Qui peut
bien avoir le caractère « sauvage » parmi ces deux points, pour ne pas aller
tout de suite à un troisième : le chauffard qui fauche des vies humaines sur
les routes, ou les dos-d'âne réalisés dans des mouvements de colère, n'importe
où et n'importe comment, souvent après le décès d'un piéton ? Le gouvernement a
ordonné au mois de mai dernier aux autorités locales, par le biais d'une
circulaire signée par les ministres de l'Intérieur et des Collectivités locales
et des Travaux publics, de supprimer les dos-d'âne sauvages, installés de
manière anarchique et sans égards aux normes requises. Plus loin, la circulaire
en question exige dans ce cadre d'impliquer systématiquement les services
techniques de la subdivision des travaux publics dans l'examen de toute demande
d'implantation de ralentisseurs, ôtant du coup la prérogative en question
d'entre les mains des communes. Pourtant, les ralentisseurs qualifiés de «
sauvages » n'ont pas été installés par les communes mais par des citoyens en
colère, après la mort d'un des leurs sur la route. Ce sont bien les citoyens
qui, n'en pouvant plus d'attendre un ébranlement de la lourde machine
bureaucratique, se font justice eux-mêmes sur la route en déversant
anarchiquement du béton sur la route.
L'essentiel,
c'est de contraindre les chauffards à appuyer sur le frein. Et éviter que
d'autres vies soient perdues par la faute des accidents provoqués par l'excès
de vitesse. C'est vrai que devant les dos-d'âne sauvages, tout le monde
ralentit, on a même l'impression, parfois, que certains conducteurs qui ont
peur que la mécanique de leurs autos ne subisse des dégâts, plus qu'ils ne
montreraient cette peur pour des vies humaines, vont sortir de leurs véhicules
pour les prendre sur leurs épaules et leur faire passer cet obstacle. En tout
cas, la circulaire n'a rien réglé du tout. Les gens exigent directement des
maires la pose de dos-d'âne, après tout accident tragique, c'est devenu une
revendication presque automatique. Hier, des habitants à Constantine, portant
cette revendication, ont bloqué la route après qu'un véhicule eut heurté un
enfant, toujours dans le coma. D'autres suivront encore cette trace, à coup
sûr, partout à travers le territoire national. Parce que les chauffards
continueront de faucher des vies humaines près des agglomérations, faisant fi
du respect de la vitesse limitée. Les dos-d'âne, aussi sauvages soient-ils, ont
leurs bienfaits. Parfois, on se met à espérer que les routes, toutes les
routes, soient semées de dos-d'âne pour éviter le décès des piétons, souvent
des enfants ou des personnes âgées. C'est bien ce qu'il faut quand on a affaire
à des conducteurs sauvages. Pour les gens du gouvernement, ils n'ont rien à
craindre à propos des dos-d'âne, sauvages qu'ils soient ou réglementés. Car, à
chaque passage d'une délégation gouvernementale, les autorités locales
s'échineraient à les raser avant leur passage. Ces messieurs ne ressentiraient
aucune secousse. Et bien évidemment, il n'y aurait aucun risque sécuritaire
pour la délégation, car tout ralentissement à cause d'un dos-d'âne, ou de tout
autre obstacle sur la route, équivaudrait à mettre en péril la vie des
personnalités faisant partie de la délégation. C'est comme ça que pensent les
services chargés de la sécurité de ces délégations gouvernementales. Mais qui
pense à ce pauvre petit citoyen auquel on arrache subitement la vie par un
??quatre roue'', et plonger ses proches dans le deuil ? C'est sérieux, on ne
plaisante pas, l'autorisation d'implantation des ralentisseurs reste soumise à
l'examen et à l'accord de la commission technique de la wilaya, souligne la
circulaire interministérielle. Une circulaire qui semble plutôt se soucier du
côté esthétique des ralentisseurs, privilégiant les clous, les plots de
chaussées et les bandes rugueuses. Dos-d'âne, où es-tu ?