La
condamnation d'un Algérien à une amende de 100.000 euros, par le tribunal de
Grasse, dans les Alpes maritimes (sud de la France) pour le transfert illégal
de devises remet au goût du jour une fraude dont a pâti et pâtit encore
l'Economie nationale. Les faits rapportés par le quotidien ?Nice-Matin', dans
son édition de vendredi, concerne un homme d'affaires de 68 ans, Micki Bourihane, qui a transféré
des centaines de millions de dinars, via le marché parallèle, pour acquérir
pour plus de 3,5 millions d'euros d'immobilier à Cannes et en région
parisienne. ?Tracfin', la cellule anti-blanchiment du
ministère français du Budget, a alerté le parquet de Grasse après avoir
constaté des mouvements de fonds suspects sur les comptes du businessman,
également titulaire d'un passeport américain. Le quotidien explique un système
simple mais illégal : un collecteur joue le rôle d'intermédiaire entre l'homme
d'affaires, exportateur de dinars, et des Algériens ou des sociétés travaillant
en France, souhaitant rapatrier leur argent en Algérie. Il prend au passage une
commission. La même source indique que le service national de la douane
judiciaire chargé de l'enquête a découvert que 2
millions d'euros sur différents comptes français de l'homme d'affaires ont été
alimentés par des chèques de particuliers ou des sociétés. «Lors d'un contrôle,
l'épouse du mis en cause a sur elle 45 chèques pour un montant de 42 300
euros», relève Marc Joando, le président du Tribunal
correctionnel de Grasse qui juge l'homme d'affaires. Pour le procureur Julien Pronier, l'Algérien s'est rendu coupable du délit
«d'exercice illégal de la profession de banquier». Ce procès met en lumière le
monde opaque du marché noir du change qui «a un impact sur la politique
monétaire d'un État et favorise le blanchiment» souligne l'accusation dans son
réquisitoire même si elle regrette que ce dernier point ait été peu travaillé
dans ce dossier. Le procureur a requis 25.000 euros d'amende alors que la peine
maximale encoure est de 3 ans de prison et 375 000 euros d'amende. Pour Me
Farouk Miloudi, son mandant ne peut être considéré
comme le vrai-faux banquier, dans cette opération triangulaire, estimant
qu'«une opération de change n'est pas condamnable, par elle-même, sauf si elle
cache une opération de blanchiment». Pour lui et l'autre avocat David Antoine,
il n'y a pas de discordance entre les revenus algériens de leur client et ses
investissements, en France. L'homme d'affaires, absent de son procès à cause
d'une opération chirurgicale, a été condamné vendredi soir, à 100.000 euros
d'amende. Si en France on évoque un transfert illégal de devises, en Algérie,
on parle de fuite de capitaux. Le dossier des résidences luxueuses de hauts
cadres de l'Etat en France pose, sans cesse, cette question lancinante sur la manière
dont a été transféré l'argent pour l'acquisition de ces biens immobiliers. Un
sujet tabou puisqu'il met en cause de hauts fonctionnaires et leurs familles
détenteurs de nombreuses adresses huppées, dans la capitale française et dans
bien d'autres villes du monde. Rappelons que l'électrochoc provoqué par
l'ampleur des fuites de capitaux vers l'étranger avait incité les pouvoirs
publics à réfléchir sur les canaux de lutte contre la fraude économique. A ce
propos, l'Algérie avait signé, en 2016, deux accords douaniers avec la Chine et
l'Union européenne, tandis qu'un accord similaire a déjà été signé avec
l'Argentine pour lutter contre la délinquance financière et les niches des
fausses déclarations dont principalement le transfert illicite des devises. Rappelons
que le ministre du Commerce, Bekhti Belaib, avait déclaré que sur les quelque 60 milliards de
dollars du volume global des importations, environ 30% sont entachés de fraude
fiscale et de fuite des capitaux vers l'étranger. Les derniers chiffres rendus
publics par les Douanes indiquent que les surfacturations effectuées par des
opérateurs économiques fraudeurs ont permis, entre 2010 à 2015, de transférer
illicitement vers l'étranger entre 15 à 20 milliards de dinars, chaque année.
Soit une fuite de capitaux estimée, en moyenne, entre 90 à 120 milliards de
dinars en 6 ans.