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L'échiquier libyen

par Moncef Wafi

Le premier maréchal de Libye était hier à Alger où il a été reçu officiellement par le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel. L'occasion pour Alger de réitérer ses efforts et sa vision d'une solution politique interne en Libye au détriment de l'action armée. Alors que le pays est toujours divisé entre Est et Ouest et la menace de Daech pesante malgré la perte de leur fief Syrte, Alger invite tous les protagonistes à rétablir rapidement la stabilité et la sécurité dans le pays.

Si Messahel a tenu à rappeler les efforts de l'Algérie pour un «accord consensuel» dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord politique, conclu par les parties libyennes le 17 décembre 2015, il n'en demeure pas moins que la présence des hommes de l'EI et les lectures les envoyant s'amasser au Sahel laissent présager le pire. Alger ne peut rester spectatrice devant le devenir incertain des troupes d'El Baghdadi chassées de Syrte par les forces du Gouvernement libyen d'union nationale (GNA), contesté, lui, par le maréchal. Haftar, qui n'est plus en odeur de sainteté du côté de l'Otan, est perçu comme un allié fort d'Alger qui l'a armé, ainsi que d'autres pays comme l'Egypte ou l'Arabie Saoudite, dans sa guerre contre les groupes terroristes, selon ses propres aveux. Alger, qui recherche la stabilité interne de la Libye pour protéger ses propres frontières Est, se retrouve pour le moment devant un dilemme qui l'oblige à se positionner. Cette visite est-elle pour autant une indication sur les cartes algériennes à jouer ? Mise-t-on sur un soldat de carrière controversé pour contrecarrer les velléités d'ingérence militaire occidentale en Libye ? Haftar, adoubé hier par les puissances occidentales, est aujourd'hui accusé de vouloir empêcher la restauration de l'unité libyenne sous Sarraj, le nouveau chouchou de l'Otan. C'est pourquoi, la course vers la libération de Syrte est devenue subitement un symbole de légitimité nationale et internationale entre Haftar et Sarraj. Qu'adviendra-t-il maintenant de l'ancien général de Kadhafi ? Sa présence à Alger revêt une importance toute relative du moment qu'il a perdu la bataille qu'il devait remporter pour se positionner sur l'échiquier libyen. Alger va-t-elle le persuader alors de se ranger derrière Sarraj ? Les points d'interrogation ne manquent pas et le retour de Haftar chez lui donnera probablement les premières indications sur les décisions d'Alger.