|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
1ére
partie
Ces dernières années, des efforts jugés somme toute louables ont été déployés avec une intensité remarquable sur le plan aussi bien financier que fiscal dans le but de soutenir efficacement le développement économique, en encourageant particulièrement les entreprises qui exercent des activités de production et assurent des investissements dans le secteur créateur de valeur ajoutée. D'ailleurs, le Conseil des ministres, qui a lieu au mois de juillet 2016, a adopté un projet de loi visant, pour bien assurer la promotion des PME, à introduire des nouveautés, parmi lesquelles il convient de citer en premier lieu la réalisation du triptyque «Emergence -croissance- pérennisation» renvoyant à une organisation des structures et en même temps en précisant leur définition et leurs objectifs. A cet égard, les PME sont présentées comme un véritable vecteur à même de propulser le développement économique et il est indéniable que cet effort de rationalisation s'inscrit directement dans la logique d'amélioration de la compétitivité sur le plan économique, d'où la mise en place de cette aide appréciable en faveur des entreprises ayant vocation à générer absolument la richesse. C'est là sans conteste la démonstration de la volonté politique qui marque désormais un tournant décisif en vue de remettre certains secteurs clés de l'économie nationale sur les rails pour qu'ils soient suffisamment opérationnels. Toutes ces actions interviennent à dessein précisément en cette période préoccupante que traverse actuellement le pays en raison de son entière dépendance des exportations des hydrocarbures représentant 60% du budget de l'Etat et 97% des exportations totales et par suite de l'effondrement réel des cours de pétrole au regard de la chute drastique et brutale du prix de baril de pétrole, en rapport avec la crise mondiale (Cf. annexe n°1). Les statistiques à ce sujet font ressortir une chute de près de 32% durant les sept premiers mois de l'année 2016 induisant une baisse de revenus de 6,71 milliards de dollars, d'où conséquemment des moins-values substantielles en ressources budgétaires provoquant dès lors un creux budgétaire qui risque d'être abyssal au cas où cette crise persiste dans la durée avec toutes les retombées négatives aussi bien sur le plan économique que social. Comme la question du développement du pays se pose effectivement d'une manière cruciale dans la conjoncture présente, en relation des thèmes d'une brûlante actualité qui se veulent à la fois instructifs et constructifs s'invitent ainsi régulièrement dans le débat. Les organisations internationales décrivent durement la situation qui prévaut en Algérie, en considérant à partir d'indicateurs avancés que les variables d'ajustement ne sont pas à même de garantir à l'avenir une croissance économique durable assortie d'une gestion transparente et d'une plus grande justice sociale. C'est ainsi que fin juillet 2016 dans le bulletin trimestriel d'information économique de la région Mena, la Banque mondiale relève que la situation économique en Algérie relate que le déficit budgétaire s'est creusé fortement de 1,4% du PIB en 2013, à 15,7% du PIB en 2016, parce qu'il est «massivement» dépendant des hydrocarbures, en confirmant à cet effet la régression des exportations ainsi que des recettes publiques. Dans le même sillage, selon le chef de mission du FMI, le pays peut «encore réduire sa dépendance à l'égard des recettes pétrolières et diversifier son économie». Il préconise la mise en place dans ce cadre «des bonnes incitations et un climat propice au développement du secteur privé et que la stratégie a été amorcée pour recadrer le modèle de croissance du pays». Selon le FMI, pour sortir de la zone de turbulences, l'adaptation à ce choc extérieur devrait également reposer sur deux piliers, «le premier est un rééquilibrage budgétaire visant à rétablir la santé de l'économie en résorbant les déficits publics intérieur et extérieur, et le deuxième consiste en de vastes réformes». A son tour, la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), fait état dans son rapport du début du mois d'août 2016 que l'Algérie continue à pâtir d'un déficit d'attractivité en matière d'investissements directs étrangers (IDE) dont l'intervention du capital étranger au cours de l'année 2015 n'a enregistré que 587 millions de dollars d'IDE contre 1,5 milliard de dollars en 2014, soit une diminution de 60%. Tous ces éléments d'analyse concourent à mettre en exergue dans leur ensemble les difficultés auxquelles le pays se trouve confronté, ce qui sert directement d'alerte pour l'engagement d'une mobilisation en temps réel, afin de tenter de les résorber en urgence, de mettre en branle tout un chantier pour un «nouveau modèle de croissance économique» visant à dynamiser tous les secteurs de l'économie. En substance, le but fixé est de procéder au renforcement d'une croissance pour qu'elle soit pérenne en reposant sur l'amélioration du climat des affaires, le renforcement de la gouvernance économique, le développement des marchés de capitaux, l'encouragement des investissements étrangers et l'amélioration du marché de travail, tout en assurant la protection indispensable des travailleurs. En se combinant avec d'autres pré-requis, à savoir notamment l'environnement des affaires, l'état des infrastructures, la sécurité des investissements et la stabilité juridique et, quant à la fiscalité, elle est à même dans ce cadre d'assumer un rôle prépondérant en termes d'apport à même de combler potentiellement les déficits chroniques. Il s'ensuit qu'il y a effectivement intérêt à rendre le système fiscal à la fois plus attrayant et plus efficient dans le sens en priorité de l'assouplissement des procédures, car leur complexité et leur lourdeur continuent à poser problème en tant qu'entraves. Dans leur trame, les discours institutionnels qui sont véhiculés n'ont de cesse de mettre l'accent sur l'intérêt de la création des entreprises, en ayant dans le viseur entre autres les PME du chef qu'elles sont perçues comme la locomotive de la croissance économique, car leur nombre se situe seulement en l'état autour de 900.000 unités, ce qui est à l'évidence par rapport à la population encore bien en deçà de la norme mondiale. Le tout est de susciter une atmosphère d'adhésion et miser sur les capacités remarquables dont dispose le pays pour que les PME puissent constituer à cet effet un véritable enjeu, tout en entretenant avec la fiscalité des liens étroits en étant les partenaires de l'administration fiscale. C'est pourquoi tout un train de mesures a été adopté pour être au cœur du développement du pays en vue d'assurer la pérennité des PME en tant que moteur de croissance et de création de richesses. Sans chercher à entrer dans le détail de l'ensemble du système fiscal pour trouver les voies et moyens servant à une meilleure mobilisation des ressources, il convient de cibler la démarche sur un point sensible et non des moindres, celui de l'impôt forfaitaire unique -IFU- puisqu'il ne manque pas de susciter opportunément une longue réflexion au stade actuel. Le nouveau système forfaitaire a été introduit dans le cadre de la loi de finances 2015 et de la loi de finances complémentaire pour 2015 et mérite d'être rappelé ci-après. Suivant la loi de finances pour 2015 en son article 13 modifiant l'article 282 ter du code des impôts directs et taxes assimilées, sont éligibles à l'impôt forfaitaire unique (IFU) : « les personnes physiques ou morales, les sociétés et coopératives exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou de profession non commerciale dont le chiffre d?affaires annuel n?excède pas trente millions de dinars (30.000.000 DA);?. ». A cet égard, le communiqué émanant du ministère des Finances confirme aussitôt après que l'IFU dans sa nouvelle formulation procède davantage « de la poursuite des mesures de simplification des procédures fiscales», en étant spécialement dédié aux petites et moyennes entreprises remplissant la condition requise, à savoir ne dépassant pas le seuil du chiffre d'affaires annuel de 30.000 .000 DA. L'administration fiscale, que ce soit dans ses notes ou ses commentaires consacrées au régime de l'IFU, cherche à son tour à valoriser les gains en simplicité que celui-ci procure, tout en faisant remarquer en substance qu'il permet : « de franchir un nouveau palier de la stratégie de simplification des procédures en faveur d'une population fiscale qui représente environ un million de contribuables au titre de l'année 2016 » en regroupant à la fois les PME et les personnes physiques. Tel qu'il est invoqué, l'IFU apparaît ainsi d'emblée tout au moins sur le plan théorique comme une aubaine notamment par sa simplicité, son rééquilibrage et son calibrage, jusqu'à permettre pour ces considérations de rationalisation de libérer le temps, l'énergie et même les ressources, en tant aussi que véritable gisement profitant aussi bien aux contribuables qu'à l'administration fiscale. L'idée forte qui anime l'IFU en tant que l'un des leviers dominants pour le développement, vise à décrocher ou tout au moins à atténuer la dépendance au regard de la rente pétrolière, en venant substantiellement ainsi en aide sur le plan fiscal à des activités certes de faible dimension, mais surtout potentiellement génératrices de plus-values dans l'intérêt du développement du pays. L'IFU en incarnant ainsi un symbole emblématique, d'autant que par son caractère unique, synthétique et même d'essence dérogatoire, tend dans la lecture qui lui est faite a priori à s'inscrire dans le sillage d'une politique fiscale postulant la mise en œuvre d'une attractivité effective en faveur des petits et moyens contribuables ? personnes physiques et sociétés ? en facilitant l'adaptation au contexte, tout en favorisant les efforts de modernisation. Si la mesure est dictée en vue d'être porteuse de simplifications et d'assouplissement de procédures en vue de répondre aux attentes légitimes des petites et moyennes entreprises, toutefois pour peu qu'il soit question de s'interroger avec toute la perspicacité requise sur le choix d'une telle stratégie, singulièrement le principe de précaution qui est à observer, en l'occurrence, amène à tempérer nettement le regain d'optimisme attaché aux vertus de l'IFU, au point de susciter même à la place un certain scepticisme. En fait, l'argumentaire tel qu'il a été soutenu avec certes une conviction prononcée et avec une certaine sincérité pour bien légitimer l'IFU ne résiste pas à l'examen des faits, tant celui-ci est perçu d'une manière relativement mitigée, car comme dit le proverbe « l'hirondelle ne fait pas le printemps » . En effet, il est possible de considérer que l'application telle qu'elle est conférée à l'IFU tend contre toute attente à se dévier quelque peu de la trajectoire initialement fixée, en donnant lieu à un prisme véritablement contrasté jouant en fonction de la nature de l'activité exercée. La méthode telle qu'elle est conçue et adoptée pour innovante qu'elle soit, laisse transparaître tout de même dans sa mise en œuvre certaines incohérences et non des moindres qui tendent à parasiter ce qui constitue l'essence même de l'IFU. Il est vrai que si pour une catégorie de contribuables le bénéfice des avantages est certain et quant à une certaine autre catégorie de contribuables comme les sociétés qui sont visées expressément, il en est cependant autrement. Il s'agit implicitement, en l'espèce en grande partie des PME qui sont virtuellement exclues de l'éligibilité de ce genre d'avantages par le fait même d'être rattachées à l'IFU, d'où forcément il devient un euphémisme que d'affirmer une dissymétrie marquée en matière d'application. Avant de faire état explicitement des insuffisances qui caractérisent l'IFU, il est intéressant de citer d'abord des avantages conséquents et nombreux inscrits à l'actif de cet impôt, comme suit : - suivant l'article 282 bis du code des impôts directs et taxes assimilées -CIDTA-, l'IFU agrège en fait une série d'impôts et taxes, à savoir outre l'IRG ou l'IBS, également la TAP et la TVA, - la nouveauté de l'IFU par rapport à ce qui s'appliquait précédemment dans le cadre de la loi de finances pour 2009 réside désormais dans l'augmentation du seuil d'imposition du chiffre d'affaires retenu qui est passé de 3.000.000 DA à 30.000.000 DA, ce qui est fort appréciable, ainsi que l'extension d'office du champ d'application aux sociétés remplissant cette condition, - le calcul se fait désormais par mesure de facilité par le contribuable lui-même sans que le service lui impose un chiffre qu'il est obligé de respecter, sauf, bien entendu, erreur de sa part auquel cas une régularisation s'impose, - la possibilité d'effectuer le paiement annuellement et non pas régulièrement dans l'année, ce qui évitera des déplacements inutiles aux contribuables et se traduit un gain pour les services fiscaux, - les jeunes promoteurs éligibles aux différents dispositifs d'aide à l'emploi (ANSEJ, CNAC et ANGEM) sont assujettis au paiement d'un minimum d'imposition correspondant à 50% du montant de celui prévu à l'article 365 bis du code des impôts directs et taxes assimilées. De même bénéficient d'une exonération permanente : - les artisans traditionnels ainsi que ceux exerçant une activité d'artisanat d'art, ayant souscrit à un cahier des charges dont les prescriptions sont fixées par voie réglementaire ; - les entreprises relevant des associations de personnes handicapées agréées, ainsi que les structures qui en dépendent ; - les montants des recettes réalisées par les troupes théâtrales. - pendant une période de trois (3) ans, à compter de la date de mise en exploitation les promoteurs d'investissement exerçant des activités ou projet, éligibles à l'aide du « Fonds national de soutien à l'emploi des jeunes» ou du «Fonds national de soutien au micro-crédit» ou de la «Caisse nationale d'assurance chômage ». - la période de l'exonération est portée à six (6) années à compter de la mise en exploitation lorsque ces activités sont implantées dans une zone à promouvoir dont la liste est fixée par voie réglementaire et elle est prorogée de deux (2) années lorsque les promoteurs d'investissements s'engagent à recruter au moins trois (3) employés à durée indéterminée, - les activités de petits commerces nouvellement installés dans des sites aménagés par les collectivités locales au titre des deux (02) premières années d'activité; - les activités de collecte de papier usagé et des déchets ménagers, ainsi que les autres déchets recyclables au titre des deux (02) premières années d'activité. Certes, ces avantages sont conséquents, mais raisonnablement dans la balance et comme revers de la médaille, leur champ d'application comporte à l'examen certaines incohérences adossées à des restrictions incompréhensibles à l'endroit notamment des PME et particulièrement celles qui exercent leur activité dans le secteur vital de la sphère industrielle de production, comme également les artisans producteurs y compris le secteur du numérique. Aussi, comme il se révèle que l'IFU éprouve de la peine à trouver véritablement ses marques, est-il tenté de flasher dans les normes habituellement admises les différentes incohérences que recèle son application, aussi bien en la forme (I) que du fond (II), pour ensuite cibler les effets contrasté et contre-productifs de l'IFU (III) pour fixer in fine les enseignements utiles à retenir (IV) dans la perspective d'esquisser les pistes de solutions en vue de l'amélioration de l'IFU (V). I- Les incohérences relevées en la forme 1ère incohérence relevée en la forme En parcourant à la lecture le dispositif relatif à l'IFU, il est constaté qu'il est scindé en deux segments et dans la même année après quelques mois seulement d'intervalle, respectivement dans le cadre de la loi de finances pour 2015 et de la loi de finances complémentaire pour 2015. Une telle pratique ne semble pas être en phase avec le principe de sécurité surtout en matière de fiscalité qu'attendent les entreprises et même les citoyens, en raison de l'impact sur le plan économique et social, ce qui ne manque pas déjà de générer à ce niveau une source de tension. Il ne serait pas exclu qu'en la circonstance un délai relativement restreint ait été imparti en ce qui concerne le travail d'élaboration de cette mesure d'importance, ce qui pourrait, si cela se révélait exact, prendre dans ce cas l'allure d'un travail inachevé. Il arriverait aussi parfois que le ministre en charge du département ministériel des finances voulant lors de son passage à ce poste important chercher à se lancer en un temps record dans la réalisation de différents grands projets ambitieux, en les jugeant nécessaires pour le pays et avec une assurance de succès, sans que probablement à cette occasion soit observé le délai de maturation strictement exigé surtout en matière fiscale pour en déterminer tous les impacts nécessaires. Lorsque ces mesures sont conçues ainsi d'une manière ponctuelle, sans la moindre vision en termes de projection à moyen et long terme, la réussite dans ce cas de figure n'est pas garantie forcément. Cette situation reflète pleinement la réalité et l'IFU par suite de l'intégration unilatérale dans son champ d'application les sociétés sans que les conséquences soient mesurées à bon escient, alors que d'ordinaire seules les personnes physiques en sont concernées, sans compter aussi l'existence d'autres points d'application. De même, au niveau du Parlement qui est censé avant adoption mesurer tous les tenants et les aboutissants en ce qui concerne la procédure d'examen des lois de finances, l'amélioration de la qualité de la norme fiscale n'en semblerait pas être sa qualité première, d'autant que celle-ci est souvent dominée et sacrifiée pratiquement par le souci de l'urgence. C'est ce qui explique que le système fiscal, en étant modifié systématiquement chaque année par des mesures successives dans le cadre de la loi de finances, produit fatalement des strates se superposant dans un agencement qui n'est pas souvent bien ordonné. Tout ceci, porte d'une certaine manière atteinte à la chaîne des valeurs de la fiscalité de l'entreprise agissant au service du développement. 2ème incohérence relevée en la forme Au regard du droit fiscal toute obligation fiscale doit être clairement conçue, sinon elle risque d'être privée de valeur juridique et elle devient en l'espèce strictement inapplicable. Or, la loi de finances pour 2015 et la loi de finances complémentaire pour 2015 qui prévoient l'IFU, laissent subsister un certain flou en ce qui concerne les conditions de calcul du taux de 5% de l'IFU, dans la mesure où il n'est pas explicité clairement que le montant décaissé doit s'appliquer sur le bénéfice dégagé ou sur le chiffre d'affaires réalisé. Pourtant il est important que la loi explicite si l'assiette respective qui accuse un écart considérable, postule pour le calcul sur la base du bénéfice dégagé, auquel cas le montant parait raisonnable voire équilibré, alors que si le chiffre d'affaires est retenu pour le calcul, la différence du montant devient en comparaison notoirement exagérée. Quoi qu'il en soit, considérant les principes et la pratique qui prévalent en l'espèce, le calcul de l'IFU est implicite et ne peut en bonne règle se faire exclusivement que sur la base du chiffre d'affaires, ce qui suppose à ce titre quasiment l'absence de comptabilité régulière qui aurait permis la détermination du résultat en toute transparence. 3ème incohérence relevée en la forme Dans le même ordre d'idées, les PME, nonobstant l'enjeu qu'elles représentent effectivement sur le plan économique, semblent être traitées : - sur le plan de la législation fiscale a minima, en étant dotées à ce titre d'un statut mineur, puisque sur ce point il existe seulement une disposition non codifiée de la loi de finances pour 2004 qui en fait état, en prévoyant « un abattement de 15% sur le montant de l?IBS dû au titre de leur activité de production de biens et services pour les petites et moyennes entreprises implantées dans les wilayas de grand Sud », - sur le plan de l'organisation de l'administration par contre, elles viennent d'être réhabilitées récemment à la faveur de la création récente du centre des PME et des professions libérales. Puisque les PME ne disposent pas de statut fiscal bien défini dans tous ses éléments constitutifs et pouvant s'en prévaloir sciemment, elles se heurtent parfois dans leurs démarches à des difficultés. Certes, généralement les PME ne comportent pas de définition unique, en ce qu'elle varie selon le pays concerné, mais universellement leur avantage réside dans leur jeunesse et dans leur agilité par rapport aux sociétés dotées de structures traditionnelles. A noter que le dernier projet de loi adopté en Conseil des ministres du mois de juillet 2016 a profité pour actualiser la définition des PME à partir de différents critères comme notamment : -les seuils des chiffres d'affaires, -les totaux des bilans par catégorie de PME, en rapport avec l'évolution de certains paramètres de la réalité économique, - élargissant le champ d'application à la catégorie d'entreprises dont le capital social est détenu à hauteur de 49% par une ou plusieurs sociétés de capital-investissement . Ce sont là des éléments indispensables permettant aux PME de s'organiser en unités productives dans le but de faire prospérer leurs activités en mettant en œuvre des innovations et, bien entendu, avec les risques qu'elles prennent, si bien qu'elles évoluent parfois dans un environnement peu accueillant quand il ne leur est pas parfois réfractaire. 4ème incohérence relevée en la forme La Direction générale des impôts (DGI) a annoncé officiellement qu'elle a mis en service le premier Centre d'impôts (CDI) pilote à Rouïba destiné à gérer les PME et les professions libérales. S'inscrivant dans le cadre de la modernisation de l'administration fiscale, ce centre sera l'interlocuteur unique des PME et des professions libérales, alors que la Direction des grandes entreprises (DGE) gère depuis janvier 2006, les entreprises réalisant un chiffre d'affaires annuel supérieur ou égal à 100 millions de DA. La DGI prévoit la création progressive, sur plusieurs années, de 100 CDI et de 150 centres de proximité d'impôts (CPI) destinés aux petits contribuables. C'est donc un grand chantier en perspective. De la sorte, les sociétés comme les professions libérales relevant désormais du forfait ont à faire face à une autre contrainte, à savoir lorsqu'elles cherchent à remplir leurs obligations fiscales, elles sont ballottées visiblement contre leur gré entre le centre des impôts dont relèvent les PME et les professions libérales et le centre de proximité des impôts qui gère les entreprises individuelles soumises au régime du forfait. C'est dire qu'au stade actuel les PME ne savent pas exactement de quel centre des impôts elles dépendent effectivement et de ce point de vue, leur situation tend à se compliquer davantage. II- Les incohérences relevées quant au fond 1ère incohérence relevée quant au fond Le régime de l'IFU en principe, suivant son acte constitutif originel, s'applique seulement aux personnes physiques, mais désormais les termes de l'équation ont fondamentalement varié, puisque désormais les sociétés suivies au réel sont intégrées d'office au régime de l'IFU lorsque, bien entendu, elles remplissent la condition du seuil du CA retenu, en leur laissant ensuite dans une deuxième étape le choix d'opter au retour à leur régime initial du réel. Si par rapport aux justifications déclarées à ce sujet, la mesure susvisée procède de la préoccupation visant à permettre l'amélioration du point de vue simplification du régime en faveur des contribuables de faible catégorie, sauf qu'un tel avantage ne semble pas s'inscrire dans le sens direct des intérêts des PME exerçant dans le secteur de production qui ont besoin d'une gestion suivie régulièrement sur le plan comptable. Pour se rendre compte aisément de cette situation anormale, il suffit d'abord de décrypter sommairement les termes de ladite mesure et elle s'articule comme suit : - d'une part, elle vise à soumettre obligatoirement les sociétés n'excédant pas le seuil requis de 30.000.000 DA au régime de l'IFU, en les obligeant en même temps à abandonner systématiquement et contre leur gré le régime du réel auquel elles ont été suivies normalement jusqu'ici et auquel aussi elles tiennent, généralement en vue de la maîtrise de leur gestion, - et d'autre part, en étant ainsi placés unilatéralement sous le régime de l'IFU, il leur est demandé ensuite, en dépit de tout, de subir une nouvelle contrainte de procédure, en recourant à l'option si elles veulent retourner au régime du réel qu'elles ont déjà exercé, et ce dans des délais impartis d'une manière restreinte. Les PME, étant régies par le statut de société veulent le rester, mais elles n'ont d'autre solution que de suivre un cheminement dicté et qui loin d'être laborieux en s'avérant au contraire tortueux et organisé en zigzag sous forme de croisement en aller retour, ce qui se traduit en définitive par une opération tellement sinueuse et inefficace. De sorte que si on voulait exceller dans la complication, on ne peut pas faire mieux. Dans ce cas il incombe aux PME de chercher à dénouer les fils de cette trame devenue inextricable pour elles, tout en subissant aussi consécutivement une perte de temps et d'argent gaspillé inutilement. Somme toute, il aurait été plus pertinent, plus juste, voire plus simple, ce pour peu qu'il soit toujours effectivement question d'amélioration de procédure comme annoncé avec insistance, de leur laisser le choix de l'option pour l'IFU et non de leur exiger d'emblée celle-ci comme un passage obligé, ce qui a mis de nombreuses sociétés qui n'étaient pas intéressées par l'IFU de se voir imposer obligatoirement ce régime au départ. Pourtant il est de principe constant que l'option se fait généralement vers un régime d'exception à l'instar de celui de l'IFU et non du régime de droit commun vers ce dernier. Dès lors, on assiste à un renversement de la hiérarchie des normes, puisque dans ce cas c'est le principal en tant que droit commun qui doit se rallier et se soumettre à l'accessoire qui est l'exception et non l'inverse et la métaphore suivante illustre bien cette situation paradoxale, à savoir : « la charrue est placée devant les bœufs ». En fait, le principe du forfait suppose un calcul rudimentaire de l'impôt faisant mécaniquement abstraction de toute forme de déduction de ces charges, alors que le régime du réel permet aux sociétés une évaluation claire de la réalisation de leurs activités. D'ailleurs, les PME ayant conscience de l'enjeu, ont tendance par expérience à vouloir se prévaloir du régime du réel en tant que technique dominante qui implique le suivi d'un système comptable élaboré qui peut donner lieu à une analyse financière et prévisionnelle et une étude de rentabilité de marché pour avoir une connaissance satisfaisante du rapport qualité-prix et ce que ne permet pas du tout de l'IFU. C'est pourquoi, certaines PME ne semblent pas intéressées par l'IFU, parce qu'elles se sentent privées de la capacité à assumer directement leurs responsabilités attachées à leur gestion, leur permettant en tout cas une nette visibilité en temps réel sur le suivi de l'évolution de leur activité à partir des coûts et donc le rapport qualité-prix, de leur compte de résultat, ainsi que du niveau de leur trésorerie et au final de leur bilan. C'est là une condition indispensable pour pouvoir optimiser et dynamiser leur gestion, à la différence de l'IFU qui suppose une gestion à profil bas et passive. 2ème incohérence relevée quant au fond L'article 23 de la loi de finances complémentaire pour 2015 modifie les dispositions de l'article 282 quater du code des impôts directs et taxes assimilées en ces termes : « Art. 282 quater. . Les contribuables soumis à l'impôt forfaitaire unique ?. sont tenus de souscrire une déclaration complémentaire entre le 15 et le 30 janvier de l'année N+1, et de payer l'impôt y relatif, en cas de réalisation d'un chiffre d'affaires dépassant celui déclaré par eux, au titre de l'année N ». Sur la base de l'interprétation stricte de cette disposition et suivant le contenu dudit communiqué, les sociétés nouvellement soumises au régime de l'IFU tout en relevant antérieurement du régime du réel, bénéficient ainsi d'un mécanisme de gel au terme duquel le paiement de l'IFU intervient après une période de transition de N+1, c'est-à-dire explicitement une année après 2015, soit exactement à l'issue l'année 2016 puisque l'impôt est annuel, devant commencer le 1er janvier pour expirer le 31 décembre de l'année. D'ailleurs, il ne peut en être autrement et cela se conçoit d'autant que la loi de finances complémentaire qui en fait état explicitement n'a été adoptée qu'en juillet 2015 (Cf. JORDP n°40 du 23 juillet 2015). Sur ce point, le communiqué émanant du ministère des Finances le confirme en précisant ce qui suit : « S'agissant des nouveaux contribuables, ceux-ci bénéficient d'une dispense de paiement de l'impôt durant la première année d'exploitation ». Mais, d'après certaines informations recueillies, il semblerait que certains services fiscaux, en se conformant aux instructions qu'ils ont reçues, n'ont pas attendu l'expiration de ce délai exigé de l'année 2016, pour commencer déjà à inaugurer fraîchement le paiement de l'IFU en tant que régime d'exception envers les sociétés qui jusque-là soumises au régime de droit commun. D'ailleurs, dès l'expiration de l'année 2015 et tout juste cinq mois après l'adoption de la loi de finances complémentaire, c'est-à-dire à partir du 1er janvier 2016 tout le processus de paiement est entré en action. Il s'agit en bonne règle d'une forme de rétroactivité qui ne veut pas dire son nom, alors qu'elle s'avère fondamentalement incompatible avec les principes du droit fiscal. Il n'est pas normal que les PME se trouvent soumises ainsi mutatis mutandis, concurremment au régime d'exception de l'IFU et en même temps au régime de droit commun, ce qui a abouti en définitive au chevauchement de deux régimes et, bien entendu, un tel amalgame devient ingérable par sa lourdeur manifeste. Il faut reconnaître qu'une confusion quasi générale s'est établie à la faveur de l'option prévue pour les sociétés remplissant le seuil du chiffre d'affaires annuel qui passent désormais sans transition du régime du réel automatiquement à celui de l'IFU. A suivre (*) Ex-Expert international en fiscalité auprès des Organisations internationales et auteur d'ouvrages traitant des problématiques en fiscalité |
|