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Pendant
que Paris réunit «les parrains régionaux» de la Libye, Alger reçoit, en visite
officielle, le président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen, Fayez Esseradj.
Il s'agit, bien sûr, pour l'Algérie et la Libye de (re) cadrer les priorités de la remise en ordre d'un pays qui a été fragmenté par l'effet des décisions des pays influents de l'OTAN sous les fortes pressions de la France. La mise en place du gouvernement d'entente nationale en est une, parce qu'une fois sa mise en place réussie, elle aura prouvé que les parties antagonistes auront dépassé leurs divergences, du moins les plus en vue, qui ont plongé la Libye dans le chaos. «L'avènement d'un gouvernement d'entente nationale doit bénéficier de l'aide et du soutien de la Communauté internationale pour faire face aux multiples défis politiques, sécuritaires et économiques qui se posent à la Libye,» avaient souligné les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye, lors de leur 7ème réunion qui s'était tenue, à Alger, il y près d'une année. Alger pense que la mise en place d'un gouvernement d'entente nationale permettra aux Libyens d'adopter une constitution et d'aller vers des élections pour mettre en place des institutions légitimes. Ce ne sont pas, cependant, les réunions qui ont manqué à ce sujet. Les puissants de ce monde ont même tenu à ce que le dialogue inter-libyen soit tenu, ici et là, et partagé à travers plusieurs villes de pays étrangers. Aujourd'hui, les choses ne sont toujours pas claires parce que l'équation libyenne est à multiples variables, les unes plus complexes que les autres. La réunion, tenue hier à Paris, a regroupé les pays qui se sont érigés en tutelle de la Libye, à savoir : la France, l'Italie, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et ceux qui ont toute latitude de mettre en œuvre des feuilles de route, pas forcément conformes, à ce que veulent les Libyens, pour retrouver leur stabilité, leur sécurité, leur unité et celle de leurs territoires. Il s'agit du Qatar, de la Turquie, de l'Egypte et des Emirats arabes unis, qui, eux aussi se positionnent en tuteurs des Libyens. Paris les appellent «les parrains régionaux de la Libye.» Alger refuse d'être un pays tuteur L'Algérie n'est pas comptée dans ce lot, non pas parce que Paris ne veut pas l'y intégrer mais c'est parce qu'elle-même refuse de se considérer comme tutrice d'un pays qui a besoin de reconstituer sa souveraineté, son unité, son intégrité territoriale et sa cohésion nationale. Ceci, pour peu que les deux catégories des pays, cités plus haut, ne forcent pas la main aux parties en conflit pour mettre en œuvre ,chacun pour sa part, l'agenda qui les agrée. Il est connu qu'il existe des pays qui jouent double jeu et campent des rôles à travers des velléités de fédérer tous les efforts déployés en Libye pour restaurer la paix et la réconciliation entre les parties ennemies. D'autres -et la Communauté internationale le sait- achètent le pétrole libyen des groupes armés et fournissent des armes en violation de toutes les conventions internationales. Dans tous les cas, Alger dénonce «les parasitages» des uns et des autres «tuteurs» et appelle à «l'unification des positions» autour des priorités de la Libye. Si beaucoup d'observateurs pensent que la réunion de Paris est une réunion inutile, l'Algérie espère, en toute évidence, qu'elle permette d'unifier les agendas. L'Algérie n'a pas hésité à réclamer des sanctions contres tous les pays qui violent les résolutions du Conseil dé sécurité de l'ONU, en premier celle des livraisons d'armes aux parties en conflit en Libye. Abdelkader Messahel l'a dit, clairement, en septembre dernier, en présence de l'envoyé spécial des Nations unies pour la Libye, Martin Kobler. Le ministre des Affaires maghrébines, de la Ligue arabe et de l'Union africaine a demandé à ce que l'embargo sur les armes, imposé par l'ONU à la Libye -qui n'a jamais été respecté- soit levé pour permettre au gouvernement de l'entente nationale d'avoir les moyens de se défendre et de lutter contre le terrorisme. «Vous ne pouvez pas demander à quelqu'un de faire quelque chose si vous ne lui donnez pas les moyens qu'il faut,» avait lancé le ministre. La mise en place d'une armée libyenne, formée et structurée est aussi une priorité pour ce pays. Il est attendu qu'une fois créée, cette armée pourra accueillir les membres des milices «mais à titre individuel» pensent les observateurs. Essaradj fait le point à Alger Bien qu'elle a abrité plusieurs rounds du dialogue inter-libyen, l'Algérie fait de la prudence une vertu vis-à-vis de tout ce qui est entrepris à partir de l'extérieur pour régler une crise interne qui opposent les Libyens entre eux. Divisée entre le militaire Haftar qui détient, aujourd'hui, près de 60% de la production de pétrole en Libye, les groupes islamistes (EI) qui sévissent à l'est de Syrte et qui règnent, eux aussi, sur des puits de pétrole, Ansar Chariaâ, et autres les opposants de Tobrouk, la Libye risque une partition tribale qui fera le bonheur de beaucoup de pays. Ceci même si l'accord de Skhiret, du 17 septembre dernier, n'a pas laissé indifférent. C'est un peu comme au Mali qui, même si ses belligérants ont signé un accord «historique», le risque de la partition de ses territoires reste entier. Les deux grands conflits, alignés à la situation sécuritaire précaire qui prévaut en Tunisie, aux gros trafics de drogues qui minent les frontières ouest, en plus des «infiltrations» de ressortissants de pays voisins qui veulent transiter pour aller en Libye, placent l'Algérie au centre d'un cercle de feu qui ne finit pas d'être attisé par les interventions étrangères de tout ordre. Consciente des difficultés par lesquelles elle a été entourée, l'Algérie fait de la vigilance de ses services de sécurité une exigence de premier ordre. Elle pense même qu'elle vit «un isolement positif» qui lui permet de consolider son front interne pour les besoins de sa sécurité et de sa stabilité. Sur les 1001 km qu'elle partage avec la Libye, l'Algérie voit les choses mal évoluer sous «l'effet hirondelle» que Messahel dénonce, à chaque fois que des frappes militaires étrangères sont menées sur ce pays. D'autant que les 6 millions de Libyens sont pris en otage par des groupes armés, détenant 26 millions d'armes (chiffre donné à Alger par Kobler.) Alger dit être un partenaire «très présent et très actif» de la Libye pour l'aider à réussir sa réconciliation nationale ceci, «même -et c'est un peu notre culture, si nous sommes très discrets,» avait dit Messahel. Après sa visite en France, Fayez Essaradj est arrivé, hier, en Algérie, pour a-t-il déclaré «continuer le dialogue et évaluer les efforts déployés pour régler la crise libyenne.» |
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