Que
d'aventures et de mésaventures le complexe d'El-Hadjar, le fleuron de la
sidérurgie algérienne, a vécues depuis quelques années ! De nationalisation en
privatisation il aura bu le calice jusqu'à la lie, puisqu'il vient d'être
récupéré par l'Etat après avoir été vendu au géant mondial de l'acier, l'Indien
Mittal.
C'est
donc un peu dans l'indifférence des milieux spécialisés que le ministre de
l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, a
annoncé hier dimanche le retour du complexe d'El-Hadjar dans le giron de l'Etat
algérien. Dans un communiqué transmis au Quotidien d'Oran, les groupes IMETAL
et ArcelorMittal ont annoncé la signature hier
dimanche à Alger de l'accord final portant transfert total des parts sociales
des sociétés ArcelorMittal Algérie (AMA), ArcelorMittal Pipes and Tubes Algeria
(AMPTA) et ArcelorMittal Tébessa (AMT). «Cette
reconfiguration selon le schéma annoncé le 07 octobre 2015 achève le transfert
des participations minoritaires du groupe ArcelorMittal
dans les deux sociétés ArcelorMittal Algérie (AMA) et
ArcelorMittal Tébessa (AMT) ainsi que sa
participation majoritaire dans ArcelorMittal Pipes
& Tubes Algérie (AMPTA) à la partie algérienne qui contrôlera de ce fait
entièrement ces sociétés», précise le même communiqué. En outre, cet «accord
vise la consolidation et la pérennisation sur le long terme du plan de
développement des trois plateformes industrielles, en l'occurrence le complexe
sidérurgique d'El-Hadjar, la tuberie sans soudure
ainsi que l'exploitation du minerai de fer de Tébessa». Pour la partie
indienne, il s'agit d'un bon accord. « Nous sommes satisfaits de la
finalisation de cet accord avec le groupe public Imetal
avec qui nous entretenons d'excellents rapports de collaboration. Cet accord
permet aux trois plateformes d'envisager de nouvelles perspectives dans le
développement de leurs activités, plus largement de l'industrie sidérurgique et
minière en Algérie », a déclaré Ramesh Kothari, responsable du segment ACIS. Pour le groupe
algérien Imetal, « cet accord permettra d'avoir le
contrôle total des trois sociétés, ce qui nous facilitera la prise de décision
et la mobilisation des moyens pour assurer le succès de l'opération de revamping des installations industrielles et leur
redémarrage dans de bonnes conditions. Il permettra également de stabiliser le
climat social dans les trois sociétés, pour améliorer leur rentabilité et
préserver les emplois ». Les trois sociétés changent de structure du capital
ainsi que leur dénomination sociale, ArcelorMittal
Algérie sera dorénavant SIDER El-Hadjar ; ArcelorMittal
Pipes and Tubes Algérie sera SIDER TSS, et ArcelorMittal
Tebessa sera Les Mines de Fer de l'Est, MFE. Spa», a
souligné de son côté M. Ahmed-Yazid Touati, P-DG du groupe Imetal.
Le groupe Industries métallurgiques et sidérurgiques (IMETAL) détient désormais
la totalité du capital de ces trois entreprises, détenu auparavant par ArcelorMittal à hauteur de 49% pour AMA et AMT, et de 70%
pour AMPTA. Le ministre de l'Industrie et des Mines, qui a présidé la cérémonie
de signature, a souligné « l'esprit positif qui a animé les deux partenaires
depuis l'annonce de l'accord ». «Les trois unités reprises sont des plateformes
importantes appelées à jouer un rôle actif dans l'avenir de la filière
sidérurgie-métallurgie algérienne et plus globalement dans la réalisation de
notre ambition industrielle ». De plus, « cet accord conclu entre les deux
parties, contribue à l'objectif du gouvernement algérien à promouvoir
l'autosuffisance du pays en acier, notamment les produits plats nécessaires au
développement des autres filières industrielles ». Il a également précisé que
cette opération de cession des participations n'avait pas donné lieu à une
transaction financière et a donc été effectuée à titre gratuit, c'est-à-dire au
dinar symbolique. Les discussions pour le transfert des actifs d'ArcelorMittal à l'Algérie avaient débuté en 2015 et un
accord avait été vite trouvé pour la restructuration de l'actionnariat des
trois sociétés. Pour autant, experts financiers et analystes avaient estimé que
cet accord cache en fait un désengagement «en catimini» du géant mondial de
l'acier du marché algérien, où il était en grandes difficultés. Le
désengagement de Lakshmi Mittal du marché algérien a
été également vivement critiqué par la classe politique selon laquelle le
retour du complexe d'El-Hadjar au secteur public n'est qu'une sortie par la
grande porte du sidérurgiste indien d'Algérie, où il a laissé de grosses dettes
et des déficits. Selon une étude réalisée en 2012 par le cabinet d'affaires
Price waterhouse Coopers (PwC), les actifs d'ArcelorMittal,
lorsqu'il détenait 70% des actifs du complexe, et avant l'augmentation de la
part de l'État algérien à 51 %, ne valaient presque rien. En intégrant les
dettes de l'entreprise, PwC valorisait, sur les
marchés financiers et boursiers, négativement les titres d'El-Hadjar : ils
étaient estimés entre -65 millions de dollars et -174 millions de dollars. Et,
subitement, en pleines difficultés financières d'ArcelorMittal,
alors que le haut fourneau était à l'arrêt, que les conflits sociaux minaient
le complexe, l'Algérie a porté en 2013 sa participation à 51 %. En échange,
elle a mis en place un plan de développement d'ArcelorMittal
Annaba avec un apport de 700 millions de dollars dégagés par la Banque extérieure
d'Algérie pour un programme de relance étalé sur la période 2014-2017. Dans son
étude, PwC relevait que « la valeur de 70 % des
titres d'El-Hadjar est estimée entre -65 millions et -174 millions de dollars
», et que « compte tenu des difficultés d'ArcelorMittal
à améliorer la situation et de la nécessité d'investir massivement dans le
site, il est envisageable que le management opte pour une solution de sortie ».
Après un bénéfice de 669 millions de dinars en 2008, le groupe enchaîne les
déficits : 11,01 milliards en 2009, 10,4 milliards en 2010 et 7,83 milliards en
2011. Des pertes qui s'ajoutent à la dette de l'entreprise dont l'État algérien
a hérité au moment de la reprise. Beaucoup ont parlé à ce moment-là d'une
«arnaque». Bref, 15 ans après son entrée en Algérie, le géant mondial de
l'acier en ressort soulagé de laisser à l'Etat algérien un complexe
désorganisé, qui ne produit plus, et lourdement endetté. Le géant mondial de
l'acier était entré en 2001 en Algérie avec de grandes ambitions et en ressort
très affaibli, laissant derrière lui de grosses déceptions.