hausse de 379% par rapport à l'année précédente où le cours du pétrole était nettement plus élevé. Même Chesapeake Energy (CHK), l'une des entreprises les plus connues lors de l'essor du schiste, a été contrainte de démentir les rumeurs de faillite alors que son action chutait lourdement. L'augmentation spectaculaire des faillites correspond à une baisse du cours du pétrole qui est passé de 110 dollars le baril à la mi-2014 à moins de 45 dollars environ en juin 2016. Cette hausse des dépôts de bilan est liée également à la baisse du prix du gaz naturel qui est à son plus bas niveau depuis près de 14 ans. Lorsque le cours du pétrole se situait dans une zone comprise entre 90 et 100 dollars le baril et que le boom du pétrole de schiste décollait, les entreprises s'endettaient massivement pour financer les forages coûteux. Mais la forte production de pétrole aux États-Unis a créé une surabondance phénoménale de l'offre ce qui a engendré un effondrement des cours du pétrole. En mars dernier, Quicksilver Resources basé à Worth Fort s'était effondrée sous le poids de plus de 2 milliards de dollars en dette contractée pour financer ses forages dans le Barnett Shale situé dans le nord du Texas, dans le bassin Bend Arch-Fort Worth. Il est clair que cette démarche confirmée par la réunion des G20 début septembre, réconforte l'alliance occidentale contre le comportement de Poutine dans son intention de renouer avec la guerre froide mais elle entraine avec elle de nombreux pays dont les recettes pétrolières demeurent la ressource pour leur développement économique comme l'Algérie, le Venezuela, le Nigeria pour ne citer que ceux là. Les pays du Golfe ont eux une assise financière qui les mettent en dehors de toute difficulté sans compter la garantie de leurs alliés américains. Cette victoire si l'on peut l'appeler ainsi n'a pas été fortuite pour les saoudis qui se sont retrouvés avec un vrai déficit budgétaire qui les a contraints de recourir aux marchés intermédiaires et de décréter des mesures d'austérité draconiennes. La stabilisation des cours revient maintenant aux fondamentaux La barre au dessus des 50 dollars n'est pas acquise en épongeant seulement le surplus de l'offre sur les marchés pétroliers estimé à prés de deux millions de barils. Il faudrait que la croissance mondiale suive mais est ?ce le cas ? Selon une synthèse des principaux rapports notamment de la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International et des experts de la Goldman Sachs, 2017 sera l'année d'une double confirmation pour l'économie mondiale. Confirmation, d'abord du basculement géographique de la croissance avec d'un côté la consolidation de la reprise des pays avancés qui devrait s'établir à 2% environ, contre à peine plus de 1% en moyenne entre 2010 et 2015. Avec, en miroir, une nette décélération des pays émergents dont la croissance passerait de près de 5 à 2,4% seulement. Ce dernier chiffre porte surtout la marque de la conjugaison de 3 grosses difficultés : la baisse des prix des matières premières, d'abord, qui les pénalise directement en tant que producteurs ou indirectement en tant qu'exportateurs, l'instabilité provoquée par la sortie de la quantitative easing (QE) des Etats-Unis, même si cet assouplissement soit piloté avec une grande prudence, enfin les conséquences de l'atterrissage brutal chinois sur ses voisins directs et ses principaux fournisseurs. Cette opposition de phase entre pays avancés et émergents aboutit in fine à un jeu à somme nulle, ancrant la croissance mondiale autour de 2%. La logique de recentrage des multinationales sur les pays développés, qui sous-tend ce mouvement de bascule, n'a en effet pas le pouvoir amplificateur que l'on pourrait espérer sur la croissance occidentale. Car derrière ce recentrage se cache aussi des restructurations musclées et des consolidations au détriment de la croissance organique, limitant la portée de la bascule des capitaux du Nord vers le Sud. Par région, le diagnostic s'affine un peu. Parmi les émergents, l'Amérique du Sud inquiète le plus car elle est la plus directement impactée par la déroute des matières premières. *Consultant et Economiste Pétrolier |
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