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La vieille ville
et l'Est de l'agglomération ont été reconquis par l'armée gouvernementale. Mais
le cessez-le feu proclamé a été rompu hier.
Cette victoire remet Bachar el-Assad en selle. Les puissances occidentales expliquaient pendant l'hiver 2011-2012, au moment où le «printemps syriens» débouchait sur une révolte armée, que le sort du dirigeant alaouite se réglerait en quelques mois, avec son départ annoncé et exigé par les États-Unis et l'Europe. Bachar el-Assad a certes été sauvé par l'intervention militaire russe en septembre 2015 mais la reconquête par son armée de la seconde ville du pays et qui fut sa capitale commerciale avant la guerre, fait de lui un interlocuteur indispensable pour la communauté internationale si celle-ci souhaite trouver une voie de sortie de cette longue et sanglante guerre civile. C'est la population quelles que soient ses confessions, sunnite, chiite, chrétienne, qui a lourdement subi : entre 350 et 500 000 morts en cinq ans de guerre et un pays divisé par des haines confessionnels durables, en sont d'ores et déjà le douloureux prix. Bachar el-Assad devenu incontournable, aura-t-il les moyens d'imposer son autorité sur la suite des évènements ? Rien n'est moins sûr tant les acteurs de ce conflit sont nombreux et leurs objectifs antagoniques : «Régime syrien contre rebelles, islamistes chiites contre islamistes sunnites, Iraniens contre Saoudiens, Turcs contre Kurdes, Kurdes et Turcs contre djihadistes, Russes contre rebelles, Américains soutenant à la fois les Turcs et leurs ennemis kurdes, combattant ou soutenant diverses factions rebelles, le conflit syrien est devenu un champ de bataille à entrées multiples, où s'affrontent forces armées régulières et milices, acteurs locaux et puissances étrangères», pointe Adrien Jaulmes dans le Figaro, «en plus de cinq ans de guerre et un demi-million de morts, essentiellement civils, la Syrie est devenue un patchwork de fiefs ennemis qui se combattent ou s'allient dans un jeu compliqué qui défie jusqu'à présent toute solution diplomatique», poursuit le journaliste. Encerclés par les forces d'El-Assad, les groupes islamistes radicaux qui avaient pris Alep à l'été 2012, tiennent encore quelques quartiers encerclés. Leur prise aurait encore entrainé de nombreuses victimes civiles. Un accord conclu par la Russie et la Turquie, et confirmé par Washington et Damas, est entré en vigueur le mardi 13 décembre. Il prévoit l'entrée en vigueur d'un cessez-le feu, avec en contrepartie, l'évacuation des rebelles et des civils qui souhaitent quitter la ville. Mais la trêve est fragile. Hier, le cessez-le feu a été rompu vers midi, signe que les radicaux islamistes sont loin de désarmer. Ils ont d'ailleurs reconquis dimanche la ville de Palmyre. Vladimir Poutine au centre du jeu John Kerry, le secrétaire d'état américain, et Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, s'étaient rencontré le 7 décembre à Hambourg. Le compromis entre les deux grandes puissances, où les pays européens n'ont guère été invités, est marqué par une prééminence des positions russes : la prise d'Alep apparait bien comme une victoire d'El-Assad , soutenu par Moscou et Téhéran, contre son opposition intérieure, celle-ci ayant été longtemps appuyée par Washington et les principales capitales européennes, tout au moins jusque qu'à ce que les forces djihadistes radicales, proches de l'Etat islamique et du Front El-Nosra (de la mouvance d'al-Qaida), prennent la direction armée et le contrôle politique de cette même opposition. Vladimir Poutine avait de nombreuses raisons de prendre parti dans ce conflit. La Russie y possède depuis longtemps sa principale base militaire en Méditerranée dans la ville de Lattaquié. Le régime baasiste syrien était par ailleurs un allié de longue date de l'ex-URSS dont Vladimir Poutine souhaite retrouver l'ancienne aura internationale. Le dirigeant du Kremlin avait subi un grand isolement diplomatique et même un embargo européen sur ses produits à la suite des évènements en Ukraine (aboutissant à la scission du pays avec la création d'une zone pro-russe à l'est de l'Ukraine) et l'annexion par la Russie de la Crimée. Ses succès militaires en Syrie le remettent au centre des négociations internationales. Enfin Vladimir Poutine doit affronter l'existence de groupes islamistes radicaux dans son propre pays, dans la Caucase et plus particulièrement dans la zone tchétchène. Dans son offensive de soutien au régime de Bachar El-Assad, la Russie a été accompagnée par l'Iran. Le pays persan souhaite reconstituer son influence dans l'ensemble du Moyen-Orient pour contrebalancer le poids économiques et diplomatique de l'Arabie saoudite et les pays du Golfe, principaux soutiens militaires et financiers de rébellion syrienne. Téhéran bénéficie également d'un allié libanais, le groupe chiite Hezbollah. La perspective d'une victoire de Bachar El-Assad équivaut à la reconstitution d'un arc chiite de Beyrouth à Téhéran, en passant par Bagdad et Damas. La Russie a également profité dans les faits, de la combativité des groupes kurdes, fortement motivés contre l'islamisme radical sunnite et qui tentent à l'occasion des crises irakiennes et syriennes, de reconstituer le grand pays kurde dont ils avaient été privés par le vieil accord franco-anglais Sykes-Picott, signé en secret en 1916 ! Incohérences américano-européennes L'offensive militaro-diplomatique de Vladimir Poutine a surtout été confortée par les hésitations et les incohérences des puissances occidentales. On l'a vu, les Etats-Unis et les principaux états européens avaient fait du départ de Bachar el-Assad (après l'éviction ou l'assassinat de Saddam Hussein, Ben Ali, Khadafi?) une condition non négociable et ils avaient apporté une aide militaire et diplomatique à l'opposition syrienne. François Hollande avait même exigé de ses alliés, la décision d'une offensive militaire directe sur le sol syrien pour renverser le régime baasiste. Ce que Barack Obama, conscient des dangers d'une nouvelle escalade sur le modèle irakien, avait lucidement refusé. Le président américain s'est également rapidement aperçu que, dans l'opposition syrienne, les fractions d'inspiration démocratique avaient été rapidement débordées par des formation idéologiques beaucoup plus radicales, acquises au Djihad global, et qui sont proches ou de l'Etat islamique, désormais désigné comme l'un des principaux ennemis des USA, ou des émules d'Oussama Ben-Laden, le concepteur des attentats du 11 septembre 2001. Mais dans «l'Orient compliqué», la diplomatie américaine se perd un peu : en Irak, elle cherche ses alliés chez les chiites proches de Téhéran, l'Iran étant redevenu fréquentable, tous unis contre l'ennemi sunnite radical, l'Etat islamique. En Syrie, l'ennemi principal reste le chiite Bachar El-Assad, soutenu par Téhéran et Moscou, à qui l'on préfère «l'opposition» même si celle-ci est largement instrumentalisée par l'islamisme radical, derrière qui Daesh n'est jamais très loin. Les grands médias internationaux sont en général sur la même tonalité. Dans le siège d'Alep, la presse occidentale s'est rangée du côté des «résistants» ; et dans celui de Mossoul, du côté des attaquants. Dans le cas syrien, les médias occidentaux «continuent à croire et à diffuser sans filtre les informations envoyées par les rebelles, qui ont bien sûr tout intérêt à se présenter en agneaux innocents et à noircir leurs adversaires, commente Renaud Girard, spécialiste des relations internationales, car le logiciel manichéen n'a pas changé depuis cinq ans: à Alep on a affaire à un tyran (Bachar El-Assad), qui massacrerait son peuple, presque par plaisir. Assurément le siège d'Alep est cruel et on estime à 300 les victimes civiles des deux dernières semaines. En revanche, ce même logiciel ne s'applique bien sûr pas à l'armée irakienne tendant à reprendre le contrôle de Mossoul. Là, ce sont les attaquants qui sont les gentils et les rebelles qui sont les méchants. En termes de pertes civiles, les chiffres sont équivalents : on estime à 600 les morts civils dans la bataille de Mossoul, depuis qu'elle a commencé». Trump se fâche avec Pékin Ces ambiguïtés stratégiques vont-elles se clarifier rapidement ? Dans son offensive diplomatico-militaire au Proche-Orient, Vladimir Poutine a également bénéficié de la latence politique qui règne à Washington : Barack Obama est en partance mais Donald Trump ne deviendra officiellement président que le 20 janvier prochain. On connaitra alors les positions plus précises sur le conflit moyen-oriental, de l'imprévisible Trump. Lors de sa campagne, celui-ci avait fait de Daesh, l'ennemi principal des USA et le futur président a multiplié les signes d'amitiés à Vladimir Poutine : Donald Trump a officiellement annoncé mardi qu'il allait nommer Rex Tillerson, le PDG de la compagnie pétrolière Exxon Mobil, et grand ami personnel de Poutine, comme secrétaire d'état, en charge particulièrement de la politique étrangère. Mais la lune de miel Trumpo-poutinienne va-t-elle durer ? Dans tous les cas, c'est sinon un divorce, tout au moins une sévère brouille qui menace le couple américano-chinois. En prenant au téléphone la présidente de Taiwan, Tsai Ing-Wen, le nouvel homme fort américain a rouvert une guerre froide avec Pékin, pour qui le principe même formel, d'une «Chine unique» (intégrant Taiwan)reste un tabou diplomatique. «Je ne veux pas que la Chine dicte mes actions» a tonné Donald Trump qui avait déjà multiplié les attaque contre ce pays lors de sa campagne électorale. Problème : les relations sino-américaines sont l'une des plus «stratégiques au monde», rappelle Libération : «deux puissances nucléaires, des «états-continents», deux membres du Conseil de sécurité de l'ONU et surtout les deux premières puissances économiques mondiales, qui partagent un commerce bilatéral de 526 milliards d'euros en 2015». Autre difficulté, la Chine est aujourd'hui principal bénéficiaire de ces échanges bilatéraux et possède une grande partie de la dette américaine : elle est le premier créancier des USA, à égalité avec le Japon. Autre signe des temps, les investissements chinois aux Etats-Unis ont dépassé l'an dernier, le volume des investissements américains en Chine. Autre sujet de fâcherie entre les deux pays, les prises de position climato-sceptiques de Donald Trump qui ne croit gère aux effets risqués de la pollution sur le climat mondial, alors que le président chinois Xi Jinping a ouvertement soutenu le conférence internationale COP sur le climat. Donald Trump semble hausser le ton pour obtenir des accords de libre-échange sino-américain, qui soient plus profitables à son pays. Mais la seule inconnue reste l'ampleur possible de ses nombreux dérapages diplomatiques. Elections françaises : des surprises chaque semaine Après l'abandon de François Hollande dans la course présidentielle, l'arrivée de Bernard Cazeneuve comme nouveau Premier ministre a été également salué par les sondages. La côte de François Hollande fait un bond de 14 points après sa décision de ne pas se représenter en 2017 : avec 35% de bonnes opinions, le chef de l'État retrouve le milieu du tableau, après avoir longtemps stagné en bas de classement. Son nouveau premier ministre Bernard Cazeneuve, à la tête d'un gouvernement détesté des Français, se hisse au sommet du classement des personnalités, devant Alain Juppé : quelques jours après sa nomination à Matignon, Bernard Cazeneuve gagne 8 points à 56% , contre 54% de bonnes opinions pour Alain Juppé. Celui-ci devance néanmoins François Fillon, qui l'avait pourtant battu pour le poste de candidat de la droite. Fillon depuis sa victoire cède pour sa part 6 points, à 48%. Allez comprendre l'opinion de Français qui changent si souvent d'avis? Et pourquoi donc François Hollande n'a pas nommé avant le populaire Bernard Cazeneuve, alors qu'il ne reste plus à ce dernier aujourd'hui que cinq mois pour agir ? Rumeur qui courrait en milieu de semaine : Ségolène Royale l'ex-candidate socialiste à la présidentielle de 2007, appellerait lundi à voter à la prochaine élection présidentielle pour? Emmanuel Macron, contre le candidat de son propre parti. |
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