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Il était
une fois, «Si Flen», un cadre de l'Etat, un puissant
parmi les puissants. Tout le monde le connaissait. Son répertoire téléphonique
était garni de numéros des autres cadres de sa ville. Eh oui ! «Erjel berjel werrjel
bellah», disait-il.
Trop sollicité, tout le monde avait besoin de ses services. Dans son boulot, il faisait la pluie et le beau temps. Il ne recevait que ceux qu'il voulait recevoir; les autres, il les laissait aux bons soins des plantons et vigiles pour les humilier sur le seuil de la porte d'entrée et faire d'eux ce que bon leur semblent. Pour lui, le service public était d'abord un service pour les amis (es), mais surtout, un moyen pour régler ses petites affaires personnelles via le donnant-donnant. Avec lui et ceux de son genre, l'administration est devenue une sorte de machine complètement rouillée. Le passe-passe, les pots-de-vin et le «Sidi hbibi dellali», sont devenus, hélas, des raccourcis inévitables pour le règlement rapide des affaires. Une sorte de lubrifiant pour dégraisser les pièces qui coincent et dont il était lui-même l'un des mécanismes. La retraite frappe alors à sa porte, le cadre sort à la vie civile, celle de monsieur Tout-le-Monde. Il ne se passait pas beaucoup de temps d'ailleurs pour qu'il soit rattrapé par les petits soucis de la vie courante, ce pain quotidien des Algériens. Le statut socioprofessionnel ayant pris fin pour lui, les amis ont aussitôt changé de numéros et l'ont retiré de leur liste de contacts. Ils n'en avaient plus besoin. Son amitié devint alors infructueuse, voire même encombrante. Une affaire personnelle l'emmène alors à son ancienne boîte. L'occasion pour lui de renouer avec les anciens collègues de travail et voir au passage cette administration qu'il a tant servie ou plutôt, de laquelle il s'en est tant servi des années durant. D'autres gens occupent désormais les lieux, un autre sang coule à travers la tuyauterie de la machine, d'autres pièces plus rouillées encore que les anciennes et plus contaminées par cet esprit que lui-même avait contribué à sa normalisation. Arrêté à la porte par monsieur le planton, il commence à gueuler : mais vous me reconnaissez pas? Je suis monsieur «Flen» ! il insiste : madame «Flana» et monsieur «Flen « sont-ils là? Je veux les voir! Annonce-moi bon sang! Aucune réponse du vigile! Agacé par le tempérament de l'ex- cadre, celui-ci prend tout de même le téléphone et annonce sa présence à la direction. Du coup, le ton de sa voix s'atténue : on lui passe une consigne : «envoie-le balader !» Sid el «Moudir» (le directeur) est en réunion, il ne peut pas te recevoir, passe un autre jour. Le mardi, c'est jour de réception! Humilié, notre ancien cadre vient de vivre une expérience amère qu'il faisait lui-même vivre aux autres, elle s'appelle : l'anonymat et le manque de considération. Il incline alors la tête, relâche les épaules et soupire très fort. Il sort avec un pincement dans le cœur. Il vient d'entamer une nouvelle vie, celle de l'ex : ex-cadre, ex-privilèges, ex-connaissances et ex-importance, etc. «Liam Enguelbet !». N'ayant plus rien à lui offrir, la terrible, la froide machine venait de l'éjecter, tout bonnement. Il commence alors à se plaindre de tout et de rien : de l'administration qui fonctionne mal selon lui, de l'école défaillante qui ne dispense plus le bon enseignement à ses enfants que celle d'avant, de l'université devenue l'eldorado des adeptes de la bonne rémunération qui n'attirait selon lui que la médiocrité et les doctorants du copier/coller, de cet unique hôpital, daté de l'époque coloniale et de la qualité des soins qu'on y dispense, du manque d'espaces verts, des lieux de détente et de culture, etc. etc.. Lui qui, pourtant, pouvait faire tant de choses à sa ville ou à son douar. Quand il était en poste,»Yeddou Jayba», mais comme beaucoup d'autres, il a préféré yehawatt ala roho. Construire son propre monde dans un trou noir et bâtir son château de cartes sur du sable mouvant, dans une bouteille fermée. |
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