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La pugnacité de Mohamed VI

par Moncef Wafi

Le Maroc persiste et signe. Dans son discours de Dakar, Mohamed VI, plus offensif et pugnace que jamais, clame haut et fort que son retour au sein de l'Union africaine est un droit «légitime» et qu'aucune concession sur ses positions concernant la «marocanité» du Sahara ne sera faite. Le souverain alaouite tire aussi sur l'axe Alger-Abuja-Pretoria «adversaires de notre intégrité territoriale» qu'il accuse de colporter des contre-vérités au sein de l'organisation africaine, promettant de «contrecarrer leurs manœuvres».

Un véritable cri de guerre lancé par le roi qui doit faire face à des manifestations populaires à Al Hoceïma après la mort de Mohcine Fikri, un modeste marchand de poisson, broyé par une benne à ordures alors qu'il tentait de s'opposer à la saisie de sa marchandise. La protesta est toujours d'actualité malgré les promesses royales d'une enquête. Le discours de Mohamed VI a un double objectif, l'un pour consommation interne, l'autre tourné vers l'Afrique. Si les raisons internes sont à trouver dans la diversion, à l'image de notre main étrangère, sa campagne africaine répond au souci de trouver des relais politiques à son occupation des territoires sahraouis.

Le Maroc, qui a perdu la guerre diplomatique au sein de l'UE, malgré l'existence de quelques rares relais à l'image de la France, ou à l'ONU où les scandales de corruption et de pollution du dossier ont consommé ses derniers crédits, n'a d'autre alternative que de se tourner vers les pays africains. Et pour cela, on peut dire que sa diplomatie a admirablement préparé le terrain. La stratégie d'attaque du Maroc laisse jusqu'à penser que ce sont les pays africains qui demandent son retour dans le giron de l'UA et que le «Maroc doit répondre à ces appels lorsque les conditions sont réunies», dixit son ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar. Certain de son fait, le Makhzen évolue en terrain conquis et il est fort à parier qu'on est en pleine esbroufe doublée d'une clé de bras. Rabat avait senti le vent tourner et est venu le temps de fructifier son programme d'aide en direction du continent noir.

A quelles conditions fait allusion Mezouar alors que le Royaume avait quitté l'Organisation de l'unité africaine, devenue depuis l'UA, en 1984 après l'admission de la République arabe sahraouie démocratique en son sein ? Si l'Union africaine avait réitéré dans un rapport publié le 27 mars dernier son appui à l'élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme, le Maroc, lui, a mis en place toute une stratégie d'approche des pays membres de l'UA en vue de les influencer. Ce retour semble répondre à une logique de bras de fer à engager de l'intérieur même de la citadelle africaine pour gagner en influence et en poids.