|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le
foncier agricole et touristique fait couler, en cette fin d'été 2016, beaucoup
d'encre et de salive. Après plusieurs sorties médiatiques, et d'actions plus
discrètes émanant des responsables locaux, qui se trouvent parfois entre le
marteau et l'enclume lorsque des gens très influents sont impliqués dans cette
braderie du foncier agricole et celui situé dans des zones d'expansion
touristique, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb
Louh, a demandé, jeudi dernier, au parquet général
d'activer l'action publique «immédiatement» dès réception d'une plainte liée au
détournement de terres agricoles «quelle qu'en soit l'origine». La précision
est de taille, le parquet général doit mettre en branle l'action publique
«quelle que soit l'origine de la plainte», qu'elle émane d'une instance
officielle ou de particulier. Le message lancé par M. Louh,
lors d'une visite d'inspection au tribunal d'El-Harrach du projet du tribunal
de Dar El-Beïda et de la cour d'Alger, est très
clair, d'une part il recommande au parquet général d'agir avec célérité
lorsqu'il s'agit de détournement de terres agricoles, et prendre au sérieux la
plainte qui émane d'un particulier, la considérant de même poids sur la balance
que celle qui serait introduite par une instance officielle, généralement prise
très au sérieux.
Il a rappelé à ce propos que cette question figurait dans les derniers amendements contenus dans la Constitution au regard de l'importance de ces terres qui constituent une «richesse et un bien du peuple», précisant que «l'autorité judiciaire demeure le seul garant pour faire respecter la loi». Faut-il le souligner, également, la politique économique du gouvernement, qui veut échapper à la dépendance aux hydrocarbures, mise beaucoup sur le créneau de l'agriculture, et dans cette ambiance de spoliation des terres agricoles, l'horizon serait plombé et les efforts menés dans ce sens vains. Cela expliquerait la mobilisation quasi générale des membres du gouvernement sur ce dossier sensible, qui bénéficie depuis des années d'une grande attention législative, avec des textes qui place le foncier agricole sur un plan «sacré», mais il fallait compter sans cette «vermine de terre» qui a ravagé d'immenses terrains fertiles à travers tout le pays. Sommes-nous arrivés à un stade de «rigueur absolue» sur ce chapitre après tant d'années de tolérance ou de laisser-aller ? Tout semble indiquer qu'il y a une prise de conscience au plus haut niveau de la hiérarchie gouvernementale, on ne se taira plus au sujet des détournements de terres agricoles. Le foncier destiné aux zones d'expansion touristique n'est pas en marge de cette rigueur. Répondant à une question sur les mesures juridiques prises au sujet de la distribution «illicite» de 65 hectares à «Dounia Parc», laquelle distribution a été qualifiée de «crime» par le ministre du Tourisme, Abdelouahab Nouri, le ministre de la Justice, garde des Sceaux a indiqué que «la réponse est contenue dans l'article 32 du code de procédure pénale». Un article qui stipule clairement que «toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au ministère public et de lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs». Serait-ce une forme d'invitation lancée par M. Louh à son collègue au gouvernement, en l'occurrence M. Nouri, lui suggérant de transmettre tout le dossier lié à cette affaire scabreuse au ministère public ? Pour rappel, le ministre de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de l'Artisanat, Abdelouahab Nouri, a fustigé récemment, à partir de la wilaya de Tipasa où il se trouvait en visite de travail, la distribution «illégale» de quelque 65 ha sur un total de 1.059 ha, du Parc des grands vents (Dounia Parc) d'Alger, destinés à constituer un parc citadin de villégiature pour les habitants de la capitale. Dans ce cadre, et peut-être que l'erreur de procédure se situe à ce niveau, M. Nouri a souligné que ses services «ont résilié des contrats relatifs à 96 projets, dont une quarantaine de fast-foods, avec récupération des terrains affectés dans ce cadre», et que «les bénéficiaires de ces lots seront indemnisés». C'est presque aller trop vite en besogne. Il aurait été plus judicieux de suivre la procédure légale devant la justice, comme le laisse entendre M. Louh. Car, les bénéficiaires des 96 terrains «récupérés» ne manqueront pas, eux, de recourir à la justice pour annuler la décision de résiliation prise par les services du ministère du Tourisme, à défaut exiger une indemnisation conséquente par le biais des tribunaux. Il y a comme une «précipitation» quelque part dans ce dossier, comme semblent l'insinuer les déclarations du ministre de la Justice. Enfin, s'adressant aux magistrats de l'ensemble des cours de justice du pays lors d'une téléconférence, M. Louh a mis en avant l'importance de protéger la vie privée du citoyen en préservant «la confidentialité des appels et des correspondances personnels» qui «ne peuvent faire l'objet de violation sans ordre judiciaire». |
|