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Alors même que planait encore l'incertitude sur l'issue de
la tentative de coup d'Etat fomentée en Turquie par un groupe de militaires, le
président Recep Tayyip Erdogan était apparu certain de l'emporter sur ses
adversaires à qui il a promis qu'ils seront sévèrement punis. Revenu aux
commandes du pays, Erdogan a traduit sa promesse sous
la forme d'une vaste opération d'épuration destinée selon ses termes à « purger
» l'Etat et ses institutions de tous ceux qu'il considère comme ayant trempé
dans le putsch avorté ou ayant des connivences avec ses auteurs.
L'armée et la magistrature turques sont les premiers secteurs sur lesquels est tombée la foudre présidentielle. Des milliers de militaires et magistrats tous grades et rangs confondus ont été radiés et certains mis en arrestation. Ils ne seront probablement pas les seuls à subir la vindicte du président turc qui, l'ordre constitutionnel et son pouvoir rétablis, apparaît déterminé à régler leurs comptes à tous ses ennemis réels ou perçus par lui comme tels. Parmi eux, Erdogan fait une fixation sur l'opposant en exil aux Etats-Unis Fethullah Gülen qu'il présente comme étant l'inspirateur des putschistes dont il réclame à Washington l'extradition. Avant d'être des ennemis, Erdogan et Gülen ont été des alliés de circonstance. Les deux hommes ont mis fin à leur alliance en 2014, le premier accusant l'autre d'avoir noyauté les milieux de la justice et de la police par le biais de son mouvement politico-religieux le « Hizmet » et le second dénonçant la dérive autoritaire d'Erdogan et de son parti l'AKP. Depuis, Erdogan n'a eu de cesse de faire pression sur les Etats-Unis pour qu'ils lui livrent cet opposant dont il a mesuré l'étendue et l'influence dans tous les milieux turcs et en craint les conséquences pour son pouvoir et celui de l'AKP. En le présentant comme l'instigateur du coup d'Etat avorté, Erdogan cherche assurément à forcer la main aux Américains qui faisaient la sourde oreille avant cela à sa demande. Sa pression dans ce sens s'accompagne de la suggestion côté turc que si Washington n'entend pas cette demande c'est que les Etats-Unis ne sont pas étrangers à la crise turque et à la tentative de coup d'Etat. Le cas Gülen n'est pas la seule pierre d'achoppement dans les relations turco-américaines. Erdogan a dans la foulée du putsch avorté mis de la tension dans ces relations pour tenter de forcer Washington à ménager les intérêts nationaux et géopolitiques de la Turquie dans la région. Outre que les autorités d'Ankara suggèrent que les Etats-Unis ont eu une attitude équivoque sur la tentative de coup d'Etat, Erdogan a ordonné l'interdiction de l'espace aérien turc aux avions américains stationnés dans les deux bases mises à leur disposition dans le pays. Qui plus est Erdogan se tourne ostensiblement en direction de la Russie qui elle a clairement et vite pris position en sa faveur dans l'épreuve de la tentative du coup d'Etat. Le président turc n'ira certes pas à la rupture avec les Etats-Unis, mais semble déterminé à leur faire prendre conscience qu'il leur faut désormais compter avec lui et à ne pas faire obstacle à sa politique aussi bien en Turquie même que dans la région. Les Etats-Unis qui ont eu à tester l'imprévisibilité du président turc vont devoir gérer avec la plus extrême prudence leurs relations avec lui et son pays, ce qui les obligera probablement à réviser certains aspects de leur plan de recomposition géopolitique de la région qui suscitent leur opposition et leur a fait opter pour un comportement ambigu à l'égard d'acteurs agissants du processus de réalisation. |
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