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La
genèse de la déconcentration territoriale que le pouvoir algérien a engagée
depuis 1954 va être renforcée par la création de nouvelles wilayas déléguées
appelées à se transformer en wilayas pour que l'Algérie en atteigne le nombre
de pas moins de 94 d'ici à 2019.
En application des décisions prises par le prési-dent de la République à l'issue du Conseil des ministres qu'il a tenu en juin 2015, le gouvernement devait créer en 2016 des wilayas déléguées dans la région des Hauts-Plateaux. Le ministre de l'Intérieur a évoqué la création de ces entités dimanche dernier, deuxième jour de la réunion gouvernement-walis qui s'est tenue au Palais des Nations de Club des pins. Bedoui n'en a cependant pas donné de date précise. Il semble que la décision de créer ces entités ne pourra être mise en œuvre qu'en 2017, certainement en raison de la baisse des revenus du pays. Il a quand même souligné que les dix wilayas déléguées instituées dans le sud du pays au début de cette année devront se préparer pour devenir «dans quelques années» des wilayas à part entière. Il en sera certainement de même pour celles appelées «circonscriptions administratives» créées il y a quelques années tout autour de la wilaya d'Alger ainsi que l'ensemble des wilayas déléguées devant être créées à travers le pays. Au total, comme cela a été déjà dit par les communiqués officiels, 46 wilayas déléguées devraient être créées d'ici à la fin 2017 à travers le territoire national d'autant qu'il est d'ores et déjà avancé par des sources proches du ministère de l'Intérieur que les wilayas du nord seront -en principe- concernées par un nouveau découpage administratif et territorial. Un tel raisonnement décomposera le territoire national en 94 wilayas d'ici à la fin 2019, dernière année du 4ème programme quinquennal du président de la République. C'est en tout cas ce que donne un simple décompte des 48 wilayas déjà existantes et des 46 wilayas déléguées, une fois toutes instituées et élevées au rang de wilayas. C'est ce que le gouvernement appelle «découpage administratif» et ce que les experts et spécialistes en aménagement qualifient de «déconcentration territoriale». Le découpage territorial, il y a 60 ans La genèse de cette vision «aménagiste» du territoire a commencé à prendre forme il y a 62 ans. En effet, le premier découpage du territoire national a eu lieu en 1954, année du déclenchement de la guerre de libération nationale. Les chefs de la révolution ont commencé par diviser l'Algérie en cinq (05) wilayas historiques : Aurès, Constantine, Kabylie, Alger, Oran. Réorganisé et validé lors du Congrès de la Soummam en 1956, ce découpage a permis l'ajout d'une autre wilaya historique en l'occurrence le Sahara, au regard, expliquent les historiens, de l'immensité du territoire national et pour une meilleure gestion de la logistique notamment en ce qui concerne l'approvisionnement des troupes en armes et en ravitaillement. «L'Algérie se trouve alors composé de six (06) wilayas historiques au sein desquelles une organisation pertinente a permis de gérer toute la logistique nécessaire à la révolution sous un seul mot d'ordre «Union» dénotant ainsi un esprit de solidarité et d'harmonisation dont l'objectif était la réalisation d'un projet ambitieux qu'a été l'indépendance», rappellent des historiques. «Partant de cette logique d'organisation territoriale, l'Algérie post-indépendance, un pays continent, a continué à gérer le territoire sur le même modèle d'organisation spatiale afin de donner de la lisibilité dans la prise en charge d'un service administratif capables de répondre aux attentes des citoyens dans toutes les régions du pays», affirment des politiques. De 1962 à 1974, l'Algérie comptait déjà 17 wilayas. «Il faut dire que le modèle jacobin hérité du colonialisme a dicté cette façon d'organiser le territoire pour mieux le gérer (en théorie)», nous indique-t-on. «C'est ce qui est a été défini comme étant la déconcentration territoriale», est-il précisé. Première déconcentration Les premiers décideurs de la période post-indépendance ont mis en avant «l'objectif de rapprocher l'administration du citoyen». Le territoire national devait par conséquent subir sa première déconcentration durant les années 70-80 eu égard à l'évolution démographique du pays tout autant que les besoins des citoyens. «C'est à ce titre que de 1975 à 1983, l'Algérie a connu un nouveau découpage administratif pour compter 31 wilayas», rappellent nos sources. En 1984, «toujours dans l'esprit de la déconcentration pour dupliquer les wilayas et créer plusieurs antennes de services publics», relèvent nos interlocuteurs, «l'Algérie met en œuvre son 4ème découpage administratif pour compter 48 wilayas». Cet esprit de gouvernance, expliquent encore nos sources, a prévalu pour «faire décliner l'espace national en wilayas de grandes superficies pour les déconcentrer et créer d'autres plus autonomes, ce qui n'a pas déplu aux citoyens férus de chauvinisme au regard de leur wilaya natale». Pour les gouvernants «la déconcentration territoriale se présente comme la solution adaptée pour soulager l'administration en partageant le service public avec d'autres wilayas et non pour créer un esprit de régionalisme». Il est ainsi noté qu'«en 2015, toujours dans le même esprit de déconcentration territoriale, mais cette fois-ci s'appliquant aux régions des Hauts-Plateaux et du grand Sud, le gouvernement a continué de découper les wilayas de grandes superficies pour en créer d'autres». Dissolution des daïras Nos sources du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales affirment alors que «s'il ne s'agit pas de créer des wilayas à titre complet mais des wilayas déléguées, l'idée est de remplacer progressivement les daïras existantes». Cette vision se décline clairement, selon des cadres du Premier ministère, à travers la création en début d'année de wilayas déléguées dans le Sud et «très prochainement de sept (07) autres dans les Hauts-Plateaux «comme voulu et décidé par le président de la République» et qu'en 2017, «les wilayas du Nord seront concernées par un nouveau découpage». La création de 46 wilayas déléguées «en principe, durant les deux années à venir» est souvent dans les propos des cadres des collectivités locales même s'ils n'hésitent pas à mettre en avant les difficultés financières qui risquent de remettre en cause un tel projet. Il est clair, disent-ils, qu' «avec chaque opération de déconcentration, des coûts faramineux suivent la création des wilayas déléguées, budgets d'équipement et de fonctionnement obligent». Si actuellement, l'Algérie compte 48 wilayas, 548 daïras et 1541 communes, l'on s'interroge alors à combien s'élèvera le coût de 94 wilayas à fin 2019. Malgré ces appréhensions inévitables parce que justifiées par la baisse drastiques des ressources de l'ensemble des fonds du pays, la décision de Bouteflika d'une déconcentration territoriale très élargie semble retenue tout autant lorsque les cadres du 1er ministère soutiennent toujours qu'«une fois ces wilayas déléguées auront le rang de wilayas à part entière, «le territoire national comptera 94 wilayas d'ici à 2019». Ils avancent assurés qu'«il est aisé de comprendre, dès lors que si les daïras doivent être remplacées par des wilayas déléguées à chaque fois qu'il y a déconcentration territoriale, ces entités (les daïras) qui n'ont aucune assise constitutionnelle de par leur appellation seront destinées de facto à la dissolution». Décentralisation ou simple déconcentration ? C'est la loi 90.08 du 7 avril 1990 relative à la wilaya qui régit dans son article 1er toute opération de déconcentration. «La wilaya algérienne est une collectivité territoriale créée par la loi et une circonscription administrative déconcentrée de l'Etat», stipule l'article. Les experts et spécialistes préfèrent, eux, dépasser ce contexte somme tout technique et aller dans le vif du sujet pour faire relever et interroger qu'«à ce jour, l'Algérie n'a fait que déconcentrer son territoire, mais a-t-elle vraiment fait de la décentralisation un pilier du développement local ? ». L'on nous explique qu'«une politique efficace d'aménagement du territoire doit être appuyée aux deux opérations de déconcentration et de décentralisation ; l'une ne va pas sans l'autre». Nos interlocuteurs estiment que «faire les deux opérations de manière concomitante, c'est œuvrer pour un réel développement local». Il est souligné à cet effet que «l'Algérie, avec ses 40 millions d'habitants, signataire de l'Agenda mondial 2030 dans l'esprit du développement durable et ses 17 Objectifs (ODD), pourrait mieux gérer son territoire en améliorant les conditions de vie des populations dans l'ensemble des régions de manière équitable». Le ministre de l'Intérieur, lui, a tenu à rassurer dimanche dernier en soutenant qu'«au début des années 2000, le gouvernement parlait de développement national. Mais d'année en année, il insiste sur le règlement des problèmes sociaux des citoyens dans chaque région du pays et on parle aujourd'hui d'eau potable, d'électrification et de scolarisation des enfants dans chaque quartier». C'est ce que réclament les spécialistes et experts en indiquant qu'«on aborde sous la bannière de la décentralisation la justice territoriale qui prône les mêmes conditions de vie pour l'ensemble des citoyens conformément à l'Objectif du Développement Durable (ODD) N°10 qui incite tous les pays à intégrer dans leurs politiques de développement la réduction des inégalités sur tous les plans». Ils estiment que «rapprocher l'administration du citoyen à travers la déconcentration c'est bien mais impliquer le citoyen dans les décisions politiques tout en libérant les initiatives au niveau local serait mieux. C'est ce qu'on appelle la décentralisation (terme connu depuis les années 50)». Pour eux «la gouvernance locale doit impérativement impliquer le citoyen dans le sens le plus large de la responsabilité jusqu'à la prise de décision, de suivi, de contrôle et d'obligation faite aux autorités locales de rendre compte à chaque fois qu'il le demande, l'exige même». Ils notent que, «selon la Commission européenne, depuis les années 90, le concept de la décentralisation a progressivement fait son chemin. Que ce soit par choix ou du fait de pressions externes, la grande majorité des pays s'oriente actuellement vers une certaine forme de décentralisation, avec cependant des degrés d'engagement et des succès divers». Nos sources sont convaincues qu'«en Algérie, la décentralisation s'inscrit dans le cadre de nombreux programmes de réformes institutionnelles initiés en 2000, mais dont la plupart n'ont pas dépassé à ce jour l'étape initiale pour s'arrêter au stade qui consiste à instituer des autorités locales sans pouvoirs de prise de décision et d'autonomie locales réels». |
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