Plus préoccupante que jamais, cette culture de la rumeur
est, à proprement parler, l'un des points noirs qui trône, après la corruption
et la mauvaise gestion, dans le tableau trop peu reluisant que profile notre
situation politique actuelle. Mais que diable s'est-il passé pour que l'on soit
submergés de la sorte par cette tempête intempestive et incontrôlée d'intox qui
envenime les esprits? Cette allusion vise, il est
vrai, le climat de doute créé récemment chez nos élèves-candidats par les
persistantes rumeurs ayant émaillé la deuxième session du bac sur une probable
«fuite des sujets» ! Où est le maillon faible ? C'est-à-dire, la faille
vient-elle d'en haut ou d'en bas? Quel intérêt y
a-t-il à diffuser ce genre d'intox après le précédent de la fraude qui a
inquiété jusqu'au sommet ? Et, enfin, qui accuser ? La règle dans tous les
systèmes de gouvernance est, en effet, la suivante : si la communication officielle
vient à faillir, les rumeurs augmentent et vice versa. Celles-ci apparaissent
souvent suite au blocage des circuits canalisés de l'information et au manque
de relais communicatifs fiables dans la société civile. Preuve en est que les
réseaux sociaux ont pu assener, en seulement quelques heures, un terrible coup
de grâce à toute l'organisation étatique du pays. Très grave ! Le phénomène
n'est pas nouveau toutefois. D'autant que, depuis quelques années déjà, un tas
de nouvelles infondées ont trouvé dans le Net un moyen de divulgation rapide
sans aucune réaction officielle ferme et chronométrée. Où que l'on dirige la
tête, nos oreilles se retrouvent vite choquées par l'ampleur des bruits qui
courent. Tantôt on entend par exemple via la vox populi que Bouteflika est
mort, tantôt d'aucuns nous informent que l'armée ou l'ex-DRS est en conflit
direct avec le président et qu'ils s'apprêtent à des purges massives dans le
clan de ce dernier. Parfois, on nous parle de complots imminents contre des
hauts responsables et même contre l'Algérie, etc. ! Et va chercher le vrai du faux! Le problème, c'est qu'au fur et à mesure que les
rumeurs enflent, nos élites, déjà bouches cousues, se bouchent les oreilles
comme si de rien n'était alors que les masses se tâtent le pouls et imaginent
mille scénarios-catastrophes ! Ce n'est pas du tout normal de se targuer d'une
expérience démocratique unique dans le monde arabe, en continuant à arroser par
l'absurde de telles tares. Et puis, la vitalité d'un pouvoir politique ne se
mesure-t-elle pas à ses capacités à communiquer, fluidifier ses rapports avec
sa base, en sus de réussir à renouveler sans cesse son personnel ? Ces vieilles
méthodes du mutisme, du mystère et de dissimulation ne sont-elles pas en
porte-à-faux avec les l'idéaux d'une gouvernance saine, en prise avec la
réalité ? A quoi cela sert-il par exemple de démentir une information qui
circule en boucle sur les réseaux sociaux à propos de la mort de Bouteflika par
l'apparition publique de ce dernier ou la visite que lui rend l'une des
anciennes personnalités de l'Etat, sans que cela ne soit suivi par une
communication officielle appuyée ? Les institutions du pays constitueraient
toujours des proies faciles à l'intox si les hauts responsables n'y prennent
pas garde et n'osent communiquer avec efficacité.