L'Algérie
a vécu dimanche dans la matinée un black-out total de l'Internet, une décision
des autorités pour, selon la ministre de la Poste et des TIC, Imene Houda Feraoun, «protéger
les candidats au baccalauréat contre les tentatives de déstabilisation.» Les
explications pas du tout convaincantes de la ministre sont venues un peu tard,
par rapport à l'énormité de l'événement en lui-même, une première dans le
monde, si l'on excepte les coupures techniques ou par accidents. Trois jours
donc après ce black-out cybernétique, la ministre intervient par une
déclaration à l'agence APS pour d'abord réfuter cette coupure, ensuite dire
avec un aplomb déconcertant que c'était seulement les réseaux sociaux qui
avaient été bloqués pour protéger les candidats à la session partielle du
BAC2016, entaché d'une fraude massive lors de la session «normale». «Dans
l'objectif de protéger nos candidats au baccalauréat contre les tentatives de
déstabilisation via de faux sujets et des rumeurs malveillantes, nous avons
procédé, en relation avec l'Autorité de régulation de la Poste et des
Télécommunications, ainsi que l'ensemble des opérateurs de télécommunication, à
la restriction de l'accès aux principaux réseaux sociaux pendant des horaires
limités liés à ces examens», a précisé Melle Feraoun dans cet entretien à
l'APS. Cela a fait dire à la ministre que cette coupure d'Internet, même si
elle ne le reconnaît que par rapport au blocage des réseaux sociaux et des OTT
(Over The Top, comme WhatsApp, et les réseaux de TV )
ont permis «l'avortement de tentatives criminelles qui visaient à mettre en
péril le devenir des milliers de candidats au baccalauréat». Elle est même
allée jusqu'à affirmer que sur les désagréments causés par cette mesure aux
usagers d'Internet, que le devenir des candidats au baccalauréat »nous oblige à
faire le sacrifice et à céder un peu de notre bien-être personnel pour
contribuer au bon devenir de toute la société». «Je suis certaine qu'en dépit
des réactions compréhensibles de certains mécontents de nos concitoyens, les
Algériens, connus pour leurs sens de citoyenneté et de responsabilité, qui se
révoltent contre la fraude, qui souhaitent voir nos enfants à l'abri de toute
surenchère, qui militent pour l'égalité des chances entre candidats, sont
satisfaits de ces mesures et acceptent, dans la bonne humeur, d'être privés
quelques heures du loisir de surfer sur Facebook ou autre», a-t-elle souligné.
Ce
qu'elle ne dit pas, par contre, c'est que toute l'économie nationale, banques,
administrations, ministères, établissements de commerce, a été bloquée pendant
de longues heures, et des dizaines de milliers de travailleurs avaient rejoint
tôt leurs foyers, quand d'autres n'ont pas pu payer leurs factures ou acheter
leur billet d'avion. Eludant cette question de la coupure totale de l'Internet
constatée par tous les clients d'Algérie Télécom et ceux des trois opérateurs
de téléphonie mobile (Mobilis, Djezzy
et Ooredoo), elle a candidement précisé qu'il ne
s'agissait pas de »coupure d'Internet, mais simplement d'une réduction de
trafic pendant la première moitié du premier examen, afin de déjouer les
desseins de certains groupuscules qui activent pour perturber le déroulement
des épreuves». «Le gouvernement avait toute latitude de prendre des mesures
conservatoires pour des situations d'urgence, tant que l'intérêt public
l'exige», a-t-elle souligné, avant de justifier pareille décision, notamment le
blocage des réseaux sociaux, qui ne serait pas, selon elle, «une première du
genre», en relevant que l'Algérie « ne fait pas exception, car il y a eu des
restrictions de certains réseaux sociaux dans d'autres pays pour diverses
raisons, y compris celles liées au baccalauréat». Sauf que dans ces pays,
qu'elle ne cite pas, l'Internet n'a pas été coupé. «Il faut ajouter, a-t-elle
dit, que les réseaux sociaux ne sont qu'une partie de ce qu'on appelle les
applications OTT, qui utilisent les réseaux déployés par les opérateurs de
télécommunications à des fins commerciales et sans contrepartie pour ceux-là,
aboutissant à la saturation de la bande passante en plus de la concurrence sur
le segment de la voie pour les propriétaires mêmes des réseaux». Pour autant,
l'exemple des OTT ne peut s'appliquer à cet événement,
car généralement ils sont gratuits, comme Viber, Tango,
Whatsapp ou Skype, et que leur utilisation n'est pas
mise en cause dans cette problématique de la fuite massive de sujets lors du
BAC session 2016. Par contre, elle a estimé, quant au recours au réseau VPN
(Virtual Private Network), qui permet un accès à
l'Internet via des réseaux privés de FAI (fournisseurs d'accès Internet), que
cela représente un danger pour l'utilisateur. «Le blocage des VPN , qui sont
des réseaux virtuels privés, donc cryptés, se fait moyennant le filtrage de
tout le trafic crypté, et nuirait donc sérieusement aux échanges Internet non
incriminés, notamment les courriers électroniques, et nous avons donc préféré
surseoir à ce mode de blocage», a-t-elle affirmé. Mais, pour elle, l'usage des
VPN est «une machination» qui vise à généraliser l'usage du VPN parmi les
jeunes, et «dépasse de loin le stade de simples fraudeurs ordinaires».
Fatalement, elle a promis que «des mesures sévères seront prises à l'encontre
des fraudeurs utilisant ces techniques ainsi que les artisans de cette machination»,
avant d'égratigner des médias, qui incitent «les jeunes à en faire usage.»