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Le président turc Recep
Erdogan a triomphé d'une tentative de coup d'Etat
fomentée par un groupe de militaires grâce à l'attitude légaliste de la grande
majorité de l'armée, de la police et à son rejet par la rue et l'ensemble des
partis même les plus hostiles à sa dérive autoritariste et aventureuse ayant
engendré dans le pays une situation de crise dont ils lui imputent la
responsabilité.
Les putschistes qui ont justifié leur action par le prétexte de la défense de la démocratie et des libertés citoyennes mises à mal par Erdogan devenu autocrate ont paradoxalement contribué par leur tentative à souder autour de lui le gros de l'institution militaire, l'opposition et l'opinion publique au principe qu'il est détenteur de la légalité constitutionnelle même s'il y a motif à redire sur ses actes et pratiques en tant que chef de l'Etat. Erdogan dont le pouvoir était contesté et apparaissait affaibli est incontestablement sorti renforcé de l'épreuve qu'a été pour lui la tentative avortée de coup d'Etat. La question est maintenant de savoir quelle suite il va donner au succès qu'il a engrangé contre les putschistes. Il peut en effet soit lui monter à la tête et l'inciter à consolider sa mainmise devenant dictatoriale sur la vie politique turque, soit lui permettre d'en tirer l'enseignement qu'il lui faut désormais entretenir le réflexe unitariste de la société turque qui en a été à l'origine. Grisé par le pouvoir qu'il détient depuis plus d'une décennie et par les incontestables progrès enregistrés par la Turquie sous son autorité qui lui valent une indéniable popularité, Recep Erdogan s'est pris à rêver de redonner vie à son profit au sultanat ottoman. Cette ambition à laquelle il a voué sa gouvernance du pays et la politique étrangère de celui-ci l'a entraîné à commettre des fautes dont il a résulté une contestation à son encontre qui va grandissante dans le pays et l'isolement régional et international de la Turquie. Il n'aura pas été sans se rendre compte durant la terrible nuit de vendredi à samedi où il a failli être renversé que son ambition et ses méthodes de gouvernance ont joué contre lui internationalement. Dans l'épreuve à laquelle il a été confronté, les partenaires de la Turquie sur lequel ils pouvaient compter parce que foncièrement opposés à la prise du pouvoir par la force ont clairement attendu que se précise l'échec de la tentative de coup d'Etat pour exprimer leur désaveu de celle-ci et leur souci du retour à l'ordre constitutionnel en Turquie représenté par lui. Il a dû lui apparaître évident qu'ils n'auraient pas été mécontents que le coup de force se conclut par son éviction du pouvoir. Raison de plus pour qu'Erdogan ne fasse pas que son succès sur les putschistes ne soit qu'une victoire à la « Pyrrhus ». Il le deviendra s'il persiste à considérer qu'il le doit uniquement à sa popularité et non à la saine attitude légaliste du gros de l'armée turque et du refus citoyen et de la classe politique d'un retour pour la Turquie à l'ère des « pronunciamientos » militaires et à la brutale dictature des reîtres mégalomanes qui vomissent démocratie et souveraineté populaire. En poursuivant l'ambition d'égaler la toute-puissance autocratique des sultans ottomans, Erdogan ravivera contre lui les oppositions qu'il suscite qui dès lors se radicaliseront et en viendront à ne plus le considérer comme incarnant la légitimité constitutionnelle. |
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