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Gouvernement: La République des troubadours

par Ghania Oukazi

Le secrétaire général du FLN vient de prouver, encore une fois, qu'il est le véritable baromètre de ce que peut prévoir la présidence de la République.

Les tirs ciblés auxquels s'adonne Amar Saïdani, à chacune de ses sorties médiatiques, font, inévitablement des victimes. Sid Ahmed Ferroukhi, ministre partant de l'Agriculture, vient d'en être une, après avoir été sévèrement critiqué par cet énergumène. Le président de la République et ceux qui lui sont proches auraient dû nommer le SG du FLN, porte-parole du Palais d'El Mouradia, tant qu'ils se servent de lui pour annoncer leurs feuilles de route. Mais peu importe les appellations, Saadani n'en a pas trop besoin puisqu'il bombe le torse pour avoir été choisi par les Bouteflika pour désarçonner et provoquer la chute des responsables les plus importants, dans la pyramide du pouvoir, et les plus vissés au sérail. Saadani est le baromètre qui donne la température en haut lieu. Sa vraie fonction ressemble à celle d'un «portier». Il a été placé, à la tête du FLN, non pas pour faire de la politique mais pour ouvrir les portes des institutions, soit pour faire partir certains ou faire (r)entrer d'autres. Il aide, aussi, ses amis à reprendre du service même si leur nom a été mêlé à de gros scandales de sous, de dilapidation de foncier agricole et d'associations de tricheurs. Comme déjà avancé par les médias, Abdesselam Chelghoum en est la parfaite illustration. Bien que ce personnage n'a jamais été inquiété par la justice, il a été secrétaire général au ministère de l'Agriculture au milieu des années 2000, au temps du scandale de la GCA (Générale des concessions agricoles), des détournements dont elle en a fait l'objet et des procès qui s'en sont suivis avec à la clé des emprisonnements fermes de ses responsables et cadres. L'affaire n'a toujours pas été close. Au-delà du fait qu'il soit membre du Bureau politique du FLN, Chelghoum a de tout temps été très proche de Saadani. Leurs parcours professionnels respectifs ont souvent coïncidé. Au temps où Chelghoum était secrétaire général au ministère des Transports, Saadani était président de la commission parlementaire (APN) du même secteur.

Aux chapitres des escroqueries?

Quand ce dernier a été placé au perchoir de l'APN, Chelghoum était devenu DG de l'OAIC après avoir été limogé des Transports. Il avait, ainsi, un appui fort pour diriger sans aucune crainte, un office qui a caracolé en haut des chapitres des escroqueries même aux temps les plus sereins du pays.

Le nouveau locataire du ministère de l'Agriculture arrive à un moment où le Premier ministre a fait savoir que les fermes pilotes de l'Etat doivent être données en concession. Très convoitées par les grosses fortunes, ces fermes sont au nombre de 177 et s'étalent sur les meilleures terres publiques. Abdelmalek Sellal répète, depuis quelques mois, qu'il faut que ces fermes soient exploitées dans le cadre d'un partenariat-public-privé. Mais la tendance semble aller vers leur cession à des privés, bien connus, qui ont très vite fait part de leur intention de les acquérir. L'on rappelle qu'une partie de ces fermes était consacrée à la production de semences. Ce n'est pas évident qu'elles le restent même si les pouvoirs publics ont mis des garde-fous pour qu'elles ne dévient pas de leur vocation initiale. Beaucoup s'interrogent sur les critères qui prévalent au choix d'un ministre ou d'un haut responsable. La présidence de la République ne semble, cependant, pas s'encombrer de considérations de ce genre. L'on a comme l'impression que ses locataires narguent l'opinion publique en lui infligeant des noms qu'elle se refuse pourtant de retenir parce qu'ils ont marqué des conjonctures néfastes pour l'Algérie. Quand Saadani a été désigné par Bouteflika, président de l'APN, nous écrivions, dans ces mêmes colonnes que «le pouvoir est en panne de compétences (?). L'on sait qu'il n'y a pas de sots métiers mais la compétence a ses règles». A l'époque, Larbi Belkhier alors directeur de cabinet à la présidence de la République nous avait téléphoné pour nous demander «pensez-vous que c'est facile de choisir un responsable sans se tromper ?»

Réputé pour avoir «noyauté» la haute administration en plaçant ses hommes et même ses proches dans les postes les plus sensibles des institutions de l'Etat (cas de l'OAIC dans les années 80), Belkheir savait très bien qui faisait quoi dans les strates les plus insignifiantes de l'Administration. Il était ainsi tout autant que tous les autres éléments de la fameuse «promotion Lacoste» (les militaires algériens de l'armée française qui ont rejoint très tard les rangs de l'Armée de libération nationale), appelés bien plus tard «les Janviéristes» (pour avoir provoqué l'arrêt du processus électoral, en janvier 92). Connu pour son hostilité à leur règne, Bouteflika s'était alors juré de provoquer des changements d'hommes et de restructurations de services divers pour casser leurs relais. Il est vrai qu'il a réussi à faire partir jusqu'aux plus solides d'entre eux. Il est, cependant, curieux qu'il fasse appel à une relève qui n'est pas aussi étrangère aux milieux de frasques mafieuses. L'on dit de lui qu'il est têtu à contredire la raison mais de là à leur donner le pays en gestion, c'est laisser penser que le sentiment de revanche et de vengeance qui l'a poussé à revenir au pouvoir, est aussi vif qu'il n'en a été, il y a de longues années.

Hautain et dédaigneux qu'il est à l'égard de «la plèbe» en général et de ceux qui ont été ses contremaîtres jusqu'à ce qu'ils agenouillent l'Algérie devant le FMI, Bouteflika reste, sans conteste, braqué sur un profil de responsable «défiguré» par l'incompétence, l'incrédibilité et la sournoiserie. L'on dit que lorsqu'il avait «instruit» l'APN pour prendre comme président Amar Saadani, il avait dit à son entourage que «les députés ne méritaient pas plus qu'un drebki». Il faut croire que Bouteflika s'est bien accommodé des troubadours de bas étages qui ont privatisé l'Etat, diabolisé ses institutions et fait de l'Algérie «la République des copains».